Si vous cherchiez l’équivalent d’un coup de poing dans l’estomac, c’est un livre que je recommande ! J’avais lu « Almost Love » de Louise O’Neill, l’année dernière. J’avais apprécié sa manière très lucide de traiter de sujets qui étaient assez peu abordés comme la dépendance affective et les rapports de domination dans les relations homme-femme. Je récidive avec Une fille facile (« Asking for it » en VO), qui l’a véritablement révélée.

Synopsis d’une fille facile

Emma a dix-huit ans, c’est la plus jolie fille du lycée. En plus d’être belle, elle est pleine d’espoir en l’avenir. Cette nuit-là, il y a une fête, et tous les regards sont braqués sur elle.
Le lendemain matin, ses parents la retrouvent inanimée devant la maison. Elle ne se souvient de rien. Tous les autres sont au courant. Les photographies prises au cours de la soirée circulent sur les réseaux sociaux, dévoilant en détail ce qu’Emma a subi. Les réactions haineuses ne se font pas attendre ; les gens refusent parfois de voir ce qu’ils ont sous les yeux. La vie d’Emma est brisée ? Certains diront qu’elle l’a bien cherché.

Un récit qui vous restera en mémoire

Des choix narratifs intelligents

L’autrice se base sur des témoignages de ses amies pour construire son histoire. Elle nous propose donc un roman glaçant sur les viols et la façon dont ils sont considérés dans la société. Nous suivons la très belle Emma à deux moments clés de cet événement traumatisant. La fête, le viol et les quelques jours suivent, ainsi qu’un plus tard, avec les répercussions du scandale.

Louise O’Neill a fait le choix intelligent de défier les lecteurs sur leurs propres croyances et perceptions. Pour cela, elle a choisi (comme dans dans Almost Love) de faire du personnage principal une fille difficile à apprécier. Emma est très jolie et très populaire. Prétentieuse, orgueilleuse, compétitrice, elle n’hésite pas à rabaisser ses amies pour paraître sous son meilleur jour. Elle flirte avec les petits amis de ces dernières. Enfin, elle boit beaucoup, aime s’habiller très léger et n’est pas vraiment farouche. C’est la pire victime qu’on puisse imaginer et ses connaissances ne l’épargneront pas.

Le miroir d’une société des apparences

D’ailleurs, il est très intéressant de voir la grande hypocrisie sociale autour d’Emma dans ce petit village. Hier, admirée, le lendemain, humiliée. Tout le monde voulait devenir son ami ou coucher avec elle. Ce personnage est l’occasion pour Louise O’Neill d’aborder des thématiques délaissées et dont le principe a du mal à être compris par le grand public. Le slutshaming évidemment, ou l’humiliation des salopes, qui consiste à dévaloriser une femme parce qu’elle a des moeurs considérées comme légères, ce qui amène bien sûr à la culpabilisation des victimes. On notera que pour les hommes, ça n’existe pas. Le consentement aussi, qui semble être une notion qui dépasse l’entendement.

Le manque de soutien et de crédit accordé aux victimes de viol est montré de manière très criante. Si certains professionnels tentent de soutenir Emma, les actes semblent tellement dérisoires comparés au reste de sa situation qu’ils ne peuvent que laisser désemparé. La famille d’Emma tente également de la soutenir, mais ils ne savent pas comment réagir. D’autant plus qu’Emma tombe dans une phase de dépression et de culpabilisation très lourdes.

L’écriture de Louise O’Neill soutient son propos à merveille. Comme toujours, le style est à première vue simple et direct. Mais elle parvient à créer l’émotion en plaçant des phrases chocs ou des réflexions très lucides autour de ce que ressent Emma. Cette dernière a d’ailleurs une conscience très aiguë de la difficulté de sa situation, ce qui vient contrebalancer son image de jeune fille superficielle et peste pour un personnage qui connaît parfaitement les codes sociaux et qui parvenait à en jouer.

Louise O’Neill est une future autrice classique du féminisme

« Une fille facile » est une lecture éprouvante qui nous amène à réfléchir sur des sujets très graves avec lucidité et une grande maîtrise dans le propos. C’est encourageant de voir ce type d’oeuvre traiter de manière aussi juste des problématiques très présentes dans nos sociétés et qui méritent d’être modifiées en profondeur. Louise O’Neill nous met face à un récit de dénonciation fort et qui reste longtemps en mémoire. 

Note : 17/20

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7 commentaires

L'ourse bibliophile · 11 mars 2019 à 19 h 53 min

Ça semble être un vrai roman coup de poing. J’aimerais le lire même si je sais déjà qu’il va me remuer assez violemment. Tu es très convaincante en tout cas !

    La Geekosophe · 11 mars 2019 à 20 h 01 min

    Moi qui suis habituellement du côté « Coeur de pierre » de la force, j’ai été bien secouée !

Babitty Lapina · 13 mars 2019 à 11 h 07 min

Je ne connais pas cette autrice, mais ta chronique m’a vraiment donné envie de découvrir plus d’elle ! Ce roman – bien que dur – a l’air super intéressant ! Merci pour la découverte ♥

    La Geekosophe · 14 mars 2019 à 23 h 45 min

    Il n’y a pas beaucoup de ses romans qui sont traduits (un seul en fait), du coup ça limite sa visibilité en France ! Mais j’espère qu’il y en aura un peu plus 😀

Choupaille · 19 mars 2019 à 16 h 12 min

Ce livre est très loin de mon genre de prédilection, mais ce qu’il dénonce me parle beaucoup. Je le lirai peut-être bien cette année ! Merci pour le retour, tu le « vends » très bien, on sent qu’il t’a saisie.

    La Geekosophe · 20 mars 2019 à 12 h 47 min

    Je lis également assez peu de littérature contemporaine ! Mais la réputation de Louise O’Neill a fini par me convaincre 😉

C’est le 1er, je balance tout ! # 27 – Mars 2019 | L'ourse bibliophile · 1 avril 2019 à 8 h 18 min

[…] Geekosophe m’a donné envie de découvrir Une fille facile de Louise O’Neil, un roman qui semble être une vraie claque, le genre de livre que tu ne fermes […]

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