Avec plus de 1000 pages, Je redoutais de me lancer dans Terreur de Dan Simmons. Je n’ai rien lu avant avant de cette sommité de la science-fiction, dont les romans m’ont cependant toujours attirés par l’originalité de leur résumé. J’adorais l’idée de Terreur, que j’ai découvert grâce à la série éponyme : un mélange de survie et d’horreur dans un univers inhospitalier et glacial.

Ce pavé de belles proportions entre évidemment dans le défi pavévasion de Brize.

Challente pavé de l'été

Ainsi que dans le défi Minus et Cortex de Lune !

Synopsis de Terror

Le 19 mai 1845, le HMS Erebus et le HMS Terror quittent l’Angleterre sous les vivats de la foule. Avec ces navires, le vénérable sir John Franklin entend enfin percer le mythique passage du Nord-Ouest. Mais à l’enthousiasme succèdent bientôt la désillusion, puis le drame… Mal préparée, équipée et dirigée, l’expédition se retrouve prisonnière des glaces et de la nuit polaire. La mort frappe. La maladie se répand. La faim, la mutinerie et la folie couvent. Et rôde une mystérieuse et terrifiante créature, incarnation des peurs ancestrales de l’homme face aux éléments.

Le 19 mai 1845, cent vingt-neuf hommes partaient pour un voyage au bout de l’enfer blanc. Combien en reviendront vivants ?

Terreur est un roman dantesque dans une atmosphère hallucinante

Un style unique qui construit un univers immersif mais rude

Je sais à peine par où commencer tant l’œuvre est gigantesque ! La première chose qui m’a frappée, c’est sans doute une écriture âpre mais d’une précision redoutable. Dan Simmons sait être ciselé et poétique pour créer un monde de neiges et de glaces qui semblent infinis, où la beauté se dispute au danger constant. Les descriptions du effet du froid sur les hommes coincés depuis des années en Arctique sont très détaillées : la peau qui s’arrache en gelant, la nécessité de s’enrouler dans des multiples couches de vêtements, la difficulté à trouver de la nourriture fraîche pour des marins mal équipés et mal préparés. Et l’arrivée du scorbut, avec les Hommes qui perdent leurs dents, saignent des gencives, puis du reste du corps petit à petit. Certaines opérations menées par les chirurgiens de bord sont d’ailleurs très crues, gare aux âmes sensibles.

Il y a dans un premier temps quelque chose de direct et de très organique dans la lecture. On sentirait presque le froid et la souffrance nous être partagés. Dans un second temps, l’auteur insuffle quelque chose de mystique. C’est notamment présent dans cette puissance naturelle indomptable qui semble être trop destructrice pour les humains. Cette impression est renforcée par La Terreur. Il s’agit d’une créature géante qui hante les glaces et prend en chasse les survivants des deux navires de l’Empire Britannique.

Une mise en contexte historique admirable

Les événements décrits dans le roman sont inspirés de faits réels. En effet, ces deux mêmes navires, le HMS Terror et le HMS Erebus, ont disparu à la même époque sans laisser de traces, la même chose pour les 128 hommes à son bord. L’auteur cadre son récit à travers une recherche que l’on sent foisonnante et pointilleuse. Après tout, la disparition de deux navires géants dans les brumes mystérieuses de l’Arctique est le terreau parfait pour construire une histoire haletante. Dès lors, l’auteur nous plonge dans une reconstitution minutieuse de la vie de marins à l’époque.

Le récit regorge de termes marins. C’est un plaisir de lire une histoire qui mêle érudition et suspens avec autant de fluidité : j’ai pu en savoir plus sur la façon dont les opérations maritimes d’exploration étaient préparées, avec quel matériel, quelles réserves. On a également pas mal de détails sur les rôles nécessaires à la navigation : aide-calfat, pisteur des glaces, mousses… Il est aussi intéressant de voir comment les marins se nourrissaient, à base de conserves (ce qui a posé problème puisque certaines lors de l’expédition avaient des défauts qui les rendaient impropres à la consommation, nous avons d’ailleurs un petit passage sur comment une conserve doit être faite).

Une solide galerie de personnages

Dans Terreur, Dan Simmons a opté pour une narration à plusieurs points de vue. Un choix judicieux qui lui permet de créer des personnages variés et crédibles. L’auteur semble d’ailleurs avoir un vrai talent pour donner une personnalité tangible à des personnages que nous suivons parfois uniquement sur quelques pages. Ceux que nous suivons sur de plus longues portions du récit sont d’ailleurs remarquables : Irving et Goodsir sont très bien écrits. Mais mon personnage préféré a été Francis Crozier, qui a une formidable évolution le long du livre. Il faut dire qu’il partait de loin avec sa colère d’irlandais et sa dépendance à l’alcool. L’antagoniste Cornelius Hickey est également terrifiant à sa façon, il semble tout droit sorti d’un roman du King pour nous rappeler que le danger peut venir des hommes eux-mêmes.

Cette alternance des points de vue permet également d’affirmer un rythme soutenu. Chose rare pour un roman de cette taille, je ne me suis pas ennuyée un seul instant ! Les pages semblaient tourner d’elles-mêmes. Autre élément notable : la focalisation est souvent interne, ce qui renforce le côté relationnel avec les personnages. C’est parfois un peu dérangeant, puisque la mentalité de l’époque n’est pas très positive envers les Inuits ni avec les femmes. Mais l’auteur contrebalance très bien ces points grâce à des passages qui se centrent sur les échanges interculturels.

Terreur surprend par son mysticisme

Terreur ne néglige pas les aspects mystiques et fantastiques. Plusieurs éléments apparaissent : La créature, le don de double-vue de Francis Crozier… Mais aussi les marins qui, face à la rudesse des glaces, retrouvent une forme d’animisme en sculptant des ours de bois dont ils se servent comme amulettes. Une part du récit est également accordée aux croyances des Inuits, notamment sur la fin du roman. Ces indices apportent une forme de symbolisme au roman qui dépasse alors le simple récit survivaliste à tendances horrifiques. Il prend les teintes d’un récit écologique.

La Terreur (surnom de la créature) semble être une manifestation très concrète de la peur des forces indomptables de la nature. La bête est énorme et est capable d’arracher les membres d’un homme d’un coup de pattes. Le seul à avoir pu lui tenir tête est le pilote des glaces, à savoir un membre de l’équipage dont la connaissance des glaces aide à guider les navires. Sans donner trop de détails, il semble que pour communiquer avec la Créature, il faille renoncer à une partie de son humanité (au sens culturel). D’une certaine façon, le roman nous rappelle la nécessité de faire preuve d’humilité face à la puissance de la nature, là où Cornelius Hickey fait preuve au contraire d’hubris.

Terreur fait reposer son horreur sur l’atmosphère

Loin d’être un roman d’horreur traditionnel malgré quelques passages gores, l’aspect horrifique naît surtout des descriptions très cliniques et factuelles. Plusieurs aspects participent à construire une ambiance où règne un malaise important : violence crue, conditions difficiles, mort qui peut surgir à n’importe quel instant, maladies terribles. Le froid, la faim et le désespoir prennent une dimension d’un réalisme aussi glacial que la neige de l’Arctique. Mêlant survivalisme et fantastique, Terreur oscille entre le sublime et l’horrible avec une aisance déconcertante.

Note : 19/20

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Catégories : Chroniques

8 commentaires

Flo · 11 août 2020 à 12 h 58 min

Merci bcp pour ta critique très détaillée ! Je l’ai dans ma liseuse… j’avais beaucoup aimé la série, son atmosphère, son horreur mystique, sa dureté et sa finesse dans la psychologie des personnages…

    La Geekosophe · 11 août 2020 à 17 h 24 min

    On m’a beaucoup parlé de la qualité de la série ! A priori le livre a les mêmes 😉

PostTenebrasLire · 11 août 2020 à 21 h 27 min

Superbe avis
Je cherchais justement un article pour parler du bouquin à mes acolytes

    La Geekosophe · 12 août 2020 à 22 h 53 min

    Haaaaa, mais je suis ravie d’aider Terreur à conquérir le cœur de nouveaux lecteurs

Kim Daher · 13 août 2020 à 11 h 27 min

Ce livre a l’air vraiment génial ! D’ailleurs j’ai créé mon blog recement qui s’appelle « onlitcommeonaime.blogspot.com » j’aimerai beaucoup avoir ton avis sur mon blog !

    La Geekosophe · 13 août 2020 à 14 h 05 min

    Merci beaucoup ! J’essaie de faire au mieux pour rendre honneur à mes lectures marquantes !
    Ton blog est très sympathique, j’aime beaucoup les fun facts à la fin des chroniques et l’article sur la construction de l’identité féminine est passionnant 😉

Brize · 17 août 2020 à 19 h 14 min

Eh bien, voilà une lecture qui t’a convaincue … et tu es très convaincante !

    La Geekosophe · 17 août 2020 à 19 h 57 min

    Il y a longtemps qu’il n’y a pas eu un 19 sur le blog ! Il fallait que je le mette bien en valeur 😀

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