J’ai toujours beaucoup apprécié les romans de Haruki Murakami, même si je comprends qu’ils soient critiquables aujourd’hui. Chroniques de l’oiseau à ressort est un pavé paru dans les années 90 que je trouve vraiment différent de ses œuvres les plus récentes, même si nous retrouvons des thèmes chers à l’auteur nippon.
Synopsis de Chroniques de l’oiseau à ressort
Le jour où sa femme disparaît inexplicablement, la vie de Toru Okada bascule – et emporte avec elle les repères du monde. C’est dans une réalité qui s’enfuit sous d’excentriques mirages que le jeune homme s’éveille un matin. Un théâtre d’ombres débutant par de mystérieux coups de téléphone, et où se croisent peu à peu des êtres déroutants, inclassables, aux confins d’un univers guidé par le chant d’un oiseau à ressort…
Chroniques du détachement vers l’étrange
Oiseau à bascule
Murakami a un don subtil pour faire tanguer notre monde vers l’inhabituel, par petites touches. Toru Okada est un protagoniste un peu mou : sans travail, il s’occuper principalement de la maison. Alors qu’il reçoit un appel anonyme déstabilisant, sa femme semble de moins en moins présente et le chat ne revient pas. En revanche, il croise à ce moment de nombreuses personnes toutes plus bizarres les unes que les autres. Malta et Creta Kano, des médiums, le lieutenant Mamiya, rescapé de la guerre, ou même Muscade et son fils Cannelle, une ancienne créatrice de mode et son fils, un génie mutique. Chacun se lie avec Toru Okada, chacun lui raconte son histoire, et à chaque fois les mêmes échos se forment, entre coïncidences et magie.
Ces échos font naitre des obsessions au sein du personnage principal. Dans un premier temps, il entretient un lien avec un puits asséché sur un terrain voisin. Un puits dans lequel il descend pour réfléchir et qui le marquera littéralement d’une tache sombre. On dirait presque qu’il devient une sorte d’élu improbable, car il gagne le surnom d’oiseau à ressort par l’une de ses voisines. Un oiseau qui ne bouge pas car il est trop occupé à remonter la mécanique du monde. Okada est lui-même un individu détaché et passif. Du moins jusqu’à la disparition de Kumiko, ce qui le poussera dans une quête pour la retrouver alors qu’elle semble hors du temps et de l’espace, dans un autre monde où la réalité n’est pas vérité, et vice et versa.
Répétition des motifs
Lire Haruki Murakami nécessite toujours un certain détachement de la réalité de la part du lecteur. Ses univers sont doux et oniriques, parfois violents, souvent absurdes, et ne touchent pas forcément tous les lecteurs, loin s’en faut. L’auteur déploie certaines de ses thématiques favorites. Son héros est souvent passif et se laisse porter par les événements. Il y a tout un motif autour de l’eau. L’ensemble des personnages ont un rapport étrange avec l’eau, comme une symbolique continue de fluidité mais aussi de passage d’un point à un autre, comme lorsque Toru voyage dans un autre monde via le fond du puits asséché. La question principale demeure la disparition mystérieuse de la femme qui devient une obsession. Le départ de Kumiko pose la question de l’identité, qui vient hanter d’autres personnages, qui changent de nom au cœur du récit.
Ici, le récit a une langue faussement simple pour mettre en scène une architecture narrative complexe. Une grande partie du travail d’écriture de Murakami tourne autour de la question de la perception, des traumas du passé, de la guérison mais aussi du voile fragile entre réalité et vérité. Chroniques de l’oiseau à ressort abrite de multiples histoires sous de multiples formes. Un personnage raconte son passé. Un autre écrit des lettres. Toru Okada tombe sur de mystérieuses chroniques stockées dans un ordinateur (un appareil encore peu répandu dans les années 90). C’est même une sensation particulière que de lire ce roman : il s’y passe peu de choses et en même temps tellement. Malgré la taille du livre, la grande fluidité de l’écriture nous entraîne sans effort.
Chroniques de l’oiseau à ressort est la quintessence de l’art de l’identité artistique de Murakami
« Chroniques de l’oiseau à ressort » de Haruki Murakami nous plonge avec subtilité dans un monde où la réalité et la vérité s’entremêlent, où les personnages se meuvent avec une étrangeté envoûtante, et où les obsessions prennent racine dans les recoins les plus mystérieux de l’esprit humain. À travers une narration faussement simple, l’auteur nous offre une architecture narrative complexe, explorant des thèmes tels que la perception, les traumas du passé, la guérison, et l’identité. Les échos et les coïncidences qui parsèment le récit ajoutent une dimension magique à l’histoire de Toru Okada, qui se retrouve à la fois détaché et impliqué dans une quête pour retrouver sa femme disparue. Murakami nous invite à plonger dans un univers doux et onirique, parfois violent et toujours absurde, où chaque personnage est un miroir déformant de la réalité.
Note : 17/20
Vous pouvez acheter le livre par ici. Toutes les chroniques sont par là.
Le roman compte 960 pages et entre donc dans le challenge du pavé de l’été.
1 commentaire
Sibylline · 13 septembre 2023 à 18 h 36 min
Je l’ai lu pas très longtemps après sa sortie il me semble, et donc à peu près oublié, mais il me reste des images, et surtout, il m’a fait lire pratiquement tous les autres Haruki Murakami à sa suite 😀