Père et fils King poursuivent l’oeuvre du Maître dans la grande tradition : il n’y a pas de doute, c’est un pavé. J’avais hésité à me lancer dans Sleeping Beauties. Le résumé ne m’enchantait pas plus que cela et je n’avais pas lu de roman de King depuis très, très longtemps. Mais le vote Twitter mensuel a fait des siennes. Le mois de septembre s’est alors consacrée à Sleeping Beauties.

Synopsis de Sleeping Beauties

Un phénomène inexplicable touche les femmes sur toute la planète : une sorte de cocon les enveloppe durant leur sommeil, et si l’on tente de les réveiller, on prend le risque de les transformer en véritables furies. Bientôt, presque toutes sont touchées par la fièvre Aurora, et le monde est livré à la violence masculine. À Dooling, petite ville des Appalaches, la mystérieuse Evie semble immunisée contre cette épidémie. Cas d’étude pour la science ou créature démoniaque, échappera-t-elle à la fureur des hommes privés soudainement de femmes ?

Sleeping Beauties, un roman ambitieux

Une galerie de personnages convaincante mais inégale

J’ai été dans un premier temps surprise. L’histoire est un peu différente de ce que j’imaginais, plus apocalyptique que post-apocalyptique. Mais ce n’est pas désagréable, Stephen King ayant déjà remarquablement réussi dans le genre avec Le Fléau. On retrouve ici des éléments similaires à cette autre oeuvre. Le premier est un ensemble de personnages variés aux caractères approfondis. Certains comme Franck ou Jeanette Sorley brillent par le fait qu’ils ne soient pas manichéens mais des accidentés de la vie qui luttent pour leurs valeurs et les personnes qui leur sont chers.

Le bémol, c’est que d’autres au contraire sont parfois assez caricaturaux. L’un des gardiens de prison abusent des détenues et ne semble pas avoir de conscience. La fameuse Eve a tendance à flotter de manière irréelle au-dessus du reste de la galerie de personnages comme une créature hors normes. Le problème est que je n’ai finalement aucune empathie pour elle, voire l’ai trouvée assez agaçante par moments.

Toujours délicieusement addictif

Comme je l’ai dit plus haut, le roman est assez long. Pourtant je n’ai pas vraiment trouvé de longueurs qui nuisaient au rythme. Le début est toujours un peu long : Stephen King et Owen mettent du temps à poser leur histoire, leur contexte et leurs personnages. Mais les habitués de King connaissent déjà cette manie de l’auteur. Personnellement, je trouve que c’est un moyen de construire de l’attachement envers les personnages pour ce qui leur arrive par la suite nous émeut encore plus.

L’histoire n’est finalement pas si horrifique que cela. Il y a quelques passages un peu gores dans le récit, mais sans que ce soit très souvent. En ce la, on voit que les auteurs ont surtout chercher à construire un roman qui offrait une critique du monde contemporain, notamment dans les rapports entre les deux sexes. En un sens, ce texte se veut éminemment politique. 

King et fils explorent des thèmes plus politiques qu’à l’accoutumé

Et cette partie plus politique et sociale pêche un peu. Certains personnages deviennent des caricatures de mâles violents à la recherche de victimes à dominer, là où les femmes sont placées en victimes éternelles. Ces passages manquent un peu de subtilité, ce qui nuit à la portée du message qui devient très manichéen. Les femmes moins agressives face à des hommes incapables de contrôler leur goût pour la violence. Mais heureusement, la plupart des moments sont au début récit et finissent par s’atténuer.

Plus précisément, il y a également le problème d’Eve mais aussi cette stricte séparation entre les sexes qui perpétuent l’idée que la femme est une créature uniforme, déifiée. Il n’y a pas de pendant d’Eve en version masculine, on reste donc dans une idée de sacralisation de la femme qui, si elle paraît séduisante de prime abord, continue à la placer comme un Autre lointain pour lequel il est impossible d’avoir de l’empathie réelle. 

Un (double) King de bonne facture

En conclusion, c’est un roman intéressant qui s’inscrit aussi bien dans la continuité des KIng qu’il crée une tentative de se renouveler. On retrouve tous les éléments qu’on aime : une écriture directe et efficace, des personnages terriblement humains et des moments de violence sanglante. Dommage cependant que la volonté de passer un message d’entente et de tolérance soit noyée dans des éléments caricaturaux qui décrédibilisent le message. 

Note : 15/20

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Catégories : Chroniques

4 commentaires

f6k · 26 septembre 2019 à 0 h 41 min

Le côté caricatural m’avait pas mal gêné aussi au début (avec de gros clichés dans des gros sabots) mais, comme tu le dis, heureusement cela passe assez vite.

Concernant Ève, je l’ai vu comme une espèce de divinité salvatrice qui viendrait « dire » et « agir » contre un mal-être général ; et cela même si de nombreuses femmes dans l’histoire ne sont pas forcément d’accord. Autrement dit elle serait cet électrochoc qui, sans chercher à vraiment résoudre le problème (sinon d’une manière qui n’accepte pas le compromis), permettrait de le mettre au moins en exergue. Personnellement, je l’ai quand même trouvé intéressante. Et puis j’ai aussi l’impression qu’elle est une sorte de défouloir pour les auteurs par moment, mais je m’avance peut-être un peu trop.

C’est un roman tout de même assez ambitieux qui peut être un vrai piège s’il est mal traité. Mais selon moi ils s’en sont quand même bien sorti. Et puis, comme tu l’as dit, cela reste du (double) King avec tous les points positifs que cela sous-entend !

    La Geekosophe · 26 septembre 2019 à 21 h 20 min

    Je vois que nous avons un avis très similaire sur le roman 😉

    Je comprends la démarche autour d’Evie, mais j’ai trouvé simplement le manque de subtilité de ce personnage m’a parfois laissé perplexe 😉

f6k · 26 septembre 2019 à 23 h 43 min

Oui je me suis pas mal retrouvé dans ta chronique ! Pour Ève, j’ai pas vraiment cherché mais je serais curieux d’avoir le retour des auteurs. Il m’est avis qu’ils ont quand même peut-être puisé dans des personnages mythologiques ou légendaires. Il faudrait que je creuse la question…

Mais dans tous les cas, cela reste un plaisir à lire même si, effectivement, on sent que ça aurait pu être « mieux », ou disons que cela aurait pu apporter peut-être un peu plus…

Pour rester sur King, as-tu lu The Outsider ? On retourne là sur un registre plus « King à l’ancienne » mais j’ai trouvé cela tout à fait intéressant aussi, avec quelques questions modernes (même si cela date quand même un peu). D’ailleurs question « politique et social » son Élévation, même si court, est intéressant aussi de ce point de vue 🙂

NB rien à voir : il faudrait que tu revoies la charte graphique du site pour les commentaires ; quand on commente, sous la partie « coordonnées » il y a normalement deux items cliquables (à savoir suivre les nouveaux articles du blog et suivre les commentaires pour cet article) mais la police est blanche sur le fond blanc (c’est le cas depuis Safari et depuis Firefox en tout cas) ; du coup on ne voit pas quelle case à cocher correpond à quoi !

    La Geekosophe · 27 septembre 2019 à 21 h 38 min

    Pour Eve, c’est assez clair que celle née de la côté d’Adam (elle dit avoir eu des ennuis avec un serpent à un certain moment), mais ce fut aussi Hélène de Troie, ou une femme ayant vu le conflit, peut-être Cassandre ? C’est tout ce que j’ai pu déduire.

    Je n’ai pas lu The Outsider mais j’en entends beaucoup parlé. En ce moment je suis très tentée par « The Institute », son dernier.

    (J’ai plein de soucis avec mes commentaires ! Je vais voir ce qui cloche, merci de me l’avoir signalé, je n’avais même pas vu ce problème 😉 )

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