L’enfant de la prochaine aurore de Louise Erdrich fait partie de la collection blanche d’Albin Michel, mais le roman propre une approche dystopique ! Évidemment, cette caractéristique est moins présente que dans d’autres romans purement SF, j’ai cependant trouvé cette lecture globalement appréciable.

Synopsis de L’enfant de la prochaine aurore

Dans le sillage d’une apocalypse écologique qui menace l’équilibre de la vie sur terre, l’évolution des espèces s’est brusquement arrêtée. C’est dans ce contexte instable et inquiétant, alors qu’un gouvernement totalitaire a pris les rênes des États-Unis et impose aux femmes enceintes de se signaler auprès d’un centre dédié, que Cedar Hawk Songmaker, 26 ans, apprend qu’elle attend un bébé. Cette jeune Indienne, adoptée à la naissance par un couple de Blancs progressistes, décide alors d’aller rencontrer pour la première fois sa famille biologique, installée sur une réserve dans le nord du Minnesota, et comprend que les membres de l’« Église de la Nouvelle Constitution » désormais au pouvoir portent un intérêt tout particulier à l’enfant qu’elle porte.
Face à la désintégration de ce qui constituait le quotidien ordinaire des Américains, et déterminée à protéger coûte que coûte son bébé, elle se lance dans une fuite à travers le pays, sans savoir s’il existe encore un lieu sûr où se réfugier.

Un récit cauchemardesque et intimiste

Un aspect dystopique léger mais anxiogène

L’enfant de la prochaine aurore rejoint le panthéon des dystopies ou romans de SF qui tournent autour du rôle procréateur de la femme dans la société, mais aussi sur l’effet social de la baisse des naissances comme Les hommes dénaturés de Nancy Kress. Le roman aborde cependant cet aspect à l’aune de l’intimiste. L’histoire est entièrement racontée sous la forme d’un journal rédigé par Cedar pendant sa grossesse. Le fait qu’elle soit enceinte la contraint à vivre cachée, ainsi qu’à des fuites régulières. La situation fait qu’on en connait assez peu sur ce futur proche où tout part en sucette. On a quelques éléments par-ci par-là : des régressions génétiques ont lieu, une femme enceinte se fait arrêter en pleine rue, les discours fondamentalistes sont de plus en plus présents dans les médias officiels…

L’aspect de la dystopie est donc léger, mais bien présent, notamment à travers deux périodes où Cedar est capturée. Elle est alors enfermée avec d’autres femmes enceintes, sans aucune liberté et sous surveillance constante, gardée comme une propriété plutôt que comme un être humain qui a le droit à sa liberté. Ces passages sont réussis, car ils nous placent dans une situation très anxiogène, ma foi très crédible. Le récit devient alors un huis-clos étouffant dans un milieu médical. D’autant plus que la première personne permet d’incarner parfaitement la dégradation de la santé mentale de Cedar au fil des épreuves. J’ai trouvé par ailleurs que la fin était très réussie.

Une plume intimiste

J’ai beaucoup aimé le style de l’autrice, qui est très fluide et très agréable. Le point de vue unique, celui de la narratrice, permet d’explorer des thèmes très intimes comme la grossesse, le lien familial, la peur persistante mais aussi la foi. Cedar a en effet une grande inclination au catholicisme qui traverse la lecture, voire de moments de mysticisme accru. On aime ou on n’aime pas, mais le thème de la maternité, évoqué par la nativité, la figure de la vierge Marie et de l’enfant attendu, est très habilement tissé par Louise Erdrich. L’autrice maintient bien sa métaphore à travers de multiples signes qui motivent Cedar à aller de l’avant. Cela montre une bonne maîtrise des symboles, mais surtout elle les inclut avec la juste subtilité (ou justement avec assez d’insistance), pour que ça ait toujours du sens et de la résonance.

Le versant de cet aspect intimiste est que l’on est finalement coincé dans la connaissance étriquée qu’a la narratrice du monde qui l’entoure. Elle est, à raison, concentrée sur sa grossesse, mais nous, lecteurs, ne pouvons qu’entrevoir la déliquescence du monde. Cela laisse une sensation de vague et d’imprécision qui n’est pas toujours agréable. De plus, le récit est parfois traversé de longueurs, notamment en milieu de lecture, avec une impression que le rythme patine un peu au fil des pensées du personnage principal.

L’enfant de la prochaine aurore est un récit bien brodé et finement écrit

J’ai apprécié ma lecture de ce roman. J’ai trouvé le style délicat. Il pose une ambiance intimiste qui permet à l’autrice d’aborder des questions comme la grossesse, bien sûr, sa place dans la famille et dans la société, la spiritualité… L’autrice fait preuve d’une grande maîtrise de son format à travers une métaphore filée de la religion et de la maternité. Certains passages, particulièrement anxiogènes, sont réussis de par le huis-clos étouffant qu’ils créent. Cependant, le point de vue se limite à celui de Cedar, ce qui pourra sembler limité à des fans de science-fiction pure et dure.

Note : 15/20

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Catégories : Chroniques

4 commentaires

Uranie · 19 avril 2021 à 21 h 38 min

C’était une lecture en demi-teinte pour ma part. Je pense que j’ai attendu un roman très dystopique, comme j’ai l’habitude d’en lire alors qu’on est plus sur un drame intérieur. Comme tu le dis, il y a deux grands moments assez fort qui ont retenu toute mon attention, mais à part ça, j’ai trouvé le roman très lent et peut-être trop dans l’introspection pour moi :/

    La Geekosophe · 19 avril 2021 à 21 h 45 min

    C’est compréhensible ! Pour ma part j’avais d’autres attentes, comme je l’ai après tout le monde j’ai vu les avis mitigés de la part des collègues de l’imaginaire. Je lis beaucoup de SF en ce moment donc ça m’a pas dérangé d’en sortir 🙂

Vert · 2 mai 2021 à 14 h 38 min

Oui il est un peu frustrant ce roman quand on aime les explications, c’est un reproche récurrent que je fais aux romans de littérature générale avec un fond de SF d’ailleurs. Et j’ai eu du mal à accrocher à l’héroïne qui a l’air de planer tout du long (je comprends et je comprends pas en même temps ^^).

    La Geekosophe · 3 mai 2021 à 9 h 03 min

    J’ai remarqué aussi ce penchant quand des auteurs littérature blanche se lancent dans de l’imaginaire (même si heureusement ce n’est pas tout le temps le cas). Cedar est assez bizarre par moments j’ai trouvé aussi, je ne saurais pas trop me positionner par rapport à elle !

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