Court mois, mais beaucoup de lectures, et surtout des lectures très variées. Dark fantasy, thriller de science-fiction, littérature étrangère contemporaine… J’ai réussi découvrir de nombreux nouveaux auteurs à travers des récits qui n’ont pas manqué de caractère.

Dark Matter de Blake Crouch

Dark Matter de Blake Crouch

Quand Jason Dessen se réveille, il se trouve dans un monde qui n’est pas le sien. Son épouse n’est plus son épouse, son fils n’est jamais né, un complet inconnu se prétend son ami de toujours. Et Jason n’est ici pas un simple professeur de physique, mais un véritable génie à l’origine d’une découverte époustouflante. La seule chose dont il se souvient, c’est qu’un soir, en rentrant chez lui, il a été kidnappé par un inconnu masqué auquel il a été impossible d’arracher la moindre explication. De toute manière, ce dernier lui a dit que même s’il lui expliquait tout, Jason refuserait d’y croire.

Dark Matter remplit sa mission : c’est un page turner nerveux à l’histoire bien travaillée. L’écriture directe nous emporte dans un scénario fondé sur la physique quantique. Le roman pose la question des choix que l’on fait au cours de son existence, comment ils influencent la personne que nous devenons et peuvent parfois nourrir des regrets. En physique quantique, chaque décision amène une nouvelle réalité, et le héros, Jason, doit se lancer dans une quête impossible pour retrouver son monde et sa famille. Ces voyages sont passionnants, montrant l’amplitude des possibilités, des pires au meilleures. Là où j’ai eu le plus de mal, c’est que l’obsession de Jason pour sa femme lui fait prendre des décisions idiotes, se met en danger et surtout, met d’autres personnes en danger. J’ai trouvé cependant la fin du récit très audacieuse, surtout que ce n’est pas le genre d’histoire facile à terminer.

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La cité diaphane d’Anouck Faure

La cité diaphane d’Anouck Faure

Merveille architecturale élancée vers le ciel, RocheÉtoile a connu la gloire avant une chute brutale. La ville sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole depuis que les eaux de son lac et de ses puits sont devenues poison mortel, victimes du mystérieux mal d’onde.
Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore, dans le dédale de ses ruelles, quelques âmes égarées. Ici un forgeron, là une chevaleresse, et d’autres qui gardent dans ce labyrinthe les sombres secrets du passé.

La cité diaphane d’Anouck Faure brille avant tout grâce à son ambiance profondément sombre. Grâce à un style ciselé, l’autrice construit les ruines d’une cité déserte dans laquelle il ne reste sur des fous ou des aveugles. Le plume crée un effet parfait entre malaise et fascination, proposant un texte d’une grande singularité sur le fond comme dans la forme. Le roman propose un jeu de miroirs entre manipulation, duplicité et ambition. Ainsi, tous les personnages ont de multiples formes, un ressors qui permet de créer de nombreux rebondissements. Certains sont efficaces, d’autres étirent le récit sans que ce soit nécessaire ou pertinent. Mais il demeure que La cité diaphane est un texte hautement maîtrisé et prometteur pour un premier roman.

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Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro

Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro

L’humanité a été transformée par la technologie : désormais, les adolescents ne vont plus à l’école et grandissent avec leurs Amis Artificiels. Ces robots de pointe sont conçus pour les instruire, les distraire et veiller sur eux. Dans la vitrine du magasin, Klara, une AA particulièrement intelligente, attend avec impatience d’être choisie. Elle observe les passants et rêve d’éprouver comme eux de la joie, de la peur, de l’amour. Bientôt, l’occasion de découvrir le monde se présente : elle est achetée par Josie, une adolescente atteinte d’une mystérieuse maladie. Mais en pénétrant l’intimité de sa nouvelle famille, Klara ne se doute pas qu’elle va devenir le témoin de troublants secrets.

Kazuo Ishiguro fait appel à une plume détaillée et sensible pour nous révéler un futur troublant. A travers le regard de Klara, l’amie artificielle pleine de bonne volonté et d’intelligence, nous observons une famille face à des choix complexes et à des secrets déchirants. Josie, jeune fille malade, fait partie de ces enfants qui ont été modifiés pour être plus performants, ce qui semble agravé sa faiblesse. Mais les enfants qui ne sont pas élevés, comme Rick, sont contraints à voir leur avenir tristement réduit. C’est donc une société inégalitaire qui nous est montrée à travers l’intimité de cette famille au passé hanté par le deuil et le peur de la perte. La vision de Klara, singulière, naïve et perçante, est très bien retranscrite à travers l’écriture sensible et détaillée de l’écrivain. Rien n’échappe à l’analyse de cette AA exceptionnelle, qui croit en le pouvoir du Soleil et est très touchante dans sa découverte de l’humanité. Par conséquent, le récit pourra sembler lent et décousu par moments, mais cette fable lumineuse reste une belle découverte et une expérience unique.

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L’immeuble Yacoubian d’Alaa El Aswany

L'immeuble Yacoubian d'Alaa El Aswany

Construit en plein coeur du Caire dans les années 1930, vestige d’une splendeur révolue, l’immeuble Yacoubian constitue un creuset socioculturel très représentatif de l’Egypte du XXIe siècle naissant. Dans son escalier se croisent ou s’ignorent Taha, le fils du concierge, qui rêve de devenir policier ; Hatem, le journaliste homosexuel ; le vieil aristocrate Zaki, perdu dans ses souvenirs ; Azzam, l’affairiste louche aussi bigot que lubrique ; la belle et pauvre Boussaïna, qui voudrait travailler sans avoir à subir la convoitise d’un patron...

C’est un roman très vivant qui aborde les transformations de la société égyptienne au début des années 2000. Les personnages sont attachants, variés et bien construits. L’auteur prend le temps de les décrire avec soin, leurs doutes, leurs défauts, leurs espoirs. Alors que le pays se tourne vers l’islamisme, quels impacts cela a-t-il sur eux ? Dans un pays gangrené par la corruption, vers qui les pauvres peuvent-ils se tourner ? C’est une analyse de la société qui est proposée. J’ai cependant trouvé que le récit traînait en longueur en milieu de roman.

La monture de Carol Emshwiller

La monture de Carol Emshwiller

Non contents d’avoir colonisé la Terre, les Hoots, créatures extraterrestres malingres aux jambes trop faibles pour les porter, ont réduit les humains à l’état de bêtes de selle. Jeune humain d’apparat, Charley est destiné à devenir la monture du prince héritier des Hoots. Mais la troublante considération que lui porte son petit maître et sa rencontre avec son père, humain sauvage réfugié dans les montagnes, vont faire prendre conscience à Charley de son humanité perdue. Commence alors pour le garçon et le Hoot un long voyage initiatique qui les mènera loin sur le chemin de la compréhension mutuelle.

A travers un ton faussement naïf, La monture nous entraîne dans un monde où les rapports de domination sont inversés. Les humains sont dressés pour servir de monture à des créatures qui se targuent d’être bienveillantes, mais largement supérieures. Derrière ce constat, nous voyons les dynamiques de comination qui se mettent en place. Les humains sont divisés en races élévées et reproduites selon leurs caractéristiques : force et apparence, choyées tant qu’elles suivent les règles. Outre le parallèle évident avec l’équitation et le spécisme, nous voyons aussi germer les graines du racisme. Charley représente un personnage sur le fil, partagé entre deux mondes, qui apprendra la tolérance au contact des sauvages, mais aussi de son Petit Maître adoré.

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Les rêves qui nous restent de Boris Quercia

Les rêves qui nous restent de Boris Quercia

Dans cette mégapole tentaculaire qu’est la City, certains n’hésitent pas à vendre à des sociétés privées la seule chose qui leur reste : leurs rêves. Mais quand un incident se produit au sein d’un entrepôt de dormeurs, les dirigeants veulent régler au plus vite l’affaire avant qu’elle ne s’ébruite. Natalio, flic de classe 5, la plus méprisée car chargée d’éliminer discrètement les dissidents, est leur meilleure option. Ce dernier accepte toujours les missions à la limite de la légalité, par appât du gain autant que par désoeuvrement. Fauché, Natalio a d’ailleurs dû remplacer son électroquant, un androïde qui le suit comme son ombre, par un modèle ancien, acheté au rabais chez un soldeur. Mais la machine a un on-ne-sait-quoi d’inquiétant, des défaillances et des anomalies sur lesquelles son propriétaire n’a pas le temps de s’arrêter. Pour le pire… ?

Un cyberpunk apocalyptique venu d’Amérique du sud ! Si l’univers peut sembler assez classique à première vue, Boris Quercia ajoute de nombreux éléments originaux qui donnent à l’oeuvre un supplément d’âme. Natalio nous apparaît comme le flic blasé au premier coup d’oeil, mais quand on découvre son histoire dramatique, cela nous permet de mieux comprendre sa trajectoire. Son histoire n’a rien d’unique au sein de la City. Elle pose la question de la place donnée aux personnes qui souffrent de santé mentale dans la société. Car nous sommes dans un monde où tout se monnaye et les services à la personne coûtent une fortune. Le lien entre natalio et son androïde rêveur apporte un peu de lumière, laissant apparaître des passages philosophiques dans cette ville qui se délite. Le roman est cependant un peu court pour approfondir et donner du corps à ces thématiques.

Quelles sont vos lectures favorites du mois ?

Catégories : Points lectures

5 commentaires

tampopo24 · 2 mars 2025 à 14 h 21 min

Effectivement un mois de caractère !
J’ai commandé Klara grâce à toi et j’ai beaucoup aimé aussi bien La cité diaphane que La monture
Je suis curieuse de voir ce que tu découvriras en mars !

    La Geekosophe · 8 mars 2025 à 22 h 15 min

    Je ne pensais pas que j’allais accrocher à Klara et le soleil mais finalement j’ai trouvé cette incursion de la SF dans l’intime bien orchestrée

      tampopo24 · 9 mars 2025 à 14 h 39 min

      Je croise les doigts pour ressentir la même chose !

Shaya · 9 mars 2025 à 11 h 29 min

Clairement c’était un mois très diversifié ! J’ai La cité diaphane en PAL et La monture fait partie de mes livres à lire « un jour. De mon côté ce mois-ci, gros coup de cœur pour Les oiseaux du temps.

    La Geekosophe · 9 mars 2025 à 20 h 07 min

    Les oiseaux du temps est une pépite, mais il ne plait pas à tout le monde ! Pour l’instant le rythme est très lent pour ce début mars 😀

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