Je m’étais gardé Rouge de Pascaline Nolot pour lire au début de l’hiver. Avec sa couverture aux arbres décharnés et ses allures de conte macabre inspiré du Petit Chaperon Rouge, le roman semblait parfait pour le mois de novembre, afin de rester dans une ambiance Halloween un peu rêveuse. Alors, qu’ai-je pensé de ce récit ?

Synopsis de Rouge

Accroché au versant du mont Gris et cerné par Bois Sombre se trouve Malombre, hameau battu par les vents et la complainte des loups. C’est là que survit Rouge, rejetée à cause d’une particularité physique. Rares sont ceux qui, comme le père François, éprouvent de la compassion à son égard. Car on raconte qu’il ne faut en aucun cas toucher la jeune fille sous peine de finir comme elle : marqué par le Mal. Lorsque survient son premier sang, les villageois sont soulagés de la voir partir, conformément au pacte maudit qui pèse sur eux. Comme tant d’autres jeunes filles de Malombre avant elle, celle que tous surnomment la Cramoisie doit s’engager dans les bois afin d’y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère. Est-ce son salut ou bien un sort pire que la mort qui attend Rouge ? Nul ne s’en préoccupe et nul ne le sait, car aucune bannie n’est jamais revenue…

Un récit sombre et immersif

Une relecture sans concession du petit chaperon rouge

Pascaline Nolot propose aussi une autre vision du Petit Chaperon Rouge. Elle reprend les éléments principaux du conte d’origine pour donner une relecture plus proche du ton du conte d’origine, qui, comme beaucoup, étaient assez violents. Ici, nous suivons Rouge, une jeune fille défigurée par une tâche de naissance. Cette particularité physique fait qu’elle est rejetée du reste du village, d’autant plus que sa mère a perdu la raison suite à un événement traumatique. Lors de ses premières règles, elle est contrainte de quitter Malombre pour aller rencontrer la Grand-Mère, que l’on prétend être une sorcière, guidée par des loups. Sur le chemin, elle fera également la rencontre de Chasseur.

Si tous les marqueurs du conte sont là, le roman joue vite avec nos attentes pour nous proposer des éléments inattendus. Le livre est une invitation à nous méfier des apparences, qui peuvent être trompeuses. Chasseur est-il vraiment le héros que tout le monde prétend ? Quelle est la véritable nature de la terrible Grand-Mère ? Pourquoi le Père François est-il le seul à prendre soin de la jeune Rouge ? Une grande partie du récit reprend ainsi le travestissement du conte original du Loup en Grand-Mère pour l’appliquer à différents personnages, construisant une histoire tout en faux-semblant qui piègent habilement les lecteurs.

Un roman aux multiples messages

Si le récit est souvent très sombre, c’est pour mieux souligner la cruauté du monde dans lequel évolue Rouge. En filigrane, ce sont les violences faites aux femmes qui reviennent le plus souvent. Toutes les nuances en sont évoquées : viol, violence, insultes, injonctions à la beauté, mariages forcés… C’est parfois très frontal, puisqu’un viol et une tentative de viol sont montrés dans le récit (heureusement, c’est loin d’être accessoire à l’histoire). Parfois c’est plus symbolique, avec notamment le fait que les filles doivent quitter le village dès leurs premières règles, qui rappellent certaines pratiques dans des cultures au sein desquelles les femmes doivent quitter la communauté le temps de leurs règles.

En outre, le récit aborde les phénomènes d’embrigadement et d’effets de groupe. On constate très rapidement que Rouge est rejetée par pure superstition. Malombre est un village où règnent les superstitions, les rumeurs et les mauvaises langues, ce qui implique bien sûr l’apparition de boucs émissaires. Grand-Mère fera elle-même remarquer que la tâche de naissance de la jeune fille n’est qu’un prétexte. Même si elle était née avec un physique plus normal, elle aurait sans doute été maltraitée car sa mère a perdu la raison. Même si le récit est dirigé à un public jeune, ces aspects font du roman une lecture parfois difficiles car il y demeure un désespoir assez constant et une violence parfois crue qui rend le récit très mature.

Personnages bien construits et écriture talentueuse

Le récit tire également son épingle du jeu car l’autrice construit très bien ses personnages. Rouge est très bien écrite. Jeune fille qui aurait pu paraître un peu niaise devant une passivité de façade devant la cruauté des villageois, elle dévoile une personnalité débrouillarde et opiniâtre une fois laissée à elle-même, mais toujours avec une certaine sagesse. Sans être parfaite, elle se laisse parfois piégée par les apparences, elle a une évolution réaliste et bien rythmée au fil des pages. Le personnage du Père François est également surprenant de par les révélations qui l’entourent. Il n’y a guère que la Grand-Mère qui, malgré une idée de départ intéressante, se montre un peu trop verbeuse et théâtrale à mon coût.

Le roman fonctionne également grâce à une écriture très maîtrisée. La plume est fluide et agréable. Pascaline Nolot trouve un bon équilibre entre description et action, et parvient même à placer des termes parfois vieillis avec assez de parcimonie pour que cela participe à l’immersion du lecteur dans une époque qui semble bien éloignée de la nôtre. Mais sans tomber dans un phrasé qui aurait pu paraître trop ampoulé et artificiel qui aurait nuit au récit.

Rouge est une pépite à découvrir d’urgence

Bien écrit, ce conte macabre joliment réinterprété est une très bonne surprise ! L’autrice propose une histoire sombre pour mettre en exergue la violence faite aux femmes, la superstition, les foules aveugles et le danger des apparences. Sans concession, la plume nous emmène à la suite d’une héroïne qui connaîtra bien des déboires et devra surmonter bien des dangers. Le récit reprend les codes du conte originel du chaperon rouge pour en proposer une version à la fois cruelle et moderne. La lecture est parfaite pour la période d’Halloween.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

5 commentaires

L'ourse bibliophile · 29 novembre 2021 à 11 h 21 min

Ta chronique est géniale ! Tu parles super bien de ce roman fantastique, tu soulignes à merveille tous ses points forts. Il n’y a rien à rajouter à cela !

Yuyine · 9 décembre 2021 à 14 h 30 min

Très bon roman en effet. Une jolie plume pour des messages forts.

La Geekosophe · 12 décembre 2021 à 23 h 30 min

Merci beaucoup, je suis très contente d’avoir réussi à passer tout ce que je voulais sur ce livre !

La Geekosophe · 12 décembre 2021 à 23 h 30 min

J’ai hâte de voir ses prochains romans !

Rouge de Pascaline Nolot – Les Blablas de Tachan · 21 juin 2023 à 6 h 00 min

[…] pas à lire aussi les avis de : Light and smell, Amanda, Saiwhisper, Calysse, Ibidou, Geekosophe, Madame Point Virgule, Monologues de l’esprit, Vous […]

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