Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire pour l’envoi ! La Fille qui se noie de Caitlin R. Kiernan m’intéressait car il s’agit d’une version plus moderne de littérature gothique. La couverture est magnifique et l’histoire est très intrigante. Vous êtes prêts ?

Synopsis de La fille qui se noie

India Morgan Phelps est schizophrène. Elle a de qui tenir, puisque sa mère et sa grand-mère souffraient toutes les deux de troubles mentaux et ont mis fin à leurs jours. Les médicaments l’aident à garder un semblant de contrôle et pour tenter de comprendre les événements qui ont bouleversés sa vie, elle entreprend de rédiger un récit autobiographique, qui va curieusement prendre la forme d’une histoire de fantômes. C’est le meilleur moyen qu’elle a trouvé pour faire partager ce qui la hante. Car India semble obsédée par sa rencontre avec Eva Manning, une femme qui ressemble trait pour trait au tableau qui l’obnubile depuis son enfance, La fille qui se noie. Elle a déjà vu Eva par le passé, sous la forme d’un fantôme d’un loup-garou. A moins qu’elle ne l’ait jamais vu. Qui sait ce que sa schizophrénie lui fait voir ?

Un labyrinthe étrange et fascinant

Dans la psyché perturbée d’Imp

Ce récit est à la première personne. Il s’agit d’une sorte de journal ou de manuscrit d’Imp, une jeune femme au passé difficile. Atteinte d’un trouble de la personnalité héréditaire, sa mère et sa grand-mère se sont suicidées avant elle. Elle ne tient qu’avec un cocktail de médicaments et en rendant visite à sa psychiatre. Le roman appartient à la longue liste de narrateurs non fiables. Mais l’originalité se trouve dans le fait que nous savons que la jeune femme est schizophrène, et qu’il y aura donc une perception de la réalité très distordue. India passe par tous les états : hallucinations, paranoïa, troubles compulsifs… Ce qui lui crée des difficultés dans le relationnel. Mais cette jeune femme isolée et à fleur de peau est très attachante, avec un tempérament artistique et une volonté de s’en sortir.

L’autrice traduit son état mental via un style très particulier. On sent une vraie gradation dans la maladie d’India, dont les phrases se hachent et s’accélèrent par moments, traduisant la panique de la jeune femme. Parfois, Imp s’invective à la troisième personne. Elle digresse souvent, mais le style de l’autrice le fait avec un grand naturel, de manière saccadée et virevoltante, comme si ces changements n’avaient rien d’inhabituel dans le cheminement intellectuel d’une personne. Enfin, India imbrique des histoires dans d’autres histoires, à un tel point qu’il devient difficile ce qu’est la réalité de l’imagination. Car des événements étranges se produisent dans la vie de notre protagoniste.

L’artiste torturé voit au-delà de la réalité

Le monde d’India est sur le fil. Elle analyse le monde à travers le spectre complexe de l’art. Même si elle est peintre, elle s’affirme comme une artiste complète, capable d’écrire comme de dessiner. Ces capacités lui permettent de voir les symboles, l’arithmétique du monde. Ainsi, lorsqu’elle croise Eva, c’est une révélation. Eva est une sorte de double mythique, une sirène envoutante qui cache un secret que seule Imp peut découvrir. Ainsi, le texte est traversé de références approfondies à des courants artistiques qui trahissent l’obsession et l’étendue des connaissances de la jeune femme. Le roman pose la question de savoir si l’artiste est irrémédiablement condamné à avoir des problématiques de santé mentale, une instabilité qui lui donne un don de double-vue.

Cet aspect semble être représenté par la place du fantastique. Légère, mais diffusée tout au long du roman. Ce fantastique est représentée par le personnage, mi-fantôme mi-sirène, d’Eva Canning. Une figure récurrente qui finit par envahir la vie d’India. Elle se renferme alors totalement dans son obsession, même sa psychiatre, son travail ou son ex-compagne n’arrivent plus à l’atteindre. Mais cette souffrance, elle parvient à la sublimer à travers son extra-sensibilité, dans sa peinture et ses écrits. L’artiste doit-il toujours effleurer la folie ?

La fille qui se noie est un roman complexe, créatif et touchant

Dans cette plongée captivante au cœur de la psyché tourmentée d’India Morgan Phelps, Caitlin R. Kiernan nous offre un récit intense. La Fille qui se noie se révèle être bien plus qu’une simple histoire de fantômes contemporaine. À travers le prisme déformant de la schizophrénie, l’autrice tisse un labyrinthe étrange et fascinant où la frontière entre réalité et imagination s’efface. Le style unique de Kiernan, qui reflète avec subtilité la gradation des troubles mentaux d’India, enveloppe le lecteur dans une atmosphère à la fois déconcertante et envoûtante. La protagoniste, Imp, se dévoile comme une artiste tourmentée, capable de voir au-delà de la réalité ordinaire. Son regard complexe sur le monde, teinté d’une sensibilité artistique profonde, soulève des questions universelles sur le lien entre la création artistique et la santé mentale.

Note : 16/20

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Catégories : Chroniques

8 commentaires

tampopo24 · 29 octobre 2023 à 16 h 06 min

Très jolie chronique où je retrouve bien l’ambiance du roman que j’ai lu également et dans lequel j’ai aimé me perdre.
J’ai particulièrement aimé ta partie sur l’artiste et la folie.

    La Geekosophe · 29 octobre 2023 à 21 h 59 min

    Je suis toujours très touchée par les sujets liés à la santé mentale ! J’ai beaucoup aimé la façon dont l’autrice a retranscrit la schizophrénie, apparemment de manière très crédible

L'ourse bibliophile · 6 novembre 2023 à 10 h 42 min

Ce roman m’intéresse énormément ! Mais je suis toujours curieuse de savoir les retours qu’il peut y avoir de personnes concernées par la schizophrénie, le sais-tu ?

    La Geekosophe · 7 novembre 2023 à 20 h 29 min

    Il ne me semble pas avoir vu passer d’avis de personnes schizophrènes pour le moment :/

      L'ourse bibliophile · 9 novembre 2023 à 18 h 57 min

      Peut-être plus tard alors. Et en attendant, je le découvrirai quand même à l’occasion.

Shaya · 12 novembre 2023 à 16 h 44 min

Repéré depuis un moment, le traitement de la maladie mentale m’intéresse beaucoup.

    La Geekosophe · 25 décembre 2023 à 23 h 08 min

    C’est un traitement captivant 🙂

Caitlin R. Kiernan - La fille qui se noie - Zoé prend la plume · 17 janvier 2024 à 7 h 00 min

[…] (chez Panini Books) dans le Bifrost 77; roman « complexe, créatif et touchant » pour La Geekosophe; lecture hypnotique pour Maude Elyther; très belle expérience également pour Tachan; mais […]

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