J’avais ce roman dans ma Pile à Lire depuis un bout de temps. La glace et le sel de José Luis Zarate retrace le voyage sur le Déméter, le navire qui a ramené Dracula à Londres, en se plaçant du point de vue du capitaine. Un roman court mais surprenant, aussi bien les thèmes traités que le choix narratif. Alors qu’en ai-je pensé ?

Synopsis de la glace et le sel

Le Déméter entre dans le port de Whitby en pleine tempête. À bord du navire sans équipage, le capitaine gît, sans vie, attaché au gouvernail tandis que, dans la cale, dorment de mystérieuses caisses pleines de terre. C’est ainsi que Dracula, dans le roman de Bram Stoker, arrive à Londres.
À partir des quelques lignes retrouvées dans la poche du capitaine, José Luis Zárate reconstruit la tragédie de la traversée.

Voyage au bout du désir et du carnage

Le vampire devient le spectre de l’homosexualité

L’auteur choisit de traiter le voyage du point de vue d’un capitaine de navire obsédé par ses hommes. Une barrière que pourtant il ne peut pas franchir. L’homme vit donc dans une forme de soif éternelle qu’il ne peut étancher, comme un Tantale condamné par la société. Le récit est à la première personne. Le lecteur a donc accès aux pensées les plus secrètes du narrateur. Il y peut-être quelque chose de redondant par ce biais, car une grande partie du roman se compose de scènes fantasmées par le Capitaine. C’est bien sûr pour mieux démontrer la puissance de l’obsession, même si au début cela est un peu déstabilisant.

C’est cependant un choix intéressant que d’avoir placé le vampire dans cette histoire, puisque la créature de la nuit a, depuis ses origines, toujours été associée à la bisexualité. C’est par exemple le cas de Carmilla. Le roman de Sheridan Le Fanu pose les fondements d’une mythologie vampirique sensuelle et interdite. Ici, le vampire se superpose à la fantasmagorie du Capitaine et devient la réflexion malsaine de ses désirs les plus enfouis mais aussi les plus intarissables.

Une écriture fulgurante

Comme vous l’aurez compris, une grande partie du récit tient du fantasme et de l’onirique. Dans ce cadre, la plume de Zaraté est particulièrement évocatrice. Les références à la chair, que ce soit celle tendre de ses amants ou celle des rats en putréfaction, traitent de l’aspect ambivalent du péché, entre magnificence et putréfaction. La glace et le sel impose un rythme lancinant dans un premier temps, ce qui est surprenant pour un récit si court. Mais c’est pour mieux comprendre l’esprit particulier du capitaine. Car l’Homme est en manque, atteint d’une soif inextinguible semblable à celle du vampire, jamais rassasié, hanté par un désir sans fin.

Petit à petit, le cauchemar prend de plus en plus de place pour devenir quelque chose de concret, hanté par la présence sombre de Dracula, d’abord suggérée puis présent. C’est comme si la Capitaine n’était plus capable de faire la différence entre la réalité et le rêve. Les événements sur le bateau gagnent de plus en plus en étrangeté. Un homme disparaît, les rats se multiplient, une brume qui ne passe pas tombe sur une mer sans fin… Malgré un début un peu poussif, j’ai apprécié que l’auteur distille une ambiance horrifique bien maîtrisée, qui tourne autour des vicissitudes de l’âme humaine plutôt que sur le gore.

La glace et le sel présente une version du voyage de Dracula qui décortique l’âme humaine

C’est une lecture très particulière. La plume est vraiment sublime et retranscrit très bien les aspects oniriques et la plongée dans la folie du bateau qui tombe de plus en plus sous le contrôle du vampire. Une grande partie du court récit se concentre sur les obsessions sexuelles du capitaine, ce qui pourra être redondant pour certains lecteurs. Mais la plume de l’auteur est particulièrement travaillée, onirique et poétique.

Note : 14/20

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Catégories : Chroniques

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