Depuis les ruines d’une économie effondrée, M.E. O’Brien et Eman Ablehadi nous propulsent dans un monde ré-imaginé. Une société où l’ancienne organisation a chuté pour donner naissance à une nouvelle forme de vivre ensemble où le partage et la communauté passent au-dessus du reste. Tout pour tout le monde est un récit qui ne touchera pas tout le monde de la même façon.

Synopsis de Tout pour tout le monde

À quoi peut ressembler une révolution au XXIe siècle ?
Vingt ans après un bouleversement social mondial, deux historiennes interrogent les acteurs et actrices de ce changement. Du Bronx à la Chine continentale, du Midwest américain au Proche-Orient, douze voix abordent les années troubles, les moments d’espoir. Douze personnes ordinaires guidées par un seul principe : « Tout pour tout le monde ! »
Voici, à travers les mots de celles et ceux qui l’ont vécu, l’effondrement économique, les catastrophes climatiques, les révoltes populaires autant que la répression. Et puis, plus tard, le temps de la reconstruction et l’avènement de sociétés plus égalitaires, écologiques et coopératives.
Voici le récit d’un printemps qui vint reverdir le monde.

Bienvenue dans le post-capitalisme

Interviews dans un monde nouveau

Le duo d’autrices a choisi de mettre en scène des interviews similaires à ce qui se fait dans le monde de la recherche. Nous assistons aux témoignages d’une douzaine de personnes qui ont assisté à la fin de la société capitaliste ou participé différemment à la construction de cette nouvelle société. L’objectif est d’avoir un panel représentatif de la population pour pouvoir analyser au mieux les événements d’un point de vue social. Ce choix narratif fait écho à l’une des spécifictés de la nouvelle société : l’identité individuelle existe dans toute sa pluralité, contrairement à ce que nous vivons aujourd’hui. Ainsi, plusieurs personnages LGBT témoignent de leur existence avant et après, avec parfois une forme de libération. Cependant, cette individualité n’est pas pour autant la marque de l’égoïsme exacerbé. La société est divisée en communautés variées formées par des groupes de personnes aux affinités communes, ce qui rappelle le système évoqué par Elio Possoz dans Les mains vides.

Chaque entretien aborde une dimension spécifique de la vie dans cette utopie : si certains témoignages sont basés sur la lutte et la révolution, d’autres parlent de structures familiales, d’écologie ou d’éducation… L’ensemble nous permet de parcourir des pans entiers de cette nouvelle société. Mais cet aspect très personnel m’a parfois perdue. Ainsi, je me suis parfois demandée si ce que je lisais était valable dans toutes les communautés, ce qui m’a semblé peu plausible car la technologie a fait un bond en arrière, notamment pour des raisons écologiques. Les voyages en avion ne sont plus possibles et le bâteau est la forme privilégiée de déplacement d’un continent à l’autre. Autant dire qu’hormis un passage sur le Moyen-Orient, nous sommes très centrés sur l’Amérique du Nord. Enfin, le style se fait très oral, mais certaines tournures se font très artificielles, ce qui m’a sorti de certains entretiens, notamment certaines phrases et interjections d’étonnement.

Un récit militant qui rappelle aussi d’autres oeuvres

Le roman propose un ensemble que j’ai commencés à évoquer. J’apprécie lorsque les auteurs tentent de répondre à la question : « qu’est-ce que qui peut faire suite au capitalisme ? » Beaucoup de personnes mettent en avant qu’il n’y a pas d’alternatives. Mais des oeuvres comme Tout pour tout le monde proposent de nouvelles voies, souvent développées à partir de pensées anarchistes ou communistes. Par exemple, les communes sont à taille humaine et les moyens de productions collectivisés, ce qui permet une gestion globale simplifiée plus alignée avec les besoins individuels. Toutes les décisions sont prises lors d’assemblées collectives et tout le monde peut prendre la parole lors des débats. Fini la ploutocratie. Les expériences de pensée permettent de développer de nouvelles idées sur ce que signifie faire société et vivre ensemble.

Cela signifie également démanteler des schémas très ancrés. Dans la plupart des témoignages, la notion de famille a pris une thématique plus large. Il n’y a plus vraiment de famille nucléaire, il est courant d’avoir plusieurs compagnes et compagnons ou de vivre à plusieurs éléments. Ce faisant, les autrices mettent en lumière les difficultés à élever des enfants dans un modèle comme le nôtre, tout en garantissant l’épanouissement des parents. Ensuite, un passage indique que les adolescents ont plus de liberté. Il leur est possible de vivre dans une maison commune loin des personnes qui les élèvent, ce qui permet de gagner en autonomie et de mieux se découvrir. Ce sont autant de façons de penser la fin de la famille qui entrent en contradiction avec un retour en force de valeurs traditionnelles aujourd’hui. La question posée par Tout pour tout le monde est finalement : notre modèle est-il le seul possible ? Le plus souhaitable ? Peut-on faire autrement et plus respectueusement ?

Tout pour tout le monde : une expérience de pensée et d’écriture

Tout pour le tout le monde est un roman qui invite à une réflexion poussée sur la société et ce que nous considérons comme normal et inaltérable. Le format d’entretiens permet d’explorer de nombreux aspects des nouvelles sociétés qui ont germé dans les cendres de la société capitaliste. Famille, écologie, travail… Chaque personne permet de révéler comment cette nouvelle organisation s’articule, mêlant la solidarité et l’individualité. Cependant, le style oral, bien qu’adapté, a parfois abouti à des moments où la parole sonnait peu naturelle, notamment dans les interjections, ce qui peut nuire au discours. De plus, l’aspect oral ne permet pas forcément d’entrer dans le détail et la globalité du fonctionnement de ces nouvelles communautés, ce qui m’a parfois laissé un sentiment de frustration.

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Catégories : Chroniques

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