J’avais fini un roman plus tôt que prévu. Le prochain sur ma liste était chez moi et j’avais donc besoin d’une lecture courte. La collection une Heure Lumière des éditions Le Bélial sont la réponse parfaite dans ce cas-là. J’avais beaucoup aimé un roman précédent de l’auteur, Ken Liu, alors je me suis plongée dans Le regard.
Synopsis de Le regard
Dans son registre, celui de l’investigation, Ruth Law est la meilleure. D’abord parce qu’elle est une femme, et que dans ce genre de boulot, on se méfie peu des femmes. Parce qu’elle ne lâche rien, non plus, ne laisse aucune place au hasard. Enfin, parce qu’elle est augmentée. De manière extrême et totalement illégale. Et tant pis pour sa santé, dont elle se moque dans les grandes largeurs — condamnée qu’elle est à se faire manipuler par son Régulateur, ce truc en elle qui gère l’ensemble de ses émotions, filtre ce qu’elle éprouve, lui assure des idées claires en toute circonstance. Et surtout lui évite de trop penser. À son ancienne vie… Celle d’avant le drame…
Et quand la mère d’une jeune femme massacrée, énuclée, la contacte afin de relancer une enquête au point mort, Ruth sent confusément que c’est peut-être là l’occasion de tout remettre à plat. Repartir à zéro. Mais il faudra pour cela payer le prix.
Le prix de la vérité libérée de tout filtre, tout artifice. Tout regard…
Un futur sous contrôle
Entre cyberpunk et enquête
Le reagrd est un récit court qui reprend un poncif du cyberpunk : l’enquête avec un détective indépendant au caractère sombre. Ken Liu nous présente un futur où la technologie de surveillance est contrôlée, ce qui n’empêche pas une fange grandissante de la population d’en faire usage. Mais le talent de Ken Liu rend cette nouvelle dense. Nous suivons une ancienne agente de police, Ruth. Dure à cuir, douée et persévérante, elle mène principalement des recherches de personnes disparues, loin de son ancien job après un drame particulièrement traumatisant. Officiant dans le quartier chinois, une mère éplorée qui souhaite que la police rouvre l’enquête sur le meurtre violent de sa fille . Call girl et fille d’immigrées, cette dernière ne bénéficie de toute l’attention des autorités. Ruth Law flaire l’affaire plus importante qu’elle ne semble.
Dans ce monde, il est également possible pour les humains de s’augmenter. C’est le cas à bien des égards pour Ruth. Elle en profite pour prendre l’avantage sur ses adversaires qui se méfient peu des femmes quinquagénaires. J’ai beaucoup apprécié la ténacité de ce personnage principal, qui diffère des autres protagonistes de ce type de roman. Ruth, bien qu’amère et décrite pour surtout travaillant pour l’argent, hésite pourtant peu à apporter de l’aide à des personnages délaissées par la société. Comme cette call-girl d’origine chinoise, dont le meurtre a été imméditiatement considéré comme l’attaque d’un client dans le cadre d’une guerre des gangs. ET l’enquête acharnée de ruth révélera en effet des manquements.
Quand la technologie devient un outil quotidien
Le titre original de la nouvelle est The regular, qui se traduit par le régulateur. C’est un implant qui permet de contrôler les émotions. Il est utilisé dans les services de police pour un nombre limité d’heures par jour. L’objet permet de prendre des décisions plainement rationnelles, d’être en contrôle total de la situation. Il peut aussi donner des shots d’hormones (Adrénaline, dopamine…) pour être plus efficace quand nécessaire. C’est un implant dont Ruth se sert constamment pour masquer la peine qui l’habite depuis des années. Elle l’utilise comme un rempart contre le deuil. C’est un twist intéressant sur la question de l’amélioration transhumaniste, c’est-à-dire de savoir à quel moment l’humanité dispraît au profit de la productivité maximale.
Le titre français, le regard, aborde un autre aspect important du roman. Espionnage et secret sont deux sujets massifs explorés. La jeune call-girl est assassinée et énucléée, avec une brutalité chirurgicale. Pourquoi lui enlever les yeux ? On découvrira rapidement que la technologie capable d’enregistrer, d’espionner, de capturer l’image est omniprésente et accessible. Paradoxalement, elle sert aussi bien à se protéger mais peut mettre en danger. Ce sera également utile pour l’enquête de Ruth de comprendre l’importance du regard la jeune femme, de savoir comment habilement capter les mouvements pour comprendre les sens du meurtre mais aussi mettre fin à une trainée de sang qui a duré trop longtemps.
Le regard, thriller implacable autour de la technologie
Le regard est un court récit. Polar technologique, il met en avant les laisser-pour-compte d’une société qui mise sur le transhumanisme : implants pour contrôler les émotions, se doper, mini-caméras pour espionner… La technologie amène de nouvelles possibilités de commettre des crimes, mais aussi d’enquêter. Avec une détective âpre à la tâche détruite par un événément tragique, Ken Liu réutilise les lieux communs du thriller cyberpunk mais en remaniant certains aspects pour proposer une oeuvre dynamique et plus profonde qu’il n’y paraît, bien que l’on n’atteigne pas la même significativité d’un format plus long.
Note : 16/20
Vous pouvez acheter le livre par ici. Toutes les chroniques sont par là.
0 commentaire