Bienvenue sur ce point lecture de juin ! Le mois a été porté par le challenge Lisons le Wokistan du compte Instagram Les mots magiques. J’essaie de varier beaucoup mes lectures, j’ai simplement privilégié des livres que j’avais prévu cette année dans la thématique. La SF a fait son grand retour entre utopie, planet opera, ainsi que de la weird fiction et même du roman policier.

Tout pour tout le monde de M.E. O’Brien et Eman Abdelhadi

Tout pour tout le monde de M.E. O’Brien et Eman Abdelhadi

À quoi peut ressembler une révolution au XXIe siècle ?
Vingt ans après un bouleversement social mondial, deux historiennes interrogent les acteurs et actrices de ce changement. Du Bronx à la Chine continentale, du Midwest américain au Proche-Orient, douze voix abordent les années troubles, les moments d’espoir. Douze personnes ordinaires guidées par un seul principe : « Tout pour tout le monde ! »
Voici, à travers les mots de celles et ceux qui l’ont vécu, l’effondrement économique, les catastrophes climatiques, les révoltes populaires autant que la répression. Et puis, plus tard, le temps de la reconstruction et l’avènement de sociétés plus égalitaires, écologiques et coopératives.
Voici le récit d’un printemps qui vint reverdir le monde.

Tout pour le tout le monde est un roman qui invite à une réflexion poussée sur la société et ce que nous considérons comme normal et inaltérable. Le format d’entretiens permet d’explorer de nombreux aspects des nouvelles sociétés qui ont germé dans les cendres de la société capitaliste. Famille, écologie, travail… Chaque personne permet de révéler comment cette nouvelle organisation s’articule, mêlant la solidarité et l’individualité. Cependant, le style oral, bien qu’adapté, a parfois abouti à des moments où la parole sonnait peu naturelle, notamment dans les interjections, ce qui peut nuire au discours. De plus, l’aspect oral ne permet pas forcément d’entrer dans le détail et la globalité du fonctionnement de ces nouvelles communautés, ce qui m’a parfois laissé un sentiment de frustration.

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La séquence Aardtman de Saul Pandelakis

La séquence Aardtman de Saul Pandelakis

Dans ce monde futuriste, les humains ne sont plus que quelques millions sur terre et les bots, depuis les lois d’autonomie, sont privilégiés par la société grâce à un système de point. Parallèlement, pour découvrir l’univers, des vaisseaux explorent l’espace à la recherche de planètes à ensemencer.

Deux récits se succèdent. Celui qui raconte Roz, un homme transgenre qui se réveille à bord d’Ari-me, un vaisseau spatial autogéré. Son quotidien s’étire, il s’occupe des programmes et de l’IA qui les guide. Et celui d’Asha, une bot transgenre qui épouse la cause des bots, exprimant leurs ressentis corporels, étudiant l’incarnation des intelligences et leur finitude.

Roz et Asha ne se connaissent pas, ne se rencontreront jamais. Quand Alex, l’IA du vaisseau de Roz vrille de manière inexplicable pour être remplacée par une autre, la connexion s’effectue. Cette séquence Aardtman, émergeant en silence des lignes du code d’urgence, leur permet d’entamer une conversation à distance.

A la fois tranche de vie et philosophie, La séquence Aardtman nous plonge dans un futur crédible, un peu sombre, peuplé de bots indépendants dans un monde où chaque point compte. L’auteur construit des personnages crédibles à travers leurs doutes, leurs espoirs et leur évolution. Il y a des passages brillants et touchants. L’auteur joue sur une narration éclatée et jongle avec différents espaces du quotidien. Les passages sur le passé permettent de mettre en relief l’évolution du monde. Entre les points de vue de Roz et d’Asha, le lien se fait dans le côté vain de l’existence, sauf dans les relations que l’on tisse. Leurs interactions ont cependant lieu assez loin dans le récit, ce qui m’a surprise et désarçonnée.

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Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke

Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke

Fauvel accepte de garder la chienne du père d’une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n’est pas un chien comme les autres, c’est le clone d’une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu’on découvre au matin des animaux massacrés, et qu’elle-même rentre parfois ensanglantée.

Aliène est un roman qui divise profondément. J’ai apprécié le potentiel de cette histoire, entre roman rural, analyse de la constance de la peur et de la violence masculine. La question de la sororité mais aussi de la marge de la société est bien abordée à travers Fauvel et Hannah, deux figures complexes et attachantes. L’autrice vogue volontiers dans le fantastique pur jus, apportant peux de réponses absolues, jouant avec les perceptions. Le roman aurait sans doute gagné à assumer ses choix, à basculer totalement dans l’étrangeté et le malaise. Les scènes choc ont quelque d’artificiel, de trop démonstratif, et nuisent à l’immersion. Pourtant, la plume de l’autrice raconte quelque chose et est capable, durant certains passages, de frapper juste. Mais trop d’éléments viennent parasiter les passages bruts, le weird manque d’intensité. C’est cependant un roman qui parvient à convaincre finalement et à accrocher son lecteur jusqu’au bout.

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Le nom du monde est forêt d’Ursula Le Guin

Le nom du monde est forêt d’Ursula Le Guin

Davidson, le capitaine, sait ce qu’il a à faire. La Terre manque de bois ; Athshe, la planète-forêt, en fournit autant qu’il faut. Les créâtes, ces singes verts, abattent les arbres sous les ordres de Davidson. Athshe deviendra un vrai paradis et les créâtes n’en profiteront pas.
Le seul qui les protège, c’est Lyubov, ce crétin de spé. Il a sauvé l’un deux, Selver, qui renâclait parce qu’on avait tué sa femme. Un comble ! Et maintenant Selver et quelques autres ont fui dans la forêt ; ils sont un peu moins rêveurs ; ils deviennent violents, commes les umins. Mais le pire, c’est que la Terre entre dans la Ligue des Mondes et qu’il faut arrêter le massacre. Et Selver songe à se venger en chantant.

Ursula Le Guin frappe par son talent et sa sensibilité. Elle raconte le choc de deux cultures. Colonisation, esclavagisme, violence… Ce voyage spatial nous amène sur des rivages sombres que nous avons trop bien connus. L’autrice fait preuve d’une connaissance accrue des ressors psychologiques et anthropologiques de la recherche de domination d’une société sur une autre. Avec une approche polyphonique, le lecteur comprend les enjeux et les spécificités de chaque partie. Le tout jusqu’à la fin, douce-amère et tragique, qui pose la question de la diffusion irréversible de la violence et de ses impacts.

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Travail soigné de Pierre Lemaitre

Travail soigné de Pierre Lemaitre

Dès le premier meurtre, épouvantable et déroutant, Camille Verhoeven comprend que cette affaire ne ressemblera à aucune autre. Et il a raison. D’autres crimes se révèlent, horribles, gratuits…
La presse, le juge, le préfet se déchaînent bientôt contre la « méthode Verhoeven ». Policier atypique, le commandant Verhoeven ne craint pas les affaires hors normes, mais celle-ci va le laisser totalement seul face à un assassin qui semble avoir tout prévu. Jusque dans le moindre détail. Jusqu’à la vie même de Camille qui n’échappera pas au spectacle terrible que le tueur a pris tant de soin à organiser, dans les règles de l’art…

Premier roman de Pierre Lemaitre, l’auteur nous présente son enquêteur fétiche. Du moins une version de Camille Verhoeven. Car travail soigné abrite un retournement de situation qui ne manque pas d’originalité ! Nous avons affaire à un thriller efficace, gore ce qu’il faut. J’ai apprécié le rythme qui progresse par accrocs. On sent vraiment l’enquête qui piétine face à la violence, mais une violence précise et chirurgicale. Autre point d’intérêt : le roman est un bel hommage à la littérature policière.

Quel roman vous a captivé ce mois-ci ?

Catégories : Points lectures

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