Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke me tentait pour plusieurs raisons : un résumé intrigant, de la weird fiction francophone et la promesse d’une lecture un peu trash. Largement de quoi faire entrer ce roman dans la PAL et le ressortir rapidement. Qu’ai-je pensé de ce roman ?

Synopsis d’Aliène

Fauvel accepte de garder la chienne du père d’une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n’est pas un chien comme les autres, c’est le clone d’une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu’on découvre au matin des animaux massacrés, et qu’elle-même rentre parfois ensanglantée.

La vérité est dans la peur viscérale

Isolement, blessures du passé et clone

Aliène fait partie de ces récits difficilement classables. L’autrice place son récit en campagne, au milieu de nulle part, on ne sait à quelle époque si ce n’est que cela nous est très contemporain. Fauvel, jeune femme désabusée rendue borgne par un tir de LBD qui l’a traumatisée, s’isole pour garder une chienne adorée par son maître. Si notre protagoniste pensait échapper à la violence de la ville, ses espoirs vont vite fondre comme neige au soleil. La petite ville locale a son groupe de chasseurs machos. Certains sont persuadés d’avoir été enlevés par des extraterrestres. Hannah, la chienne, a la fugue facile et revient régulièrement ensanglantée. Des vestiges d’animaux sont retrouvés, couverts en partie d’une substance inconnue. Le roman nous fait naviguer dans les rivages douteux du fantastique. Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Fauvel se lance dans une étrange enquête pour démêler le vrai du faux.

Mais ce n’est pas tant cette enquête qui est le coeur du livre. Une bonne partie du roman pose la question de la violence et de la peur. Fauvel a été victime à de nombreuses reprises : victime de la police, victime de son beau-père… La peur la paralyse et la plonge dans une forme de neurasthénie. C’est là une des significations du titre : elle est aliénée par sa peur, enfermée dans une maison immense avec une chienne agressive pour seule compagnie. Hannah, le clone, terrifie le voisinage. Sa situation de clone cause également sa solitude. Fauvel et Hannah sont deux incomprises, complémentaires et opposées. C’est par ailleurs assez touchant de voir leur rapprochement au fil de l’histoire, montrant une forme de sororité au cours du texte, sororité face à une violence masculine. Il ya quelque chose de symbolique dans leur alliance face aux chasseurs machistes et paranos. Ce sous-texte, je l’ai globalement apprécié et je trouve que le texte joue intelligemment avec ces signes.

Voyages hallucinés et faiblesses de narration

J’ai cependant trouvé que le texte perdait parfois de son impact. Je m’attendais à un récit avec plus de malaise et d’étrangeté, mais beaucoup de passages laissent plus perplexes qu’autre chose. Ils se veulent choc mais ne parviennent pas à aller au bout de leur effet. Est-ce parce que j’ai lu bien plus étrange et dérangeant dans des romans d’horreur ou dans des romans fantastiques ? En tout cas, Aliène a de nombreuses scènes de drogue ainsi que des scènes de sexe qui n’apportent pas forcément grand chose. Cependant, j’ai trouvé que l’aspect dérangeant était plus présent dans les personnages, souvent difficiles à cerner, qu’ils soient alliés ou antagonistes de Fauvel. Ils donnent l’impression de flotter dans un coin du monde qui a sa propre logique, entre enlèvements extra-terrestres, usines d’eau suspectes et massacres d’animaux sauvages gratuits. Mais là où le roman a le plus pêché pour moi, c’est le manque de solitude de Fauvel, que l’on ne sent jamais vraiment en danger et m’a empéché d’être pleinement immergée dans l’histoire.

Les scènes un peu gore sont un peu plus efficaces, car elles semblent plus déplacées, incongrues, dans la calme campagne. Si la plume de Phoebe Hadjimarkos Clarke se perd parfois dans son propre lyrisme, j’ai apprécié son ton acéré et direct. L’écrivaine parvient à créer facilement des ambiances viscérales qui tiennent au coeur sur certaines parties du roman. Les scènes un peu gore sont un peu plus efficaces, car elles semblent plus déplacées, incongrues, dans la calme campagne. Si la plume de Phoebe Hadjimarkos Clarke se perd parfois dans son propre lyrisme, j’ai apprécié son ton acéré et direct. L’écrivaine parvient à créer facilement des ambiances viscérales qui tiennent au coeur sur certaines parties du roman. Il y a ainsi quelque chose d’à la fois crade et organique qui se construit, à traves des matières visqueuse, le brouillard humide et les sensations impossibles qui viennent donner un roman un aspect singulier malgré ses défauts.

Aliène est un roman prometteur mais qui ne va pas au bout de son propos

Aliène est un roman qui divise profondément. J’ai apprécié le potentiel de cette histoire, entre roman rural, analyse de la constance de la peur et de la violence masculine. La question de la sororité mais aussi de la marge de la société est bien abordée à travers Fauvel et Hannah, deux figures complexes et attachantes. L’autrice vogue volontiers dans le fantastique pur jus, apportant peux de réponses absolues, jouant avec les perceptions. Le roman aurait sans doute gagné à assumer ses choix, à basculer totalement dans l’étrangeté et le malaise. Les scènes choc ont quelque d’artificiel, de trop démonstratif, et nuisent à l’immersion. Pourtant, la plume de l’autrice raconte quelque chose et est capable, durant certains passages, de frapper juste. Mais trop d’éléments viennent parasiter les passages bruts, le weird manque d’intensité. C’est cependant un roman qui parvient à convaincre finalement et à accrocher son lecteur jusqu’au bout.

Catégories : Jeu Indé

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