L’heure de la lecture du roman annuel d’Ursula Le Guin est arrivé. Je poursuis mon exploration du Cycle de Hain avec Les dépossédés, l’une des œuvres majeures de la Grande Dame de la science-fiction. Avec ce livre, elle explore les différences politiques et sociales entre deux mondes lointains à travers le vision d’un outsider. Qu’en ai-je pensé ?

Cette œuvre entre bien sûr dans le défi Summer Star Wars de Lhisbei.

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Synopsis de Les dépossédés

Deux mondes se font face :
Anarres, peuplé deux siècles plus tôt par des dissidents soucieux de créer enfin une société utopique vraiment libre, même si le prix à payer est la pauvreté.
Et Urras qui a, pour les habitants d’Anarres, conservé la réputation d’un enfer, en proie à la tyrannie, à la corruption et à la violence. Shevek, physicien hors normes, a conscience que l’isolement d’Anarres condamne son monde à la sclérose. Et, fort de son invention, l’ansible, qui permettra une communication instantanée entre tous les peuples de l’Ekumène, il choisit de s’exiler sur Urras en espérant y trouver une solution.

Une réflexion hors normes sur les utopies

Quand deux mondes se retrouvent et s’opposent

Ursula Le Guin utilise ici un principe bien connu qu’elle a déjà mobilisé dans d’autres romans : un étranger découvre les us et coutumes d’une planète inconnue. Un procédé qui permet de comparer des situations sociales, économiques et politiques souvent opposées. Ici, un physicien renommé quitte la lune désolée d’Anarres pour tenter de rétablir le contact avec la planète mère, Urras. Mais les deux sociétés ont évolué des siècles complètement séparées l’une de l’autre, et ont pris des voies bien différentes. Ainsi, Anarres est une terre désertique avec peu de ressources, au système politique plat basé sur l’autogestion sans être pour autant anarchique. Urras est plus proche de notre société capitaliste, avec beaucoup de ressources mais aussi beaucoup d’inégalités, sociales comme économiques.

L’autrice développe avec sa précision habituelle ces deux sociétés, avec leurs propres traditions, coutumes et façons de vivre. A travers le personnage principal, Shevek, elle crée tout un vocabulaire pour Anarres afin de décrire de manière la plus juste cette société qui se rapproche beaucoup d’une forme de communisme. Au point de paraphraser l’un des éléments de la pensée marxiste qui est de dire que la propriété est du vol. Ainsi, à cause des faibles ressources de la Lune, les habitant d’Anarres cultive un mode de vie simple et ce minimalisme est vu comme une forme de droiture morale. Urras valorise tout le contraire : l’ostentation et la possession sont au coeur de leur culture. Shevek doit donc s’habituer à cette nouvelle société pour tenter de faire passer son message, une mission aussi solitaire que difficile.

Une analyse rigoureuse

Mais cela signifie-t-il qu’Ursula Le Guin prend partie pour l’un des modèles de société qu’elle propose ? Pas vraiment, car elle n’hésite pas à revenir sur le passé de Shevek pour que nous puissions également comprendre le fonctionnement d’Anarres. Par exemple, les travaux de ce dernier ne pas publiés pour des raisons dogmatiques de la par de l’un de ses pairs. Ainsi, même dans une société qui se veut égalitaire, a censure existe et des individus peuvent de manière pernicieuse, exercer beaucoup de pouvoir. Il y a donc un parallèle à faire avec la société Urrasti, viciée par la corruption et la frivolité. Ainsi, l’autrice se montre assez fine dans son analyse derrière la simplicité fluide de l’écriture.

Son analyse passe également par le caractère de son personnage principal. Scientifique génial, Shevek subit les inconvénients de la Lune d’Anarres à travers sa recherche de la vérité et son caractère atypique. Son caractère analytique n’est pas une marque de rébellion mais le pousse à une forme de puissante honnêteté. Cette candeur radicale sera un frein pour d’autres raisons sur Urras. En effet, il passe facilement pour un naïf idéaliste aisément manipulable. Il semble au contraire lucide, car il sait que sa planète est mise en danger par l’autarcie. Pour preuve, beaucoup de ses découvertes scientifiques se sont nourries des échanges avec d’autres physiciens Urrastis, semblant montrer que c’est en réalité des échanges entre différentes opinions que naissent les découvertes les plus innovantes.

Les dépossédés, un roman profondément politique et humaniste

Les dépossédés met en scène deux sociétés que tout oppose avec talent et minutie. Ici, nous faisons à des systèmes politiques qui créent des normes et des valeurs très différentes entre une planète riche et vaste et sa lune habitée de colons. Shevek, physicien de la Lune Anarres, se rend sur Urras pour tenter de rétablir le contact. Ce voyage permet de mettre en exergue deux cultures aux antipodes l’une de l’autre, chacunes avec leurs défauts, leurs qualités et leurs traditions. Ursula Le Guin propose un texte permettant de nombreux angles d’analyse, avec une forme de rigueur bienvenue. C’est une fois de plus une grande oeuvre du space opera et de la soft SF.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

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