J’avais depuis longtemps envie de lire Beloved ! J’avais lu L’œil le plus bleu de Toni Morrison, un premier roman frappant aux thèmes difficiles. Beloved a été mille fois récompensé, et son résumé qui fleure le fantastique m’avait donné envie de découvrir plus en avant l’œuvre de l’autrice.

Synopsis de Beloved

Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l’Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures.

L’histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l’une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meubles volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s’alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l’empreinte inquiétante d’une petite main de bébé.

Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d’amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d’être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n’ont jamais cessé d’être hantés par la petite fille.

L’arrivée d’une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d’un infanticide tragique, l’occasion d’exorciser son passé.

Un lecture d’une grande dureté mais déchirante

Toni Morrison a un talent immense

Dans un premier temps, je vous déconseille ce roman si vous êtes dans une période de fragilité. Toni Morrison n’est pas le genre d’autrice qui ménage ses lecteurs, au contraire. Elle reprend ici les thèmes qui font les fondement de son œuvre : racisme, violence, cruauté, esclavage… L’autrice a une manière très viscérale et directe dans son écriture qui nous plonge immédiatement dans ce monde qui ne semble plongé que dans le désespoir et le sang. Si Sethe a échappé physiquement à l’esclavage avec ses enfants, elle continue à être hanté par ce passé tenace dont l’ampleur de la cruauté ne se révèle qu’au fil des pages.

L’autrice a une plume précise, qui allie poésie, richesse et cruauté avec une grande élégance et une grande dureté. Elle nous immerge totalement dans un contexte historique spécifique : un XIXe siècle marqué par la violence de l’esclavage, où les noirs asservis tentent de fuir vers les états libres en tentant d’échapper aux chasseurs d’esclaves.

Un roman exigeant de par sa narration

En effet, Toni Morrison ne facilite pas la lecture. Elle choisit une construction complexe, par analepses, c’est-à-dire retours dans le passé, qui implique que nous n’ayons pas toutes les clés des événements. Les personnages font donc souvent des références à leur passé sans détailler leur contexte, ce nous laisse avec beaucoup de questions. Ils évoqueront un point saillant qui est responsable de leur traumatisme, une idée obsessionnelle qui, hors contexte, ne semble pas rationnelle.

Mais en persévérant, le passé dramatique de Sethe se construit. Il se reconstruit à travers les regards croisés des différents personnages qui à travers leurs questions et leurs souvenirs, éclairent les zones d’ombre. Que ce soit grâce à Paul D. , qui était dans la même plantation que Sethe, le Bon-Abri, la fille de Sethe, Denver, et la mystérieuse Beloved. Tous ces éléments font du roman une récit qui aborde la complexité de la mémoire, en particulier de la pérennité du poids du traumatisme, de la culpabilité et de la violence à travers le temps et qui hante en continu.

Beloved est exigeant de par ses thèmes

Le thème de la hantise des souvenirs est prégnant. La maison de Sethe est hantée par le fantôme de l’enfant qu’elle a tué pour lui éviter une vie d’esclavage. La fille de Sethe finit par revenir littéralement sous la forme de Beloved, créant un liant malsain avec sa mère et lui prenant littéralement la vie petit à petit, faisant un parallèle intéressant avec une créature vampirique, mais aussi avec une forme destructrice de dépression. C’est ainsi un livre qui traite de maladie mentale et de solitude, ainsi que de la nécessité d’exorciser son passé malgré la douleur qui peut en naître. Il y a ainsi de nombreuses occurrences de l’importance de la spiritualité et du chant dans l’acte de purification.

Ensuite, la violence est également très présente, notamment à travers les références à l’animalité. Paul D et Sethe évoquent à demi-mots puis de manière frontale leur calvaire au bon-abri. L’animalité est évoquée par le biais d’éléments comme un dialogue marquant autour du mors, du mors que les propriétaires blancs faisaient porter aux esclaves et qui leur laissaient un sourire faux et douloureux. Toni Morrison n’épargne pas le détail dans son écriture, le roman laisse une marque sombre après la lecture. Mais le roman parle aussi de communauté et d’entraide, puisque Sethe et sa fille, Denver, s’isolent du reste du monde et que c’est seulement quand des personnages hors du cercle familial comme Paul D ou Payé Acquitté parviennent à atteindre la maison que le passé semble perdre de son emprise sur les deux femmes.

Beloved est une lecture qui vous hantera

Beloved fait partie de ses romans qui marquent mais dont il est difficile de dire qu’on l’a aimé. Ses thèmes difficiles, sa dureté dans les descriptions, sa narration complexe comme son écriture élégante en font une œuvre indispensable. La portée tragique du roman, à travers son aspect familial tout comme comme son aspect global, est parfaitement maîtrisée et nous offre un drame sombre et gothique qui touche aux tourments les plus profonds de l’âme humaine. C’est un livre sur le poids de la mémoire, et de la façon dont le passé vient hanter le présent, comme s’il ne disparaissait pas totalement.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

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