J’ai reçu Emissaires des morts de la part des éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay ! Le résumé indiquait clairement le genre de lecture qui pouvait plus que me plaire : Andréa Cort, qui a participé à un génocide dans son enfance, est devenue propriété éternelle du bureau du Procureur et enquête dans un univers peuplé de races extraterrestres étranges. Le livre est composé de quatre nouvelles et du premier roman de la saga ! Je vais faire une chronique sur l’ensemble du livre.

Synopsis d’Émissaires des morts

Quand elle avait huit ans, Andrea Cort a été témoin d’un génocide. Pis, après avoir vu ses parents massacrés, elle a rendu coup pour coup. En punition de ses crimes, elle est devenue la propriété perpétuelle du Corps diplomatique. Où, les années passant, elle a embrassé la carrière d’avocate, puis d’enquêtrice pour le bureau du procureur. Envoyée dans un habitat artificiel aussi inhospitalier qu’isolé, où deux meurtres viennent d’être commis, la jeune femme doit résoudre l’affaire sans créer d’incident diplomatique avec les intelligences artificielles propriétaires des lieux. Pour ses supérieurs, peu importe quel coupable sera désigné. Mais les leçons qu’Andrea a apprises enfant ont forgé l’adulte qu’elle est devenue : une femme pour le moins inflexible, qui ne vit que pour une chose, « combattre les monstres ».

Une franche réussite à de nombreux points de vue

Un parti pris original

J’ai beaucoup apprécié le concept du roman et des nouvelles. L’idée de créer une juridiction humaine dans un monde avec plusieurs races complexes est brillante. Nous suivons ainsi des histoires judiciaires, d’espionnage ou de diplomatie dans un futur distant. L’humanité ne provoque que la méfiance parmi des extraterrestres qui sont régulièrement témoins des massacres et des luttes de pouvoir. Nous sommes donc loin des imaginaires habituels de space opera où les humains deviennent rapidement le centre de l’univers, comme dans Mass Effect par exemple, sans raison apparente. Ici, les humains sont une espèce parmi d’autres, sans privilèges spécifiques autres que les accords en vigueur. Nous faisons donc face à une vision singulière.

De plus, l’aspect juridique et judiciaire rend les histoires particulièrement fascinantes. Ainsi, loin de se concentrer sur les aspects scientifiques, l’ensemble des œuvres se base sur la compréhension de la mentalité des extraterrestres. Andréa Cort a de nombreux rôles, mais le plus exploité est celui d’enquêtrice. Elle est notamment en charge de faire la lumière sur les assassinats et les crimes menés par ou à l’encontre des humains, notamment pour éviter qu’iels soient lesé.e.s dans le droit qui leur est dû et qu’iels soient condamnés de manière abusive.

Un personnage principal hors normes

Chaque nouvelle prépare au premier roman. Elles nous permettent de mieux connaître la redoutable Andrea Cort. J’ai rarement connu un personnage aussi bien construit. Andrea n’a rien d’une sainte mais n’est pas non plus un démon. Rigoureuse, franche et asociale, elle ne se fait pas d’amis mais a un sens de la justice et une probité professionnelle à toute épreuve. Durement marquée par la violence puis par une incarcération tout aussi traumatisante, c’est une femme hantée par son passé sanglant qui s’accroche à son unique but dans cet univers infernal : tuer les monstres. Le récit est à la première personne, ce qui est extrêmement bien exploité pour nous faire entrer dans les pensées intimes d’un personnage qu’il aurait été difficile de comprendre d’un point de vue externe.

Andrea est un personnage attachant car elle a un certain mordant. Sa franchise brusque fait qu’elle n’a pas de tolérance pour les médiocres, pire, les nuisibles et les lâches. Chaque récit nous fait découvrir une partie de sa personnalité mais construit également son apprentissage. En effet, loin de rester bloquée dans une posture monolithique de détestable asociale, elle évolue au fil de son histoire pour dévoiler des fêlures qui la rendent plus humaine qu’elle ne le laisserait croire. C’est en réalité un personnage d’une grande empathie, dans le sens où elle parvient à comprendre les agissements d’espèces complètement différentes des humains. Ce qui est d’autant plus une prouesse que l’auteur évite soigneusement les anthropomorphismes excessifs.

Des intrigues riches et complexes

Adam-Troy Castro construit des enquêtes complexes qui mêlent plusieurs éléments, en particulier dans le roman. Émissaires des morts se développe à plusieurs niveaux, tout comme Un Un Un, la cité qui est évoquée. Outre les problèmes humains, l’auteur ajoute des extraterrestres variés qui ont chacun leurs traditions et leurs façons de pensée, qui est souvent la clef d’un mystère. L’ensemble est très bien agencé et est également entrecoupé de scènes d’action plutôt bien écrites. Le seul défaut est la présence de quelques longueurs, car l’auteur a tendance à sur-expliquer certains éléments de son intrigue. L’intension est louable, mais l’enquête du roman est un peu ralentie à certains passages.

Les personnages secondaires donnent également du corps à l’histoire et forment les principaux ressors des différents scénarios. En effet, les récits étant des enquêtes, les personnes en présence cachent de nombreux secrets qu’il faut démêler. L’auteur maîtrise très bien les ressorts classiques des romans policiers : les intrications autres se mêlent à la vérité pour mieux perdre le lecteur. Tout comme il a su bien croquer Andrea Cort, les autres personnages ont tous des personnalités spécifiques que nous voyons à travers l’œil de cette dernière. Le récit se permet donc d’être parfois très psychologique dans son déroulé. Le futur présenté est également très sombre, avec des génocides et de l’esclavage sous forme de volontariat plus ou moins forcé.

Émissaires des morts un roman parfait pour les fans de relations avec les extraterrestres

Émissaires des morts est une excellente lecture. Dans un premier temps, l’univers adopte un point de vue singulier, en présentant les humains comme une espèce belliqueuse qui provoque surtout la méfiance chez les autres espèces. L’aspect des enquêtes renforce un univers loin d’être exempt de racisme ou de conflits, et montre également une grande maîtrise de la part d’Adam-Troy Castro des codes des romans policiers et thrillers judiciaires. Cela se remarque à travers un personnage principal nuancé et torturé, mais avec assez de singularité pour ne pas être un cliché. Autre point réjouissant, l’auteur dévoile une SF fondée sur des aspects anthropologiques et sociologiques : tout est affaire de communication inter-espèces, compréhension des traditions et des croyances, mais aussi relations entre ces différentes espèces.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

14 commentaires

Shaya · 10 janvier 2021 à 18 h 50 min

Raaah malgré les nouvelles ça m’intéresse beaucoup tout ça. Il est noté en tout cas !

    La Geekosophe · 11 janvier 2021 à 21 h 08 min

    Les nouvelles sont très bonnes (ce n’est pas un format qui me plaît beaucoup habituellement) ont le mérite de bien nous faire découvrir le personnage en étant dans l’ordre chronologique 😉

Yuyine · 11 janvier 2021 à 16 h 45 min

Entièrement d’accord avec toi, ce livre, que ce soit les nouvelles ou le roman est une oeuvre géniale pour la rencontre du 3e type, et Andrea Cort est un personnage absolument génial dont l’évolution, d’enquêtes en enquêtes est un plaisir à suivre.

    La Geekosophe · 15 janvier 2021 à 21 h 20 min

    Une très bonne surprise à de nombreux points de vue ! J’ai hâte de voir la suite

Lutin82 · 11 janvier 2021 à 20 h 03 min

J’ai adoré tout comme toi, et je ne peux que souscrire à cette superbe critique.

    La Geekosophe · 15 janvier 2021 à 21 h 19 min

    Merci beaucoup ! C’est un très bon roman (et de chouettes nouvelles) 🙂

Zina · 13 janvier 2021 à 6 h 46 min

J’ai passé un très bon moment également !

    La Geekosophe · 15 janvier 2021 à 21 h 16 min

    Un bon moyen de commencer l’année

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