Évidemment que Rossignol faisait partie de ma liste d’achats de l’année ! En plus dans la très bonne collection d’UHL. Audrey Pleynet est une autrice qui brille dans la SF au format court. Jusqu’ici auto-éditée (j’ai également son recueil Ellipses en PAL), j’avais hâte de découvrir son entrée dans le monde de l’édition traditionnel. Alors que pensez de Rossignol ?

Il entre également dans le challenge Summer Star Wars, toujours un plaisir de le faire chaque année.

Challenge summer star wars - Andor

Synopsis de Rossignol

Lointain futur. Espace profond. Plus qu’une prouesse technologique, la station est une expérience. Politique, sociale, économique, philosophique. Ainsi, au sein de ce gigantesque assemblage minier peuplé d’espèces venues de tous horizons, les stationniens se définissent moins en fonction de leurs origines que de leurs pourcentages génétiques. Melting-pot utopique, la station offre de fait un refuge de tolérance unique au coeur de la Galaxie ― une vie en symbiose gérée par les Paramètres qui adaptent l’environnement aux différentes morphologies, aux contraintes physiques, à toutes les essences du vivant. Ou du moins offrait… De profonds désaccords entre les Spéciens, favorables à la séparation interespèce, et les Fusionnistes, qui rouvrent pour davantage de métissage, cristallisent les tensions. Au milieu de ces courants qu’elle ne maîtrise pas, une femme, stationnienne insignifiante, va devoir choisir son camp, et par là même, peut-être, peser sur le devenir de la station et sa myriade d’habitants.

Une histoire de tolérance et d’universalité

Alerte, utopie en danger

Audrey Pleynet nous entraîne dans un futur lointain, au sein d’une Station abritant des centaines d’espèces extra-terrestres différentes. L’autrice déploie une grande imagination pour nous décrire des individus complètement différents, aussi bien culturellement que biologiquement. Chaque espèce n’a pas besoin des mêmes éléments pour survivre, de la même température et la composition chimique de l’air nécessaire à l’un peut tuer l’autre. Mais comment est-il dès lors possible de cohabiter ? La vidéo de la chaîne du Nexus VI résume très bien la problématique. La Station est dotée des Paramètres, une solution technologique présente dans les pièces comme au sein de combinaisons que portent les habitants. A chaque nouvel environnement, la pièce comme la combinaison produit les adaptations nécessaires pour que tout le monde soit à peu près à l’aise et puisse survivre. La Station de Rossignol est donc un lieu de brassage culturel et technologique unique dans la galaxie. Il y un véritable effort pour créer des individus complètement éloignés des standards anthropocentriques : écailles, plumes, tentacules, nature des yeux, absence de bouche ou de corps complet, capacités psychiques ou physiques… Certaines descriptions tiennent plus du Grand Ancien là où d’autres œuvres de SF proposent des êtres extra-terrestres toujours très proches de notre physionomie pour favoriser l’empathie, Rossignol pose la question du vivre ensemble à un degré d’autant plus poussé.

Un lieu unique dans une galaxie où les espèces ont tendances à se replier sur elles-mêmes. Une vision qui se transmet à la Station, où de plus en plus d’individus se montrent fiers de leur grande pureté génétique. En effet, avec autant d’espèces présentes, la Station se transforme en laboratoire génétique et complexifie encore la gestion d’autant d’extra-terrestres différents : il est très rare que des individus ne soient pas un minimum hybridés. Audrey Pleynet met en scène un monde où la Majo, Majorité génétique, joue un rôle culture prépondérant, ainsi que les différents pourcentages. Il y a une opposition idéologique forte entre les Fusionnistes, partisans des mélanges génétiques, et Spéciens. Une opposition qui a lieu jusque dans l’enfance du personnage principal. Légèrement métissée, elle a grandi sur la Station parmi des espèces variées, tentant de partager les mêmes expériences malgré les limites physiques. Sa mère, également métissée mais née sur un monde humain qui l’a rejetée, est du coté Spécien. Ce conflit intime permet de mieux comprendre les tournants et aboutissants du conflit qui secoue la Station, un conflit vu de très près grâce au statut ambivalent de la protagoniste, à la Majo très humaine mais à l’expérience universaliste.

Une narration dense et éclatée

Audrey Pleynet est réputée pour être particulièrement brillante sur le format court, et je me suis demandée comment elle est arrivée à proposer un texte aussi riche sur une novella ! Elle a opté pour un choix narratif qui ne plaira pas à tout le monde : une narration qui ne suit pas d’ordre chronologique mais le cheminement de la pensée de la protagoniste. Avec le nombre de races évoquées, les conflits politiques ou philosophiques et les spécificités des Paramètres, le lecteur pourra être vite enfoui sous l’information. D’autant plus que le début du récit, à la première personne, ne prend pas par la main et nous enjoint de raccrocher les wagons petit à petit. Mais je n’ai pas été gênée outre mesure puisque c’est le jeu de la novella, qui peut parfois donner l’impression de ne pas laisser la place à un univers de se développer. Mais cette narration permet également de donner de l’amplitude au récit en jonglant entre passé et présent, introspection et action, pour porter le message de manière riche. Cette complexité permet de mettre en scène dans son universalité l’expérience et les ressentis de la protagoniste de manière plus entière, qui m’a très légèrement rappelé du Nouveau Roman dans sa façon de mettre en scène l’expression de la pensée individuelle dans ce qu’elle a de plus personnelle.

En effet, le style de l’autrice est très travaillée, souvent beau et poétique. La diversité des espèces offre à la plume la possibilité de construire un texte organique, tout en textures et émotions. Même si on parle d’individus très différents, le récit met en avant le point de commun de tous : un besoin et la recherche d’Amour au sens large. On parle aussi bien de la recherche de connexion avec ses semblables, qui pousse ainsi au rejet de l’altérité. Le lien amical, qui permet de trouver des âmes similaires. Bien sûr, l’Amour filial, qui se traduit aussi bien à travers la relation difficile que la narratrice entretient avec sa mère, et celle bien plus fluide et évidente avec son fils Joshua, enfant au métissage complexe. L’émotion est symbolisée à travers une ritournelle terrienne qui transcende les générations, « à la claire fontaine », qui donne également son titre à l’œuvre. Finalement, malgré la forme complexe, le récit touche juste en se dirigeant vers une vérité simple et universelle.

Rossignol offre un récit certes complexe mais d’une grande émotion

La novella est un texte intelligent sur un thème d’actualité. Rossignol pose la question du vivre ensemble, mais de manière extrême en mettant en scène un environnement adaptable capable d’accueillir une grande variété d’espèces, mais un fragile écosystème mis en danger par les velléités de pureté de certains individus. Audrey Pleynet met en scène un univers vaste en peu de pages, admirable mais qui pourra parfois perdre le lecteur. Une prouesse réalisée en partie grâce à la narration éclatée, qui permet d’alterner entre passé et présent pour bien comprendre le cheminement de la narratrice, qui se tient en équilibriste entre les différentes parties en conflit. Mais l’apparente complexité est transcendée par un message universel porteur d’espoir, bien exécuté, sur l’Amour sous toutes ses formes, celui qui transcendent les différences, le temps et les générations.

Note : 18/20

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Catégories : Chroniques

7 commentaires

L'ourse bibliophile · 13 juillet 2023 à 20 h 58 min

En voilà une chronique alléchante ! Je pense jamais à lire des UHL mais il faudrait que je m’y remette à l’occasion, donc je vais noter celui-ci !

    La Geekosophe · 14 juillet 2023 à 22 h 15 min

    Je deviens accro, comme j’ai moins de temps pour lire les petits formats sont adaptés à ce nouveau rythme !

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