J’aime beaucoup Nnedi Okorafor ! Alors j’étais bien contente de recevoir l’un de ses ouvrages grâce aux éditions ActuSf. Je trouve son œuvre très singulière dans le paysage science-fictionnel : elle s’inspire d’une Afrique magique, en particulier de la culture nigériane, pour créer des univers uniques. Dans Kabu Kabu, l’autrice partage plusieurs nouvelles représentatives de son style à travers des histoires courtes mais denses et cohérentes.

Synopsis de Kabu Kabu

Au bord d’un pipe-line, une jeune femme joue de la guitare pour un zombie d’un genre particulier. Dans un village nigérian, deux sœurs investissent une maison que leurs parents ont fait construire mais qui, curieusement, n’est pas meublée. Au lieu de l’amener à l’aéroport, un chauffeur de kabu kabu, ces taxis clandestins qui hantent les rues de Lagos, emmène sa cliente au cœur des légendes africaines. Sur la côte de Calabar au début du vingtième siècle ou sur l’étrange planète Ginen, Arro-yo est une coureuse de vents, obligée de se battre pour exister malgré sa chevelure qui la désigne aux autres comme maudite.

Des nouvelles variées et riches

Le Nigéria mythique à l’honneur

Nnedi Okorafor choisit de placer toutes ses nouvelles en Afrique ou en lien avec le pays d’origine de sa famille. Il en ressort donc cet univers singulier qui réutilise les éléments culturels qui font les spécificités de son écriture. Nous sommes dans un monde où le mythe se mélange à la réalité, avec des caractéristiques et des problématiques historiques, traditionnelles et culturelles issues directement du Nigéria : conflit du Biafra, excision, huttes d’engraissement, pétrole, racisme… Ces courtes histoires nous immergent dans un monde différent du nôtre.

J’ai beaucoup apprécié comment la diversité des nouvelles nous donne accès à une grande richesse. Les thématiques traitées sont extraordinairement variées : liberté, guerre, conflits, légendes, croyances, émancipation féminine, américanisation… C’est comme une fenêtre ouverte sur un autre mode de vie. J’ai beaucoup apprécié les nouvelles traitant des coureuses des vents, qui faisaient un parallèle avec les femmes souhaitant vivre leur vie dans des sociétés très patriarcales. Ces femmes sont nées avec la capacité unique de voler, comme si elles échappaient aux lois terrestres de la manière la plus littérale possible. Et cette capacité de fuite fait d’elles des êtres discriminées par leur communauté.

Beaucoup de genres différents sont abordés dans Kabu Kabu

L’une des grandes faiblesses des recueils des nouvelles est pour moi de tomber sur des inégalités au niveau de la qualité ou d’avoir affaire à quelque chose de répétitif. Ici, Nnedi Okorafor est à l’aise dans de nombreux genres différents, ce qui permet de donner une idée de toute l’étendue de son talent. Elle est aussi bien capable de donner naissance à de courtes fables philosophiques, des histoires horrifiques teintées de fantastique, d’histoires modernes ou humoristiques… Tout comme d’aborder de la science-fiction, comme elle a l’habitude de le faire.

La plupart des histoires sont regroupés autour d’un thème, ce qui renforce leur diversité en créant une forme de cohérence globale. Cette cohérence, c’est l’amour de l’autrice pour sa culture, amour qu’elle aura déjà profondément affirmé dans Binti. L’autrice s’illustre dans des genres différents grâce à une forme d’authenticité qui transparaît dans ses textes. Mais attention, cela ne signifie que ses écrits soient dénués de critiques. Nnedi Okorafor ne fait pas dans la concession et ne ménage pas ses lecteurs en les exposant aussi à des côtés plus sombres, comme la domination masculine ou la violence des sociétés.

Des portraits d’une grande sensibilité

L’authenticité de Nnedi Okorafor lui permet de construire des personnages d’une grande justesse et très attachants. Kabu Kabu donne la parole à des femmes crédibles, souvent amoureuses de leur liberté et d’une grande force. Il y a un vrai talent dans cette capacité à brosser rapidement des portraits de femme allant de l’avocate New Yorkaise très occupée, la gamine de la cour de récré qui tient tête aux remarques racistes à la femme musicienne qui joue de la musique pour un zombie. Expatriées de retour au pays, femmes aux pouvoirs extraordinaires, elles ont tout leur voix propre.

Les textes mettent toujours en avant les qualités des personnages principaux. Qu’elles soient irrévérencieuses, qu’elles aiment de manière inconsidérées, qu’elles soient courageuses, qu’ils soient rêveurs, aventuriers… Les personnages et leurs péripéties font que je n’a finalement trouvé aucun texte inférieur ou inutile, chacun d’entre eux étaient comme une perle entrant parfaitement dans un écrin spécialement conçu pour les mettre en valeur.

Kabu Kabu est un petit bijou littéraire

Convaincant, immersif et remarquable, Kabu Kabu est un recueil qui confirme Nnedi Okorafor comme une autrice à l’identité forte. Chaque texte brille par une forme d’authenticité et de cohérence globale, ouvrant une porte sur la culture et les traditions du Nigéria. Les personnages sont forts, mémorables, et servent parfaitement ces courtes histoires aux univers et tons aussi variés qu’enrichissants.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

2 commentaires

Elhyandra · 18 mai 2020 à 9 h 35 min

J’aime beaucoup cette plume qui m’en apprend plein sur la culture nigériane

    La Geekosophe · 20 mai 2020 à 9 h 19 min

    Yes, Nnedi Okorafor est une conteuse hors pair !

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