J’avais lu il y a bien des années la saga de La tapisserie de Fionavar de Guy Gavriel Kay. J’avoue que même à l’époque je n’avais pas accroché à cette trilogie très classique. Depuis, l’auteur canadien a développé toute une série de romans d’inspiration historique dont j’entendais beaucoup de bien. Après avoir remporté Enfants de la terre et du ciel (regardez ce beau travail réalisé par les éditions l’Atalante !), je me lance dans sa lecture car le livre entre tout à fait dans le challenge SFFF du mois !
Synopsis d’Enfants de la terre et du ciel
Ils sont quatre, et font route vers Dubrava et Asharias, comme jadis on faisait « voile vers Sarance »…
Péro Villani, jeune peintre de Séressa, a accepté de réaliser le portrait du Grand Calife. Il devra donc se rendre au cœur de l’empire ennemi et pénétrer dans les appartements de Gurçu le Ravageur. Il sait pourtant que personne n’y est admis et que le seul fait d’y ouvrir la bouche pourrait lui valoir la mort. Léonora Valéri a reçu elle aussi une proposition alléchante : enfermée dans un couvent par son père en raison d’une grossesse « inadéquate », elle recouvrera sa liberté si elle espionne pour le compte de la république de Séressa. Quant à Marin Djivo, issu d’une riche famille marchande de Dubrava, il a reçu le mandat d’escorter le peintre et Léonora.
Or, le vaisseau qui les amène de l’autre côté de la mer Séressinienne est abordé par un groupe de raiders senjan au sein duquel se trouve Danica Gradek, dont le destin se liera à celui du trio après la mort du médecin qui servait de couverture à Léonora, et une tentative de meurtre qui, cette fois, vise Marin.
Ils sont quatre, et aucun d’eux ne sait encore que leur quête personnelle changera à jamais le futur de tous les enfants de la Terre et du Ciel…
Un roman exigeant mais captivant
Un groupe de personnages liés par le destin
Nous suivons plusieurs personnages pris dans les houles de la politique et de la guerre, mais qui auront chacun un rôle spécifique à jouer. Chaque personnage a son propre passé et ses propres motivations pour réaliser leur mission. J’ai une tendresse particulière pour Léonora, victime d’une société et d’une famille qui l’ont condamné pour son statut de fille-mère. Son évolution est bien menée, car elle parvient à saisir l’opportunité qui fera d’elle une personnalité centrale sur l’échiquier politique. Danica est également un personnage au caractère rude mais déterminé. Femme guerrière dans un monde d’hommes, elle dépasse les préjugés grâce à son talent à l’arc. Pero, jeune peintre, est doté d’une mission à haut risque qui prend toute son importance à la fin du récit.
A travers chacun de leur chemin, se pose la question de la place de l’histoire personnelle face à la Grande, celle des rois et des empereurs. Jusqu’à quel point faut-il sacrifier son bonheur personnel pour réaliser son ambition politique ? On a ainsi très souvent des amours contrariées qui rythment le récit. Car à ce moment, Léonora souhaite gagner son indépendance et trouver sa place dans un monde duquel elle a été brutalement privée. Car la mission de Pero se trouve à Asharias. Car Danica est animée par la volonté farouche de retrouver son frère. La grande Histoire et l’histoire personnelle s’entremêlent pour donner un canevas sophistiqué et complexe que l’auteur maîtrise très bien.
Une place de l’historicité aboutie et émouvante à sa manière
Guy Gavriel Kay a réalisé un travail important pour peindre une fresque à la fois historique et intime. Ses inspirations sont multiples : la Renaissance avec l’importance de l’art et les cités marchandes italiennes, l’Empire Ottoman nouvellement installé dans l’ancienne Constantinople… On suit avec intérêt les subtilités politiques des puissants qui broient les vies des communs dans un jeu complexe et sophistiqué, face à des personnages qui tentent de trouver leur place et, de par leurs choix, bouleversent de temps à autre la mécanique de l’histoire. L’auteur choisit également de se pencher sur les intérêts de trois cités aux intérêts divergents : Séresse, qui cherche à asseoir sa domination économique, Dubravna, qui tente de conserver son indépendance quand elle risque d’attirer les foudres des empires qui la cernent, Senjan, ville de pirates rebelles ayant survécu aux raids des Osmanlis.
Mais on pourrait s’attendre à ce que ces détails historiques privent e récit d’émotions. Au contraire, comme l’auteur choisit de centrer son histoire sur quelques personnages sans grande importance politique à première vue, le roman regorge de scènes déchirantes. Danica entend par exemple la voie de son grand-père (seule touche de fantastique du roman), ce qui permet de souligner son attachement à sa famille et donne naissance à beaucoup d’émotions dans certaines scènes. Idem, les échanges entre Péro et l’Empereur sont étrangement teintés de bon sens et d’humanité. Le roman se nourrit d’une forme de mélancolie face au temps qui passe, aux êtres chers qui disparaissent.
Mélancolique et fouillé, Enfants de la terre et du ciel est indispensable pour les lecteurs de fantasy historique
Je ne suis pas déçue de ma plongée dans les affres politiques d’Enfants de la terre et du ciel ! En se concentrant sur le destin de quelques figures qui n’ont pas de pouvoir, Guy Gavriel Kay nous livre un roman émouvant et délicat qui nous conte la fin des empires du point de vue des gens du commun. Ainsi, nous suivons un groupe de personnages qui poursuivent des objectifs personnels, mais qui essuient des revers ou au contraire encouragés par les bouleversements politiques et culturels de l’époque. Ce point de vue permet de donner au récit une teinte profondément humaniste, notamment dans les échanges entre les puissants et ces derniers. Le seul bémol à signaler vient d’un rythme que j’ai trouvé parfois haché.
Note : 17/20
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5 commentaires
Yuyine · 21 mars 2022 à 15 h 25 min
Il est grand temps que je découvre l’auteur dont je n’entends que des louanges. Je te remercie de me le remettre en avant.
La Geekosophe · 28 mars 2022 à 17 h 06 min
Je suis contente de l’avoir (re)découvert dans ses ouvrages de fantasy historique !
Shaya · 27 mars 2022 à 17 h 15 min
Comme Yuyine, un jour je lirais cet auteur, un jour !
La Geekosophe · 28 mars 2022 à 17 h 07 min
C’est un peu des pavasses, ce qu’il nous écrit, mais ça dépayse de la fantasy habituelle
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