Je me souvenais avoir regardé le film « Never let me go » et avoir trouvé fascinantes les idées développées et le rythme du scénario. J’étais donc curieuse de découvrir l’oeuvre de Kazuo Ishiguro, britannique d’origine japonaise. Klara et le Soleil avait évidemment attiré mon attention. Roman qui traite de l’intelligence artificielle, il a rejoint ma PAL à la première occasion.

Synopsis de Klara et le Soleil

L’humanité a été transformée par la technologie : désormais, les adolescents ne vont plus à l’école et grandissent avec leurs Amis Artificiels. Ces robots de pointe sont conçus pour les instruire, les distraire et veiller sur eux. Dans la vitrine du magasin, Klara, une AA particulièrement intelligente, attend avec impatience d’être choisie. Elle observe les passants et rêve d’éprouver comme eux de la joie, de la peur, de l’amour. Bientôt, l’occasion de découvrir le monde se présente : elle est achetée par Josie, une adolescente atteinte d’une mystérieuse maladie. Mais en pénétrant l’intimité de sa nouvelle famille, Klara ne se doute pas qu’elle va devenir le témoin de troublants secrets.

Un récit de science-fiction intime

Une société dystopique peinte avec subtilité

Klara est une AA, une Amie Artificielle. Destinée à accompagner un enfant au cours de sa vie, elle commence le récit attendant qu’on la choisisse dans une boutique spécialisée dans la vente de robots de même nature. Dans ce futur, les enfants ne vont pas à l’école et sont éduqués uniquement chez eux, souvent à distance auprès de professeurs soigneusement sélectionnés. L’AA, on le comprend assez vite, a vite pour rôle de combler la solitude de cette génération, mais aussi de la socialiser. Ainsi, Kazuo Ishiguro va à l’encontre des intelligences artificielles qui ont traditionnellement un objectif productif ou intellectuel. Le rôle d’une AA comme Klara est avant tout émotionnel. D’autant plus qu’elle entre dans l’intimité de deux familles qui ne manquent ni de secrets et ni de difficultés à surmonter. Grâce aux capacités d’observation très fines de notre narratrice, nous saisissons petit à petit les particularités de ce futur proche à travers le quotidien de Josie et de sa mère.

Josie est atteinte d’une maladie mystérieuse qui semble en partie liée ou agravée par le fait qu’elle ait été « élevée », c’est-à-dire modifiée génétiquement pour être meilleure. Nous comprenons rapidement qu’il s’agit d’une procédure réservée aux plus riches. Le meilleur ami et voisin de Josie, Rick, n’a pas pu y avoir recours, ce qui lui ferme beaucoup de portes. La famille de Josie a également une gouvernante ainsi qu’une maison qui semble assez grande. La famille vit dans une relative bulle de confort car elle est très aisée. Cependant, cela ne protègle ni du deuil, ni des drames. Kazuo Ishiguro explore les notions de deuil et d’absence, notamment savoir s’il est possible de remplacer un être aimé. Le roman est intime et amer par plusieurs côtés, la séance du portrait de Josie ayant quelque chose d’assez malsain dans on idée même (je ne détaillerai pas pour ne pas trop en révéler). L’auteur mêle parfaitement l’anticipation d’une société en mutation avec l’intimité d’une vie de famille complexe.

Le quotidien à travers la vision singulière d’une IA

Le récit est racontée du point de vue de Klara, à la première personne. AA d’une grande perception, elle a un statut hybride entre un membre de la famille et un outil, ce qui met en scène de nombreuses situations paradoxales. Parfois, sa vision des choses est plutôt drôle. Comme elle est peut familière de la vie des humains, elle nomme les choses de manière incorrecte et c’est au lecteur de déduire de quoi elle parle. Ainsi, le salon de vient le « plan ouvert ». De la même façon, comme elle fonctionne à l’énergie solaire, elle prête au Soleil des pouvoirs quasi mystiques. Il y a une tendresse dans la façon dont elle décrit ses progrès, ses premières erreurs quand elle arrive dans sa nouvelle famille, comment elle ressent les choses lorsqu’elle fait face à des situations inconnues. L’attachement qu’elle ressent pour Josie est touchant.

L’émotion passe beaucoup par le charme et le détail de l’écruture de Kazuo Ishiguro. Klara et le Soleil prend son temps pour décrire à travers chaque sens ce qu’il se passe. Tout le cheminement déductif de Klara est mis en avant. En conséquence, le récit pourra sembler être lent pour les amateurs de SF plus classique. Parfois, il peut arriver qu’on ne sache vraiment où l’auteur souhaite nous amener avec certaines scènes. Mais chacune nous aide à comprendre. Comprendre Chrissie, la mère, terrifiée face à la possibilité d’un deuxième deuil impossible. Rick, le garçon sensible et intelligent qui devra travailler deux fois plus. Josie, joyeuse mais malade, constamment sur le fil. Et Klara bien sûr, solaire et intelligente, qui découvre la complexité de l’humanité. Les personnages tissent des relations complexes qui sont très bien construites. La fin laisse une sensation d’amertume, mais c’est mieux que je vous laisse découvrir pour quoi.

Klara et le Soleil : une fable SF qui mêle l’intime à l’anticipation

Kazuo Ishiguro fait appel à une plume détaillée et sensible pour nous révéler un futur troublant. A travers le regard de Klara, l’amie artificielle pleine de bonne volonté et d’intelligence, nous observons une famille face à des choix complexes et à des secrets déchirants. Josie, jeune fille malade, fait partie de ces enfants qui ont été modifiés pour être plus performants, ce qui semble agravé sa faiblesse. Mais les enfants qui ne sont pas élevés, comme Rick, sont contraints à voir leur avenir tristement réduit. C’est donc une société inégalitaire qui nous est montrée à travers l’intimité de cette famille au passé hanté par le deuil et le peur de la perte. La vision de Klara, singulière, naïve et perçante, est très bien retranscrite à travers l’écriture sensible et détaillée de l’écrivain. Rien n’échappe à l’analyse de cette AA exceptionnelle, qui croit en le pouvoir du Soleil et est très touchante dans sa découverte de l’humanité. Par conséquent, le récit pourra sembler lent et décousu par moments, mais cette fable lumineuse reste une belle découverte et une expérience unique.

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Catégories : Chroniques

4 commentaires

Les Lectures du Maki · 15 février 2025 à 21 h 16 min

Je l’ai dans ma PAL mais je ne l’ai pas encore lu. j’ai peur que ce soit trop « léger » pour moi !
Mais tu me donnes envie de m’y essayer…

    La Geekosophe · 19 février 2025 à 16 h 39 min

    J’ai parfois du mal à accrocher aux romans entre blanche et SF, mais ici j’ai trouvé que c’était bien dosé et réussi globalement

tampopo24 · 16 février 2025 à 21 h 51 min

Je suis en pleine exploration des différents facettes de la littérature japonaise depuis quelques temps. Je ne me suis en revanche pas encore frottée à la SF et ce roman, que j’avais dans mon viseur, pourrait être le premier tant j’aime ce que tu dis de sa manière fine et intime de pénétrer ces questions de deuil et d’absence. Merci pour cette belle chronique 🙂

    La Geekosophe · 19 février 2025 à 16 h 40 min

    D’après l’auteur lui-même, c’est compliqué de le considérer comme un auteur japonais car il vit vit en Grande-Bretagne depuis qu’il a six ans 😀 Mais cela reste un récit subtil sur les questions du deuil et du manque.

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