Je n’avais pas prévu de lire ce roman cette année. Cependant, il semblait correspondre à mes envies et à plusieurs clubs de lectures. Ce qui signifie qu’il était destiné à être sorti de la Pile à Lire. Je me suis donc lancée dans ce pavé qu’est La séquence Aardtman de Saul Pandelankis. Qu’ai-je pensé de cette histoire de bots, d’identité et de voyage spatial.

Synopsis de La séquence Aardtman

Dans ce monde futuriste, les humains ne sont plus que quelques millions sur terre et les bots, depuis les lois d’autonomie, sont privilégiés par la société grâce à un système de point. Parallèlement, pour découvrir l’univers, des vaisseaux explorent l’espace à la recherche de planètes à ensemencer.

Deux récits se succèdent. Celui qui raconte Roz, un homme transgenre qui se réveille à bord d’Ari-me, un vaisseau spatial autogéré. Son quotidien s’étire, il s’occupe des programmes et de l’IA qui les guide. Et celui d’Asha, une bot transgenre qui épouse la cause des bots, exprimant leurs ressentis corporels, étudiant l’incarnation des intelligences et leur finitude.

Roz et Asha ne se connaissent pas, ne se rencontreront jamais. Quand Alex, l’IA du vaisseau de Roz vrille de manière inexplicable pour être remplacée par une autre, la connexion s’effectue. Cette séquence Aardtman, émergeant en silence des lignes du code d’urgence, leur permet d’entamer une conversation à distance.

Un roman innovant qui questionne notre humanité

L’humanité face à sa création sentiente

L’humanité a détruit quasiment toute la planète. Les bots sont nombreux, sont capables de développer des sentiments et des sensations. Ils sont presque identiques aux humains et ont obtenu l’autonomie. Quelques différences subsistent, comme ne pas avoir besoin de dormir, un rapport différent au corps… Nous suivons Asha, une bot trans qui a changé de corps. Philosophe en marge de la société, elle évolue dans la société avec son entourage : autres bots, humains… Une plongée dans son quotidien qui nous donne des informations sur comment ce monde s’articule, entre société à points, instabilité sociale et fragments de vie universitaire. Asha étudie la psyché bot et défend la liberté de ses semblables. Ce qui peut sembler étrange, comme la société compte de moins en moins d’humains. Comment en sommes-nous arriver là ? Plus loin dans l’univers, un équipage humain anarchique cherche à terraformer une planète. Nous suivons Roz, un homme trans en charge de s’occuper de l’IA du vaisseau, Alex. Il semble plus à l’aise en présence des membres non humains de son équipage.

Le récit s’apparente beaucoup à des tranches de vie traversées de moments de réflexions philosophiques. Ainsi, humains et bots semblent être unis par le même ennui, la même peur du vide. Pourtant, les conflits existent entre les deux groupes. Mais les questions que posent le roman sur l’altérité sont ainsi : n’y a-t-il pas plus de différences entre deux humains parfois, qu’entre un humain ou un bot ? C’est complexe à dire car l’histoire n’est pas centrée sur l’action ou sur un but particulier. En réalité, ce roman se rapproche de ce que peut écrire Becky Chambers : des questions sur notre vie face à l’autre, amenées avec subtilité, sur notre place dans l’univers. Roz a un point de vue intéressant, car il se retrouve loin de tout repère sur Terre, lancé dans une mission qui ne semble pas avoir de but. Comme la vie de bot d’Asha, qui pose la question de savoir si une vie reste une vie sans la mort à l’horizon. Ainsi, la question du corps se pose à plusieurs reprises, dans sa pluralité, à travers la question de la transidenté, mais aussi de la transformation du corps, ou de son incarnation.

Une narration éclatée

Le récit alterne de manière inégale entre les histoires de Roz et d’Asha. J’ai cependant trouvé dommage que leurs interactions commencent si tard dans le récit, ce qui rend le début assez compliqué à suivre et fait passer le résumé pour une fausse promesse. Cependant, leurs avis donnent naissance à des passages d’une grande beauté. Notamment dans leurs échanges. Par exemple, si Roz est difficile à percer dans un premier temps, j’ai beaucoup apprécié découvrir sa personnalité complexe. C’est l’un des points forts du roman : parvenir à créer des personnages tangibles et faillibles. Il y a un bon équilibre entre le côté morne et désespéré de ce futur et l’espoir qui naît des personnages, de leur entente, de la possibilité de construire des ponts même quand tout nous oppose.

Pendant le récit, il y a des passages qui ont lieu dans le passé. Ces flashback s’attachent à une personne en particulier qui a eu son rôle à jouer dans comment le monde a évolué. Comment l’algorithme qui caractérise les bots est-il né ? Comment leurs corps ont-ils été créés ? J’ai bien aimé ces moments, parfois suspendus, qui nous plongent dans une autre réalité, un autre moment suspendu. Ils nous permettent aussi d’en savoir plus sur le contexte de l’évolution humaine. Saul Pandelakis explore des personnages variés : militants, ingénieurs, golden boys richissimes… Il a un vrai talent pour construire des portraits convaincants rapidement, sans plonger trop dans l’introspection, sans jamais ennuyer le lecteur malgré les sauts dans le temps.

Le séquence Aardtman est un récit de SF distinct et intelligent

A la fois tranche de vie et philosophie, La séquence Aardtman nous plonge dans un futur crédible, un peu sombre, peuplé de bots indépendants dans un monde où chaque point compte. L’auteur construit des personnages crédibles à travers leurs doutes, leurs espoirs et leur évolution. Il y a des passages brillants et touchants. L’auteur joue sur une narration éclatée et jongle avec différents espaces du quotidien. Les passages sur le passé permettent de mettre en relief l’évolution du monde. Entre les points de vue de Roz et d’Asha, le lien se fait dans le côté vain de l’existence, sauf dans les relations que l’on tisse. Leurs interactions ont cependant lieu assez loin dans le récit, ce qui m’a surprise et désarçonnée.

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Catégories : Chroniques

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