Il y a aujourd’hui beaucoup de réécritures mythologiques qui prennent le point de vue des femmes. Femmes de héros, sorcières ou même monstres, ces récits sont cependant centrés sur les mythes européens, souvent gréco-romains même. Avec le Palais des illusions, Chitra Banerjee Divakaruni nous entraîne dans la mythologie indienne, à la découverte des grands événements qui ont bouleversé le monde et de Draupadi, la femme qui en est à l’origine.
Synopsis de Le palais des illusions
Chitra Banerjee Divakaruni, la romancière de La Maîtresse des épices et de La Reine des rêves, plonge dans le temps enchanté de la mythologie indienne et place une femme au coeur de la fresque épique du Mahabharata. Elle conte l’histoire de Draupadi, née dans le feu céleste et vouée à un destin hors du commun dès sa venue au monde. Alors qu’elle était encore petite fille dans le palais de son père, le sage Vyasa lui a prédit son avenir : elle épousera les cinq plus grands héros de son temps et sera la maîtresse du plus magique des palais, mais elle déclenchera aussi une terrible guerre qui mettra fin au « Troisième Age de l’homme ». Elle connaîtra la gloire, la solitude, l’infortune et l’amour… Draupadi, fière et rebelle, suivra-t-elle le chemin que les dieux ont tracé pour elle ?
Une saga mythologique entre intime et grandiose
Draupadi, une femme partagée entre devoirs et désirs
L’histoire est écrite du point de Draupadi, fille d’un roi avide de vengeance, sortie par magie du feu avec son frère. Une genèse qui pose bien le décor : loin d’être une femme soumise, Draupadi s’attire les ennuis avec son caractère fougueux et insolent, notamment au début du roman. C’est un personnage qui évolue magnifiquement au fil du récit, face aux nombreuses épreuves qui la sculptent. Sans s’affadir, on la sent devenir plus raisonnée, guidée par son devoir envers son mari et sa famille. Même si elle est mystérieusement attirée par Karna, ennemi de ses maris, héros du camp ennemi. En ce sens, ce tiraillement entre devoir et désir est classique mais toujours d’une efficacité redoutable dans les récits mythologiques, qui font la part belle aux femmes fidèles et aux héros qui choisissent l’honneur de leur famille.
Le palais des illusions présente les rigidités de la société. Draupadi constate à plusieurs reprises que malgré ses origines magiques, elle est traitée comme moins importante que son frère. Mariage, enfants, pour chaque de sa vie elle est une monnaie d’échange, condamnée à la soumission, voire à l’humiliation. Mais sa rébellion n’a aucun effet sur un monde dont les règles se révèlent trop ancrées pour être pliées. Il y a donc quelque chose d’éternellement tragique pour notre protagoniste, qui doit s’appuyer constamment sur les hommes de son entourage pour parvenir à ses fins. Elle ne sera heureuse que dans un palais construit pour elle, dans lequel elle parviendra à obtenir un soupçon de liberté et de pouvoir en jouant sur sa sagesse.
A la découverte de la mythologie indienne
Le palais des illusions nous plonge dans des épisodes du livre sacré Le Mahâbhârata. La lecture nous permet aussi bien de découvrir des pans de cette mythologies que des éléments culturels de l’Inde, mais modernisé par le point de vue de Draupadi. Ce qui est notable, c’est que les dieux jouent finalement un rôle assez mineur, même si leur présence et leur pouvoir sont perceptibles. Nous sommes dans un univers où le devoir joue un rôle essentiel, supérieur à l’individualisme. C’est ainsi que des hommes et des femmes sacrifient tout pour une guerre, une jalousie ou une mission supérieure. Et dans ce monde très codifié, Draupadi apprend à ses dépends que la femme est en queue de peloton. Poli
Tout cela permet à l’autrice de construire des scènes particulièrement déchirantes, comme l’épreuve pour son mariage ou son humiliation cuisante dans le palais de ses ennemis. Chitra Banerjee Divakaruni a un style qui permet d’avoir beaucoup d’empathie pour Draupadi, dont on s’identifie finalement facilement aux luttes. Son écriture est également très poétique, ce qui permet de nous immerger dans cette Inde mythique, ses royaumes en guerres et ses jardins. J’ai peut-être un peu moins accroché sur la dernière partie. En effet, Draupadi est confinée au rôle de spectatrice, ce qui rend de facto le lectorat plus passif et les événements, bien que dramatiques, m’ont glissé dessus.
Le palais des illusions, plongée poétique et immersive dans la vie de dilemmes d’une femme
Splendeurs et misères des héroïnes de la mythologie ! L’autrice nous entraîne à travers le destin hors normes de Draupadi, mariée à 5 héros, façonnée pour être un instrument de vengeance. Le plume de Chitra Banerjee Divakaruni est d’une poésie enchanteresse, sait mettre en valeur l’ambiance unique de l’Inde ancienne, mais aussi le caractère fougueux de Draupadi. Mêlant avec talent l’intime et l’épique, l’écrivaine peint le portrait d’une femme déterminée, mais victime de son destin et de son statut, lui donnant une voix à laquelle on s’identifie difficilement. Le roman nous permet de découvrir la mythologie indienne, ses héros, ses divinités, ses complots, ses guerres et ses palais magiques. Bien que j’ai moins accroché à la dernière partie du récit, je conseille ce récit aux lecteurs qui souhaitent découvrir une autre mythologie.
Note : 17/20
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