Le cycle de Mithra avait attiré mon attention lors de l’écriture de mon article sur l’uchronie. Son contexte original, la magnifique réédition des éditions Mnémos et une proposition de lecture commune, les arguments étaient réunis pour que je me lance dans ce petit pavé. L’intégrale contient donc les deux romans du Diptyque ainsi que les nouvelles se situant dans le même univers. Qu’en ai-je pensé ?
Synopsis du Cycle de Mithra
VIIIe siècle après Jésus-Christ : le culte de Mithra est devenu la religion officielle de l’Empire romain, et les autres cultes, dont celui de la petite secte chrétienne, sont férocement réprimés. Mais les mécontents s’agitent : peuples germaniques en révolte, Armoricains jaloux de leur autonomie, tribus helvètes bien décidées à interdire l’accès à leurs montagnes…
À Vindossa jardin d’Éden protégé du monde extérieur Ygrène, une puissante magicienne, s’efforce de rassembler les ennemis de Rome. Il ne manque qu’une étincelle pour mettre le feu aux poudres, et elle viendra de Judith de Braffort, fille d’un noble armoricain, envoyée à Vindossa par un dieu assez mystérieux. À Rome pourtant, alors que les légions se mettent en marche pour écraser toute résistance, la vie continue, entre jeux du cirque et chasse aux hérétiques, complots politiques et menaces diverses.
Un cycle uchronique antiquisant
L’empreinte des Dieux
Un contexte riche et recherché
Le premier tome fut une très bonne surprise ! Le contexte choisi est d’une grande originalité, et la mise en bouche dans une Armorique attachée à ses traditions bien qu’elle appartienne à l’Empire Romain est une réussite. L’autrice montre rapidement qu’elle a effectué des recherches approfondis pour construire une histoire cohérente et immersive, car les descriptions sont riches, précises et évocatrices. De même pour la suite du roman, dont certaines parties évoquent la situation à Rome, qui dévoile des enjeux politiques et religieux vastes et complexes.
J’ai beaucoup apprécié le fait que le Mithraïsme rythme une bonne partie de l’existence de cet Empire Romain qui aura survécu aux invasions barbares. Ici, le culte présente de nombreux points communs avec le Christianisme, relégué au rôle d’une secte mineure et pourchassée. On se retrouve avec une religion ancrée dans le mystère et dont les dirigeants supportent de moins en moins la tolérance romaine en matière de cultes. Il y a donc les ingrédients pour aboutir à une histoire explosive !
Le cycle de Mithra offre de beaux portraits
La fantasy prend une place assez discrète, notamment au début du récit, et ne prend pas le pas sur le scénario ou les personnages. Ceux-ci sont d’ailleurs bien croqués. J’ai globalement apprécié le personnage de Judith, jeune fille un peu rebelle mais attachante, qui n’hésite pas à prendre des décisions difficiles pour le bien de sa famille et de son peuple. Je l’ai trouvée tout de même un peu lisse, car elle a finalement assez peu de défauts, hormis son obstination dont elle fait aussi une force. Même sensation avec Ygrène et Laran, aussi beaux que talentueux mais sans grande saveur.
Le reste de la galerie est bien mise avant. J’ai apprécié l’antagoniste, Frédérique, femme endeuillée qui se laisse consumée par la colère. Même si elle est un peu archétypale et souvent manichéenne, elle a le mérite d’offrir un contrepoids intéressant au côté celte, et son histoire offre un point de vue éclairant sur les événements. J’ai également beaucoup aimé le personnage de Julius, ce soldat talentueux et haut gradé, mais condamné à des postes subalternes et ingrats à cause de son lien familial avec le paranoïaque empereur romain.
Quant à l’histoire, elle est claire et menée avec efficacité, malgré des choix narratifs surprenants (changement de points de focalisation…). Le style de Rachel Tanner est direct et efficace, avec un vrai talent pour les descriptions des conflits et des batailles. Ces dernières sont particulièrement immersives, et offrent des tableaux qui oscillent entre horreur des blessures et héroïsme épique.
Le Glaive de Mithra
Une ambiance plus torturée
Pour le deuxième roman, passer du premier tome à celui-ci est assez déstabilisant. Nous sommes quelques années et les liens entre les deux sont assez ténus, or la présence de Judith. Dans le glaive de Mithra, nous sommes à Rome et ce point de vue centré sur la ville éternelle apporte de nouveaux éléments de contexte à un univers déjà riche.
Le ton se fait beaucoup plus sombre avec des aspects plus sanglants : La peste arrive et commence ses ravages, une sombre secte agit dans l’ombre des catacombes et le peuple de Rome se repaît des jeux brutaux dans le Cirque. J’ai beaucoup apprécié ces détails de la vie Romaine, une ville de tous les excès où les immensément riches contemplent les quartiers pauvres du haut des collines, où la prostitution côtoie les riches banquets… C’est une fois de plus un contexte qui bénéficie du travail de recherche. de Rachel Tanner.
Toujours cette plume immersive malgré quelques défauts
La plume de cette dernière est d’ailleurs très efficace une fois de plus dans les scènes dramatiques et les scènes de combat. Elle parvient à donner une intensité accrue à ces dernières, qui sont réellement les meilleurs moments du roman.
Les personnages sont une fois de plus bien décrits, peut-être même avec plus de subtilité que dans le premier tome. Ce récit est moins manichéen dans la construction des personnages, et brossent au contraire des portraits complexes et humains, comme celui de Crispus, l’Empereur, partagé entre justice et besoins de l’Etat. Les rôles secondaires sont particulièrement réussies, et avec surprise, j’ai adoré la femme de l’Empereur.
Le bémol vient à mes yeux de la partie scénaristique. L’histoire est moins maîtrisée, dans le sens où il y a parfois des coïncidences un peu trop grosses qui relient les différents fils conducteurs. Ce qui donne parfois l’impression de faire face à des facilités. J’aurais préféré que les histoires des différents protagonistes s’enchâssent avec plus de naturel. De la même façon, la poursuite du médaillon, sans doute car étrangement introduite, apparaît comme un McGuffin trop évident qui fragilise l’ensemble de la construction du déroulé du roman.
Le cycle de Mithra est une oeuvre forte et marquante
Mais ce n’est qu’un petit défaut ! L’intégrale est en tout cas une excellente découverte de ces œuvres bien maîtrisées. Entre contexte fascinant, personnages variés et bien construits ainsi qu’une plume immersive et dynamique, le cycle de Mithra est une uchronie marquante ! La lecture bénéficie d’un contexte riche et de recherches approfondies qui apportent une vraie cohérence à l’ensemble et aboutissent à un travail exceptionnel. Il n’y a aucun doute que les amateurs de culture celtique et de récits antiques trouveront leur compte et même plus !
J’ai lu cette intégrale aux côtés de la délicieuse Choupaille Lit, vous pouvez trouver son avis sur son blog.
Note : 16/20
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2 commentaires
Claude · 30 novembre 2019 à 11 h 30 min
Très belle découverte que votre agréable blog littéraire !
Votre critique m’a décidée à me plonger dans ce cycle qui me faisait de l’oeil chaque fois que je passais devant dans ma librairie fétiche… Merci !
J’en profite pour vous demander à tout hasard si vous auriez lu France Intacte de Tony Roger-Cerez ? Un post-apo à la française qui vient de sortir et m’intéresserait bien, une critique me déciderait !
Bien à vous, continuez votre beau travail.
La Geekosophe · 30 novembre 2019 à 19 h 54 min
Je ne connaissais pas Le Cycle de Mithra, je suis contente de l’avoir lu 🙂
Non, je n’ai pas lu France Intacte et je ne connais pas du tout.