J’avais découvert China Miéville avec Les scarifiés, une œuvre sidérante qui prenait place dans une ville pirate flottante. Le Hold my SFFF m’offre l’occasion de me relancer dans un autre livre du subversif auteur anglais en découvrant l’un de ses romans phares, Perdido Street Station, séparé en deux tomes dans mon édition.

Synopsis de Perdido street station

Nouvelle-Crobuzon: une métropole tentaculaire et exubérante, au cœur d’un monde insensé. Humains et hybrides mécaniques y côtoient les créatures les plus exotiques à l’ombre des cheminées d’usine et des fonderies. Depuis plus de mille ans, le Parlement et son impitoyable milice règnent sur une population de travailleurs et d’artistes, d’espions, de magiciens, de dealers et de prostituées. Mais soudain un étranger, un homme-oiseau, arrive en ville avec une bourse pleine d’or et un rêve inaccessible: retrouver ses ailes. Isaac Dan der Grimnebulin, savant fou et génial, accepte de l’aider. Mais ses recherches vont le conduire à libérer une abomination sur la ville tout entière…

Un roman dans une ville-univers

Une créativité sans limite

L’auteur déploie dans ce roman ce qu’il sait faire de mieux : créer un monde unique, très original. China Miéville allie des éléments très hétéroclites mais qui parviennent à devenir un ensemble cohérent. Au-delà de la cohérence, il ressort de Perdido Street Station une sensation d’étrangeté mêlée de foisonnement qui crée un réel dépaysement. Il y a dans un premier temps un véritable mélange des genres : fantasy, avec un monde qui mêle plusieurs races et des notions de magie assez sombres, science-fiction, avec le personnage de Dan der Grimnebulin et sa science ainsi que du steampunk, avec des créatures mi-machines mi-organiques… Bref, autant de choses qui ne semblent pas au premier coup d’œil faire bon ménage.

Mais Perdido Street Station séduit aussi grâce à une ambiance très sombre ! En effet, la Nouvelle-Crobuzon n’a rien d’une ville paradisiaque. Peuplée de savants fous, d’artistes décadents, de politiciens égotistes et d’ouvriers laborieux, c’est un vrai capharnaüm divisée en plusieurs quartiers, des riches sphères en ghettos décrépits. Le tout donne l’impression d’osciller constamment entre grandeur architecturale et décadence, comme si l’endroit avait connu de meilleurs jours. Un peu comme ses habitants, qui se composent de créatures mi-humaines mi-plantes/insectes, notamment des gens mi cactus ou mi-scarabées.

Une histoire prenante

Le scénario est un peu long à se mettre en place ! Nous suivons d’abord un couple dépareillé, une femme scarabée artiste qui a quitté son peuple d’origine, Lin, et un savant fou, Isaac, touche-à-tout mais aussi un paria. L’histoire s’accélère un peu à l’arrivée de Garuda, un homme-oiseau dont on a coupé les ailes. Avant, le récit entrecroise plusieurs scènes de la vie quotidienne qui permettent de mieux comprendre Nouvelle-Crobuzon, se quartiers, les espèces qui s’y trouvent… Cela aide à la compréhension du monde et ç l’immersion, mais il faut attendre un peu avant que les choses se déclenchent.

J’ai beaucoup apprécié l’arc narratif une fois lancé, et je trouve dommage d’avoir fait le choix de diviser l’œuvre original car on a l’impression d’un rythme bâclé. Pourtant, une fois la machine lancée, c’est assez fascinant : une menace indicible pèse sur la ville et l’auteur montre un grand talent pour la mise en scène et la construction de ce danger. Je ne spoilerais pas plus, mais j’ai hâte de voir ce à quoi la suite va ressembler.

Une écriture riche qui porte des personnages bien campés

China Miéville a une écriture très spécifique vite reconnaissable. Il est notamment capable de mettre en place des descriptions captivantes et imagées des lieux comme des personnes, ce qui permet dans tous les cas de créer de réelles personnalités, même aux quartiers et aux objets. Cela se traduit parce que j’ai expliqué dans la première partie, à savoir un univers unique. De plus, la plume de Miéville n’est pas dénuée d’humour ou de dramaturgie, ce qui rend l’ensemble bien équilibré même lorsqu’il ne se passe pas grand chose.

On pourrait craindre que les personnages manquant un peu de couleur, mais Miéville est capable de construire en quelques mots des personnages attachants. Son écriture permet de ménager un beau suspens autour d’eux, car ils ne révèlent que petit à petit leurs mystères et leurs projets. Un effet qui crée parfois une sensation de lenteur et d’inertie, mais qui est inévitable quand on crée des univers denses qui nécessitent une mise en place longue. J’ai en tout cas beaucoup apprécié la diversité des personnages et leurs histoires. Ils ne sont pas forcément tous attachants mais ils ont assez de substance pour être tous intéressants.

Perdido Street Station est un premier tome alléchant qui montre le talent de son auteur

C’est une œuvre définitivement bizarre et inclassable, qui fourmille de créativités et d’idées. China Miéville crée un roman réellement unique qui oscille entre plusieurs genres, de la fantasy en passant par le steampunk. L’univers très riche est bien soutenu par une écriture détaillée qui offre une foule de descriptions précises et dépaysantes, mais aussi des personnages variés. Comme beaucoup de romans qui reposent sur leur atmosphère et leur univers, Perdido Street Station peut paraître un peu long à se mettre en place ! Mais l’angle choisi par l’auteur est tellement original que ce serait dommage de s’en priver.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

6 commentaires

zoelucaccini · 27 décembre 2020 à 12 h 25 min

Chronique très intéressante 🙂 j’avais beaucoup aimé aussi ce livre, je suis contente qu’il te plaise aussi ! Le parti pris de l’auteur (un peu risqué) de faire de son héros un boulet (ah si, quand même ^^) et de sa ville un endroit assez sinistre, bourré d’odeurs pas toujours exquises… est réussi, à mon avis. Elle en devient quasiment un personnage à part entière… Bonne lecture du second tome !

    La Geekosophe · 28 décembre 2020 à 21 h 54 min

    Clairement, China Miéville est un excellent bâtisseur de villes imaginaires !

Zina · 29 décembre 2020 à 9 h 01 min

C’est un auteur que j’aime beaucoup, tellement original ! Et celui-ci figure clairement parmi ceux que j’ai toujours eu envie de lire ! En plus il y a une nouvelle qui est tiré de cet univers dans le recueil qui est sorti cette année et c’est encore plus intrigant !

    La Geekosophe · 30 décembre 2020 à 22 h 49 min

    Ouiii, c’est grâce à lui que j’ai plongé dans la fantasy (SFFF même) adulte à l’adolescence avec Les scarifiés 🙂

Yuyine · 7 janvier 2021 à 15 h 27 min

Chronique très intéressante qui m’éclaire un peu mieux sur ce livre. Merci! Je pense me pencher dessus à l’occasion tout en retenant que oui, ce sera un peu long à se mettre en place mais que ça en vaut la peine!

Perdido Street Station (tomes 1 et 2), de China Miéville – Les Chroniques du Chroniqueur · 28 décembre 2020 à 12 h 07 min

[…] Vous pouvez également consulter les chroniques de Boudicca (tomes 1 et 2), Tigger Lilly, Geekosophe […]

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