Kallocaïne est un classique de la dystopie qui a été injustement oublié. L’auteure, déjà connue, s’est suicidée peu après la parution de l’ouvrage. Publié en 1940, où règne un contexte mondial tendu, le livre se fait l’écho des craintes de l’époque et dont la portée se poursuit aujourd’hui.

 

Synopsis de Kallocaïne

Fondé sur la surveillance des uns par les autres, la force de l’état mondial est d’avoir érigé la délation, acte civique. Aussi l’ingénieur Kall n’a-t-il aucun mal à se persuader que sa découverte — une drogue de vérité à laquelle il donne son nom — servira un état qui pourchasse sans pitié toute forme d’individualisme. Le viol cérébral qu’il commet sur Linda, son épouse, mettra le doute dans son esprit. Il fera siens aussi les secrets qu’accusés ou suspects soumis à interrogatoire délivrent avec sérénité, comme si, soudain délivrés de l’angoisse, ils retrouvaient leur âme. Contraintes de se libérer du silence, les consciences vont se défaire dans un tissu de révélations qui mettront en péril l’organisation de l’état.

 

Une dystopie dense et marquante

Leo Kall, scientifique, vit dans un État totalitaire où la paranoïa et la dénonciation dont des règles. Il crée un sérum capable de pousser les gens à révéler leurs secrets les plus profonds. Il offre donc à son gouvernement la possibilité de violer jusqu’à la dernière intimité des habitants, de briser définitivement toute forme de résistance.

La première question qui vient à l’esprit est comment n’importe qui serait capable de faire un acte aussi extrême et aussi évidemment néfaste ? le livre est écrit à la première personne et il s’agit du récit de Leo Kall lui-même. Au début, on se rend compte qu’il est totalement dédié à la cause de l’État mondial. Il manque de recul et d’esprit critique et représente tout ce dont il faut se méfier : il ne doute jamais vraiment et ne remet pas en question l’univers dans lequel il vit. Il est l’évidente victime d’un lavage de cerveau pernicieux et progressif.

On voit donc la situation du point de vue d’une personne qui est totalement dévouée à la cause, qui verra le manque de loyauté partout sauf en lui-même. Sa femme Linda. Son supérieur Rissen qui ne partage pas ses profondes convictions. Ses cobayes. Tous sont touchés par sa profonde méfiance. le personnage évolue cependant face aux rencontres qu’il fait et qui lui permettent de découvrir une autre façon de pensée. Ce changement est perceptible au fil de l’écriture. Au début, l’écriture est clinique et sans fioriture, traduisant aussi le côté scientifique de Kall que son aspect martial et respectueux des conventions. Mais petit à petit, il laisse de plus en plus à la rêverie et ses sentiments se font plus présents, plus envahissants. L’auteure parvient avec talent à montrer une évolution nette de son narrateur.

Le récit est aussi traversé de moments d’une grande poésie et d’une grande portée philosophique qui nous mettent face à notre place dans la société. Linda face à son rôle de mère, ces personnes qui sortent du carcan qui leur est imposé en fondant un ordre sans hiérarchie et sans insigne, Leo Kall qui évolue pour espérer l’existence d’une Cité où l’individu n’est pas annihilé face à l’intérêt du groupe, intérêt qui ne contente que quelques individus dans la population…

 

Un classique à ne pas manquer

Kallocaïne est un récit dense qui fait écho à des temps complexes. Mais le livre est également universel car il touche à l’essence de l’humanité à bien des égards, une humanité tiraillée entre besoin de sécurité et de conformisme, et une autre qui a besoin de liberté et d’espoir pour s’épanouir. Bien que court, le récit met en scène des personnages complexes à travers l’œil de son protagoniste, à la fois révoltant mais étrangement attachant. Car le parfait petit soldat que fut Leo Kall est un peu chacun d’entre nous.

Note : 18/20

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Catégories : Chroniques

5 commentaires

Sophie · 3 mai 2018 à 13 h 41 min

C’est un livre que j’avais vraiment beaucoup aimé. Une des premières dystopies, dont les réflexions et les implications ont une portée qui hélas a traversé les années.

    La Geekosophe · 3 mai 2018 à 20 h 26 min

    Une excellente lecture ! J’espère la faire découvrir à plein de monde 😀

Uranie · 4 mai 2018 à 18 h 25 min

C’est un livre que je vois passer depuis quelques jours. Il m’intrigue beaucoup. J’aime les livres un peu « oublié » car ils sont souvent de petits trésors 🙂

    La Geekosophe · 5 mai 2018 à 10 h 23 min

    Kallocaïne m’a été envoyé dans une box Kube quand je cherchais une dystopie pas très connue 😉 Les éditions Helios rééditent beaucoup de romans SFFF qui ont été délaissé au fil du temps. En plus les couvertures sont toujours très belles !

Mon vide-grenier livresque #27 – Lire à la folie · 30 mai 2018 à 6 h 33 min

[…] La geekosophe pense que c’est un classique à ne pas manquer. […]

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