Vous avez un mois de juin dense pour vos lectures ? En tout cas, c’est le cas pour moi. J’ai lu beaucoup de romans différents, et mêmes un essai ! Alors sans plus de blabla, nous y voilà !
L’oeil le plus bleu de Toni Morrison
Chaque nuit, Pecola priait pour avoir des yeux bleus. Elle avait onze ans et personne ne l’avait jamais remarquée. Mais elle se disait qu’avec des yeux bleus tout serait différent. Elle serait si jolie que ses parents arrêteraient de se battre, que son père ne boirait plus, que son frère ne ferait plus de fugues. Si seulement elle était belle, si seulement les gens la regardaient.
Quand quelqu’un entra, la regarda enfin, c’était son père et il était ivre. Elle faisait la vaisselle et il la viola sur le sol de la cuisine, partagé entre la haine et la tendresse….
L’œil le plus bleu est un roman court mais remarquable et viscéral. Profond et bien mené, il laisse un goût âcre dans la gorge une fois fini. Si le récit dévie un peu par moments, la plume de Toni Morrison possède la profondeur et la richesse pour faire passer des messages puissants et nous marquer au fer rouge. Le tout en abordant un nombre de problématiques tout à fait étonnant pour un récit si court.
Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley
Victor Frankenstein, scientifique genevois, est recueilli sur la banquise par un équipage faisant route vers le Pôle Nord. Très tourmenté, il livre son histoire au capitaine du bateau : quelque temps auparavant, il est parvenu à donner la vie à une créature surhumaine. Mais celle-ci sème bientôt la terreur autour d’elle…
Une oeuvre à lire sans nul doute ! L’écriture est tantôt inspirée et émouvante, tantôt surannée et en longueur… Mais il y a des thèmes forts et en avance pour leur époque, qui trouvent même un écho significatif de nos jours, où plus que jamais l’éthique et l’humanité sont au coeur des questions autour de la science.
Le dompteur de lions de Camilla Läckberg
C’est le mois de janvier et un froid glacial s’est emparé de Fjällbacka. Une fille à demi nue, surgie de la forêt enneigée, est percutée par une voiture. Lorsque Patrik Hedström et ses collègues sont prévenus, la jeune fille a déjà été identifiée. Il s’agit de Victoria, portée disparue depuis quatre mois. Son corps présente des blessures qu’aucun accident ne saurait expliquer : ses orbites sont vides, sa langue est coupée et ses tympans percés. Quelqu’un en a fait une poupée humaine. D’autres cas de disparitions dans les environs font redouter que le bourreau n’en soit pas à sa première victime.
Camilla Läckberg offre de nouveau un roman bien mené ! Intrigue intéressante, elle trouve un bon équilibre entre les enquêtes et les histoires personnelles de ses personnages. Elle parvient également à instiller le bon degré d’éléments morbides pour éveiller l’intérêt du lecteur, et le final pour le moins remarquable achève de convaincre !
L’indésirable de Sarah Waters
Au hasard d’une urgence, Faraday, médecin de campagne, pénètre dans la propriété délabrée qui a jadis hanté ses rêves d’enfant : il y découvre une famille aux abois, loin des fastes de l’avant-guerre. Mrs Ayres, la mère, s’efforce de maintenir les apparences malgré la débâcle pour mieux cacher le chagrin qui la ronge depuis la mort de sa fille aînée. Roderick, le fils, a été grièvement blessé pendant la guerre et tente au prix de sa santé de sauver ce qui peut encore l’être. Caroline, enfin, est une jeune femme étonnante d’indépendance et de force intérieure.
Touché par l’isolement qui frappe la famille et le domaine, Faraday passe de plus en plus de temps à Hundreds. Au fil de ses visites, des événements étranges se succèdent : le chien des Ayres, un animal d’ordinaire docile, provoque un grave accident, la chambre de Roderick prend feu en pleine nuit, et bientôt d’étranges graffitis parsèment les murs de la vieille demeure. Se pourrait-il qu’Hundreds Hall abrite quelque autre occupant ?
Malgré quelques lenteurs, L’indésirable est un tour de force pour un récit aussi codifié que celui de la maison hantée. Grâce à ce roman qui en a tous les archétypes, Sarah Waters montre que même les histoires que l’on pense avoir lues des milliers de fois peuvent être revécues à loisir si l’ensemble est de qualité.
La peau froide d’Albert Sanchez Pinol
Sur un îlot perdu de l’Atlantique sud, deux hommes barricadés dans un phare repoussent les assauts de créatures à la peau froide. Ils sont frères par la seule force de la mitraille, tant l’extravagante culture humaniste de l’un le dispute au pragmatisme obtus de l’autre. Mais une sirène aux yeux d’opale ébranle leur solidarité belliqueuse.
Sachez simplement que La peau froide est une lecture déstabilisante qui nous emmène dans les tréfonds étranges de l’âme humaine. Il nous met face à la difficulté de comprendre l’Autre, qu’il soit une créature mystérieuse venue des mers, ou notre voisin de pallier.
Aussi libres qu’un rêve de Manon Fargetton
En cette fin du XXIe siècle, l’accès à un métier est régi par la loi des Dates de naissance. Ainsi, si vous êtes né en janvier, les métiers les plus cotés vous seront proposés; par contre, si êtes né en décembre, il ne vous restera que les métiers dont personne n’aura voulu. Silnöa et Silnëi sont sœurs jumelles, mais l’une est née le 31 décembre à 23 h 58, et l’autre dans les premières minutes de janvier ! Cela ne les empêchera pas d’unir leurs forces pour combattre la tyrannie des Dates de naissance, en compagnie de Kléano, jeune chanteur d’un groupe de rock rebelle.
Court mais sympathique, le présupposé de Manon Fargetton dans ce premier roman offre des perspectives intéressantes. Il y a une sorte d’émulation adolescente qui s’en dégage, ce qui rend le roman rafraîchissant bien qu’ils soit perfectible. Les personnages sont attachants et l’histoire ne compte pas vraiment de temps mort. Dommage que la partie dystopie soit cependant à peine esquissée, ce ne favorise pas l’immersion.
Sorcières de Mona Chollet
Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant — puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Mona Chollet signe de nouveau un essai éclairant et d’une grande richesse. Même si je l’ai moins apprécié que Beauté Fatale, Sorcières bénéficie d’un travail en profondeur qui évoque de nombreux autres classiques du féminisme, notamment la figure fascinante de liberté Gloria Steinem. L’autrice égraine également des anecdotes tirées de son expérience personnelle. Ces petits détails apportent une certaine humanité à cet essai et rendent la journaliste éminemment sympathique dans son humilité et sa simplicité. Bref, une lecture à conseiller pour ceux et celles qui s’intéressent au féminisme comme à ceux qui en sont déjà des connaisseurs.
L’envers du monde de Gabriel Katz
C’est l’heure du duel décisif entre les deux camps qui s’entredéchirent pour la cité mère de Kyrenia. Deux champions vont s’affronter sur le sable de l’arène, un combat qui peut faire basculer le destin d’un peuple entier. Mais quelques heures à peine avant le coup de gong, le culte du Prophète a perdu son champion. Qui affrontera le Corbeau, redoutable gladiateur du Temple ?
Le premier tome d’Aeternia avait été une réussite. L’auteur réitère l’exploit grâce à sa plume vive et dynamique. Ce tome est beaucoup plus sombre et mature, et s’octroie un arrière-goût de tragédie. On suit cette fois Desméon, mercenaire à la langue bien pendue dont les saillies pleines d’esprit en font un protagoniste charmant. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, mais c’est surtout les multiples rebondissements qui n’épargnent pas le lecteur et restent en mémoire. J’ai cependant trouvé que certains arcs étaient traités un peu rapidement et auraient mérité un peu plus d’approfondissement.
Et c’est tout pour mes nombreuses lectures du mois de juin. Et vous, quels sont vos coups de coeur ? Quels livres avez-vous lu dans l’article ? N’hésitez pas à commenter !
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