Un mois qui revient sur les rails ! J’ai surtout lu de la science-fiction et beaucoup de belles lectures. Je suis assez contente de la variété même si je reste dans mon genre de prédilection, entre cyberpunk, steampunk… Mais aussi un peu de fantasy et de fantastique.
Les hommes dénaturés de Nancy Kress
Dans les années 2030, la fertilité masculine a brutalement chuté sur l’ensemble de la planète. Les enfants sont si rares que les couples sont prêts à tout pour en avoir, quitte à traiter leurs animaux domestiques comme des bébés humains…
Shana Walders, jeune appelée de l’armée américaine, participe à l’évacuation d’une zone dangereuse où un train transportant des produits toxiques a déraillé. Elle voit l’espace d’un instant l’inimaginable tapi au fond d’une cage. Son témoignage auprès de ses supérieurs signe sa radiation de l’armée. Mais elle décide de mener sa propre enquête pour découvrir la vérité. Alors que le gouvernement a interdit la génétique humaine, Shana découvre qu’un trafic clandestin s’organise à grande échelle. Elle vient de mettre le doigt dans un engrenage qui met en jeu l’avenir de l’homme…
J’ai été convaincue par le récit ! L’anticipation repose sur des bases classiques mais solides, l’autrice sait très bien raconter des histoires, d’autant plus qu’ici le fond est intéressant et maîtrisé. Le choix de s’appuyer sur trois personnages pour la narration permet de renforcer un côté haletant. Ces trois personnages sont par ailleurs variés et bien construits, avec des personnalités fortes et crédibles, mais l’écriture vive n’entre pas en profondeur dans leur psychologie. Le récit nous emporte dans un problème social de grande ampleur sur un ton incisif et sans concessions. Avec si peu de concessions même que le style un peu froid peut parfois créer une distance avec l’histoire et les protagonistes.
Sur Mars d’Arnauld Pontier
“Et soudain, c’est l’écrasement. Une pression quatre fois supérieure à la gravité terrestre, qui nous plaque sur la couchette. Je crois mourir. Que mes yeux sortent de mes orbites. Que mon cœur va exploser dans ma poitrine. Et puis, au bout de deux minutes trente, un arrêt brutal, à l’inverse, nous propulse en avant, fait décoller nos épaules, malgré les sangles qui nous attachent. Avec l’arrachement de la coiffe de protection, la lumière nous envahit alors dans un bruit sourd : l’éjection de notre tour de sauvetage.
Tout va bien. Tout se déroule comme prévu. Nous avons survécu au lancement. Le baril de poudre sur lequel nous étions assis n’a pas explosé. Il a rempli sa mission : nous sommes libérés de l’attraction terrestre.”
Sur Mars nous invite au rêve spatial ! Arnauld Pontier, à partir d’un concept simple, nous entraîne dans un récit où le dépaysement se mêle à la rigueur scientifique. Le texte est court (trop court :p), mais d’une réelle poésie. On passe une heure, une heure et demie la tête dans les étoiles puis à explorer la planète rouge sous toutes ses coutures. Un texte beau qui nous crée une bulle temporelle qui donne envie de quitter terre.
Le goût de l’immortalité de Catherine Dufour
Mandchourie, an 2113.
La ville de Ha Rebin dresse ses tours de huit kilomètres dans un ciel jaune de toxines. Sous ses fondations grouille la multitude des damnés, tout autour s’étendent les plaines défoliées de la Chine.
Le brillant Cmatic est mandaté par une transnationale pour enquêter sur trois nouveaux cas d’une maladie qu’on croyait éradiquée depuis un siècle. Ses recherches le mènent à Ha Rebin, où il rencontre une adolescente étrange. Avec elle, il va tenter de mener à bien sa mission dans un monde qui s’affole : décadence américaine, pandémie sanglante, massacres génétiques, conquêtes planétaires et montée de l’extrémisme vaudou. Et affronter le rêve le plus fou de l’humanité : l’immortalité, ou ce qui y ressemble…
Le goût de l’immortalité est une lecture marquante par sa noirceur. Le contexte est terrifiant et Catherine Dufour n’hésite à proposer un texte aussi cru que puissant. La plume est irrévérencieuse et accompagne ce texte avec une distance et une ironie due à la forme. En effet, le récit est une longue qui retrace les événements survenus dans la vie de la narratrice, une femme à la vie longue bloquée dans un cors de jeune adolescente, à l”esprit aussi acéré que sa langue. L’histoire est complexe et brille par l’imbrication de plusieurs arcs scénaristiques et le destin de personnages marquants. L’ensemble permet d’aborder des thématiques graves, avec une dimension existentielle très présente.
Celestopol 1922 d’Emmanuel Chastellière
1922.
Une année folle à Célestopol !
Une année à la découverte des mirages et des merveilles de la cité sélène, joyau de l’âme slave arraché à la Terre, entre les mains d’un duc au destin défiant le cours du temps.
Une année où croiser dans ses rues Marie Curie, l’archiduc François-Ferdinand ou Howard Carter, mais aussi humbles ouvriers, voleur volubile ou automates au cœur de cuivre. Entre ruines lunaires à explorer, un championnat du monde d’échecs à préparer ou des complots à déjouer… Les canaux ambrés de la ville n’ont pas fini de vous dévoiler ses secrets !
Celestopol 1922 est un livre de qualité. Outre la beauté de l’objet, les nouvelles sont parfaitement maîtrisées. Celestopol nous apparaît dans tous ses paradoxes : une ville où les habitants viennent mener une existence meilleure, mais sans jamais parvenir à se départir de leurs fardeaux, y compris le duc Nikolai. On y croise une galerie de personnages variés, du plus humble au plus aisé, du plus connu aux parias qui vivent aux abords de la société. C’est une lecture dépaysante qui permet de quitter quelques heures et de se changer les idées.
Les versets sataniques de Salman Rushdie
Un jumbo jet explose au-dessus de la Manche. Au milieu de membres humains éparpillés et d’objets non identifiés, deux silhouettes improbables tombent du ciel : Gibreel Farishta, le légendaire acteur indien, et Saladin Chamcha, l’Homme aux Mille Voix. Agrippés l’un à l’autre, ils atterrissent sains et saufs sur une plage anglaise enneigée.
Gibreel et Saladin ont été choisis pour être les protagonistes de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Mais par qui ? Les anges sont-ils des diables déguisés ? Tandis que les deux hommes rebondissent du passé au présent, se déroule un cycle extraordinaire de contes d’amour et de passion, de trahison et de foi avec, au centre, l’histoire de Mahound, prophète de Jahilia, la cité de sable – Mahound, frappé par une révélation où les versets sataniques se mêlent au divin.
J’avais une certaine appréhension de ce récit dense à la réputation sulfureuse. J’en sors assez mitigée. J’ai dans un premier temps apprécié l’écriture, qui est vraiment traversée de passages fulgurants d’une grande beauté. L’imaginaire de l’auteur est également très riche et très créatif, peuplé de personnages loufoques aux destins parfois tragiques, parfois sublimes. Mais malheureusement cela n’a pas suffi à toujours me captiver. La narration un peu erratique cause des inégalités entre certaines parties de la lecture, qui font que j’ai parfois un peu lutté contre l’afflux d’informations et des arcs narratifs que j’ai moins appréciés que d’autres. Mais globalement, je trouve que c’est une lecture qui vaut le coup pour sa profondeur et son style aussi riche que psychédélique.
A la pointe de l’épée d’Ellen Kushner
Richard Saint-Vière est le plus fameux des tueurs des Bords-d’Eau, le quartier des pickpockets et des prostituées. Aussi brillant qu’impitoyable, violent à ses heures, ce dandy scandaleux gagne sa vie comme mercenaire en vendant ses talents de bretteur au plus offrant, sans trop se soucier de morale.
Mais tout va se compliquer lorsque, pour de mystérieuses raisons, certains nobles de la Cité décident de se disputer ses services exclusifs ; Saint-Vière va dès lors se retrouver au cœur d’un inextricable dédale d’intrigues politiques et romanesques qui pourraient bien finir par lui coûter la vie…
Un récit plein de panache ! J’ai globalement apprécié ma lecture de ce roman qui appartient au sous-genre de la fantasy de moeurs. Point de magie et d’elfes, mais des histoires de complot, de sexe, de cœur et de trahisons, le tout qui se règle à la pointe de l’épée. La plume est pleine de panache, tout les personnages, qui sont très bien caractérisés et que j’ai eu plaisir à suivre. J’ai cependant trouvé qu’il y avait certaines longueurs : le récit aurait gagné à être un peu écourté pour conserver un rythme haletant. Mais l’ensemble est parfait pour les personnes qui souhaitent découvrir la fantasy, mais aussi pour les fans du style de Dumas ou d’Edmond de Rostand.
Quels sont vos coups de coeur du mois ? Vos déceptions ?
4 commentaires
Yuyine · 2 avril 2021 à 9 h 21 min
Très chouette bilan assez diversifié en effet. Pour ma part, gros coup de coeur pour Viendra le temps du feu de Wendy Delorme et déception avec L’enfant de la prochaine aurore de Louirse Erdrich
La Geekosophe · 4 avril 2021 à 13 h 11 min
Je vais bientôt lire L’enfant de la prochaine aurore, les avis ont l’air très contrastés dessus !
Shaya · 4 avril 2021 à 17 h 00 min
Joli bilan en tout cas, effectivement c’est varié ! Pas mal de belles lectures chez moi, mais surtout Emissaire des morts d’Adam-Troy Castro. En déception, Une joie féroce de Sorj Chalandon.
La Geekosophe · 6 avril 2021 à 11 h 11 min
Aaaaah une déception du côté de Sorj Chalandon, c’est rare ! Emissaires des morts a été une très bonne lecture pour moi aussi 😉