J’avais beaucoup entendu parler de ce roman, qui revenait souvent comme un classique à venir de la SF. La fille automate de Paolo Bacigalupi nous entraîne dans un futur sombre, où des multinationales tentent de manipuler la génétique pour permettre à une humanité éparse de survivre à un environnement hostile, où les pandémies menacent régulièrement de la rayer de la carte. Un roman qui respire la bonne ambiance en somme.

Ce roman entre dans le challenge du pavé de l’été !

Challente pavé de l'été

Synopsis de la fille automate

La sublime Emiko n’est pas humaine. C’est une créature artificielle, élevée en crèche et programmée pour satisfaire les caprices décadents d’un homme d’affaires de Kyoto. Êtres sans âme pour certains, démons pour d’autres, les automates sont esclaves, soldats ou jouets pour les plus riches, en ce XXIe siècle d’après le grand krach énergétique, alors que les effets secondaires des pestes génétiquement modifiées ravagent la Terre et que les producteurs de calories dirigent le monde. Qu’arrive-t-il quand l’énergie devient monnaie ? Quand le bioterrorisme est outil de profit ? Et que les dérives génétiques font basculer le monde dans l’évolution posthumaine ?

Un roman sombre, à l’ambiance suffocante

Un futur désespéré

Le roman nous immerge rapidement dans un univers biopunk sale et sans concessions. C’est un monde où la pauvreté et la maladie règnent en maître. L’ensemble de l’histoire se parcourt avec un creux désagréable au ventre tant la violence et la crasse semblent omniprésentes. Le Royaume Thaï, où se passe l’histoire, est considéré comme un havre relativement stable face à d’autres régions du monde ravagées. Le Vietnam subit une guerre brutale. Les récoltes du monde risquent à chaque moment d’être contaminée par la Rouille, une maladie qui touche les plantes et les rend impropres à la consommation, entraînant disette sur famine et la violence qui en découle de facto.

Au Royaume Thaï, les camps sont clairement délimités. Nous avons en bas de l’échelle les yellow cards, travailleurs immigrés, souvent empilés dans des camps, menacés constamment. Les chemises blanches font régner l’ordre officiel du gouvernement, ne lésinent pas sur la violence et sont redouté de l’ensemble de la société. Les étranger, « farang », sont des investisseurs installés pour produire des aliments (algues, fruits…) et sont en généralement riches, cyniques et déconnectés. On a bien sûr le reste de la société, pêcheurs, éleveurs de poissons… Pauvres paysans tentant tant bien que mal de survivre dans un monde profondément malade.

La fille automate aborde de nombreux thèmes

Ce roman est à lire pour la richesse des problématiques abordées. La première est évidemment le sous-texte écologique, présente tout le long du récit sans nous être martelée. L’histoire nous emporte dans une post-histoire où l’humanité a abusé des ressources naturelles, entraînant une prolifération des maladies et des catastrophes naturelles. Comme je l’ai déjà évoqué, le transgénique est devenu monnaie courante pour tenter de créer des légumes viables, ce qui a abouti à une multiplication des entreprises spécialisées Monsanto-Style, avec des transingénieurs qui apprécient rien de mieux que de jouer à Dieu. C’est paradoxal et inquiétant, et pose la question de l’hubris d’une humanité qui, même à bout de souffle, tente d’utiliser les mêmes outils qui a mené à sa perte dans l’illusion d’obtenir un résultat différent. Il ya quelque chose de profondément pessimiste et déprimant.

D’autant plus que l’auteur ne s’arrête pas en mettant en avant l’intelligence artificielle. C’est à travers le personnage d’Emiko que nous voyons cet élément. Emiko est une création japonaise, une sorte de simili-humaine née en éprouvette, qui sert notamment à effectuer des travaux pour combler les carences de main d’œuvre d’une société vieillissante. Elle allie beauté et intelligence, mais dispose de défauts de conception volontaires. Elle a notamment les pores de la peau très resserrés pour lui donner un teint parfait, elle ne sue donc pas assez et surchauffe rapidement. Mais elle a été abandonné au Royaume Thai. Elle sert dès lors de distraction, subissant une multitude de situations avilissantes. La fille automate ne peut pas se rebeller, à cause notamment de son code génétique. Mais pour combien de temps ?

Un tempo crescendo

Dès les premières pages, l’immersion est totale ! Voire trop : l’auteur nous plonge directement dans le vocabulaire spécifique de son monde (farang, chemise blanche, rouille…) sans forcément nous donner les clés. Il faut donc aimer être déstabilisé et accepter que tout ne sera pas évident ou compréhensible immédiatement. Mais une fois cette étape passée, l’histoire gagne en puissance pour dévoiler des enjeux bien plus importants qu’elle ne laissait entrevoir. En effet, on commence avec Anderson, américain peu sympathique qui cherche l’origine de mystérieux fruits qui semblent immunisés contre la fameuse Rouille. Très vite il va se trouver intriquée dans des conflits politiques qui bouleverseront l’équilibre du Royaume.

En outre, cet aspect progressif est porté par une écriture simple mais efficace. Mais également par le choix narratif d’aborder plusieurs points de vue à travers des personnages très différents. L’ensemble donne une cohérence plaisante à l’univers. Paolo Bacigulapi a également une bonne maîtrise de son rythme, notamment grâce à des passages intenses en émotion et/ou en action.

Des côtés dérangeants malgré des personnages crédibles

Malheureusement, un aspect m’a empêché d’entrer complètement dans l’histoire. Moi qui suis pourtant très fan de récits porteurs d’une grande noirceur, j’ai trouvé que la fille automate en débordait. Dans le sens où parfois il y a une violence qui vient vraiment alourdir le propos ou la description là où une plus plus subtile aurait eu un impact identique sans perdre le propos. Je pense notamment à une scène particulièrement crue avec Emiko. Il y a parfois une forme de surenchère qui m’a déconnectée de certaines scènes.

Enfin, les personnages sont variés et bien campés, mais ce n’est pas un livre pour vous si vous les aimez attachants. En effet, cette noirceur constante apporte un flou moral. Du coup, de nombreux personnages agissent par nécessité et n’ont pas forcément de personnalités très approfondies, voire chacun d’entre eux nous est antipathique à un certain moment. Une fois de plus, ce manque de connexion émotionnelle pourra empêcher certains de rentrer complètement dans le roman.

La fille automate est un roman solide mais qui ne m’aura pas totalement séduite

Beaucoup de mes camarades lecteurs de SF ont adoré de livre et il a reçu de nombreux prix. C’est justifié puisqu’il ne manque pas de qualités : des propos intéressants menés avec efficacité, une maîtrise du rythme et un univers glaçant mais bien construit… Pour ma part, cette difficulté à s’immerger dans les premières pages, un côté sombre et dépressif trop présent et des personnages trop peu attachants m’empêchent de le compter parmi mes favoris. Peut-être ne lis-je pas assez de cyberpunk ?

Note : 16/20

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4 commentaires

Yuyine · 7 août 2020 à 9 h 18 min

Je te rejoins en effet sur l’aspect très noir de ce livre. Pour ma part c’est l’univers surtout qui m’a séduite (malgré quelques faiblesses aussi à ce niveau-là). J’en garde un grand souvenir pour cet aspect bien que je sois consciente de ses défauts.

    La Geekosophe · 8 août 2020 à 23 h 54 min

    Totalement alignée sur ton commentaire ! Je suis d’ailleurs curieuse de découvrir d’autres romans de l’auteur pour voir si j’y trouve des défauts similaires 😉

Brize · 8 août 2020 à 12 h 09 min

Ce que tu dis concernant Emiko est ce qui m’avait aussi dérangée dans ce roman.

    La Geekosophe · 8 août 2020 à 21 h 48 min

    Oui, j’ai trouvé que certaines scènes avaient un aspect malsain et voyeur. C’est curieux alors qu’il m’arrive de lire des thrillers parfois sans concessions

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