Confessions d’une séancière était présent depuis bien longtemps dans ma Pile à lire. J’étais curieuse d’enfin découvrir l’écriture de Ketty Steward, que j’avais déjà écouté sur scène lors de nombreux festivals. J’avais ainsi constaté qu’elle était également poétesse, en plus d’être adepte d’imaginaire. Ce livre se compose d’une dizaine de textes indépendant, avec pour fil rouge les légendes antillaises. Et vous connaissez ma passion pour le folklore et les esprits.

Synopsis de Confessions d’une séancière

Une infirmière convoquée par un rêve au chevet de sa patiente mourante, une veuve éplorée qui marche dans la mer en maudissant Papadlo, un jeune homme qui perd la mémoire chaque fois qu’il met les pieds dans la rivière, un couple de femmes surpris par l’œil du cyclone, un garçonnet qui voit se dessiner sa culpabilité sur sa peau…
Dix-huit histoires liées par des poèmes qui donnent à repenser notre rapport à la mort, à l’amour, à la différence, à l’environnement.

Contes et récits des Antilles à travers 18 textes variés

Une lecture à la découverte des contrastes de la Martinique

Ketty Steward nous entraine à travers dix-huit courtes histoires dans les légendes de la Martinique. Entre vaudou, divinités de la mers et métamorphoses, chaque texte nous présente une créature, un mythe ou une croyance locale. C’est donc un voyage très dépaysant que nous faisons, un voyage qui s’adapte très bien à format qui permet de donner vie à des personnages bien différents. Il y a quelque chose du réalisme magique qui naît de la plume de l’autrice. Nous ne sommes pas dans du spectaculaire, mais dans un quotidien banal qui se retrouve heurté par un événement. Par ici, une femme découvre l’étrange secret de son mari. Là, un enfant se découvre atteint d’une étrange malédiction. Un couple emménage dans une maison au lourd passé. On découvre ainsi à quel point ces mythes sont ancrés dans le quotidien des antillais, même aujourd’hui.

Ce mélange entre croyances et modernité permet de saisir des thématiques sociales qui habitent l’Ile. Le format fix-up remplit cet office à merveille. L’autrice analyse ainsi finement les rapports hommes / Femmes, que ce soit au travers de la nouvelle de l’homme-bâton, qui éclaire sur la violence et la lâcheté ordinaire. D’autres nouvelles mettent en avant la soumission de la femme envers son mari, la difficulté de ne pas être marié à un certain âge… D’autres nouvelles parlent de méfiance, voire de racisme, envers les haïtiens. Une autre nouvelle parle de la place (ou plutôt de la non-place) de la transidentité à travers un personnage qui profite du carnaval pour devenir la femme qu’il a toujours pensé être. C’est une série de portraits qui peignent avec vivacité ce qui fait la culture de la Martinique, et Ketty Steward en parle avec autant d’amour que de lucidité.

Une langue poétique et ludique

Cette série de nouvelles est entrecoupée de courtes poésies. Cela fait du livre un bel objet dans un premier temps, mais attire l’attention sur les sonorités de la langue, des jeux de mots. Ainsi, même dans les nouvelles dramatiques, l’autrice fait preuve d’un sens de l’humour piquant. Les anciens ne manquent pas de réflexions acerbes, bien qu’emplis d’une certaine forme de sagesse. De la même façon, plusieurs nouvelles font référence aux cancans des gens des villages, aux risques pour la réputation… L’oralité joue un rôle majeur dans le quotidien. C’est aussi le cas pour les contes, comme celle d’une fillette qui découvre les secrets de sa grand-mère, alertant sur les risques d’une curiosité familiale mal placée. La plume de Ketty Steward allie une forme de simplicité authentique avec un sens du rythme, de l’analyse et une touche d’humour qui permettent d’apprécier d’autant plus le voyage.

Certains dialogues bénéficient d’une écriture en créole. Bien qu’immédiatement traduits, j’ai trouvé que cela accompagnait bien l’aspect fix-up ainsi que les différents poèmes. Nous avons un mélange des formes, un mélanges des langues, des mélanges de point de vue, des mélange de genre. La transformation littérale, via la zombification, le travestissement ou la métamorphose en animal, rejoint celle du fond, de la créolisation, du passé qui se mêle au présent. Confessions d’une séancière nous enjoint à une expérience littéraire recherchée, malicieuse et souvent musicale.

Confessions d’une séancière, un ensemble d’histoires dépaysantes et bien travaillées

J’ai beaucoup apprécié découvrir la plume de Ketty Steward à travers ce fix-up. Elle explore avec malice et lucidité les légendes antillaises pour mieux analyser la société martiniquaise. L’un des angles qui reviennent avec régularité est celui du rapport hommes / femmes, entre violence, soumission et émancipation. L’écriture allie simplicité, poésie et jeux avec la langue, montrant un gros travail sur le principe de créolisation sur le fond comme sur la forme. Ainsi, les poèmes présents entre chaque histoire enrichit la musicalité des récits, déjà présente à travers certains dialogues en créole, mais aussi la notion de transversalité. En effet, la transformation est très présente dans les récits, caractéristique d’une société en mutation grâce à de multiples influences.

Note : 16/20

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Catégories : Chroniques

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