Un souvenir nommé Empire avait éveillé mon intérêt car l’autrice s’est inspirée de sa dissertation de fin d’étude pour rédiger son récit de science-fiction. Ensuite, je trouvais que l’histoire et l’univers avaient l’air plutôt originaux : des complots politiques dans un Empire intergalactique. On y va ?
Synopsis d’Un souvenir nommé Empire
Yskandr, l’ambassadeur de Lsel en poste dans la capitale de l’Empire teixcalaanli, est mort. Sa remplaçante, la jeune Mahit Dzmare, part avec un handicap : la puce mémorielle censée lui fournir tous les souvenirs de son prédécesseur est défectueuse, la laissant démunie face à une société complexe dont elle a du mal à appréhender les codes. Elle peut cependant compter sur l’aide de Trois Posidonie, sa chargée de liaison pleine de ressources, pour la guider parmi les intrigues et les chausse-trappes de la politique teixcalaanlie. Mais plusieurs questions demeurent : qui a tué Yskandr, et pourquoi ? Risque-t-elle de subir le même sort ?
Un récit avec du potentiel mais qui manque de finitions
Une histoire avant tout sur la culture
Je parle de culture au sens anthropologique du terme, à savoir l’Ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines. Je pense qu’il faut avoir conscience de cet état de fait pour entamer ce roman et comprendre certains partis pris de l’autrice. En effet, l’histoire est centrée sur Mahit, qui débarque d’une lointaine station interstellaire pour découvrir les us et coutumes du centre politique d’un vaste empire qui a annexé de multiples planètes. Ce parti est aussi intrigant que prometteur et se concentre sur les différences culturelles entre un personnage central catapulté dans un monde qui lui est étranger et hostile. dans ce cadre, l’autrice offre une certaine précision sur les spécifités culturelles qui animent son monde.
Il y a notamment certaines insistances sur le langage des Teixcalaalni (là j’ai dû m’y reprendre à trois reprises pour l’écrire correctement), qui est très spécifique en termes de temps et de déclinaisons. Il est assez complexe pour que Mahit fasse quelques remarques dessus quand elle rédige des messages. Ensuite, ce peuple a une relation très particulière avec la poésie, qui sert de moyen de communication, de chiffrage autant que d’art ou de jeu. L’autrice démontre avec ces aspects que l’Empire a une culture d’une sophistication, érudition même, là où celle de Mahit est plus pragmatique et directe. Mais ces mêmes aspects sont parfois maladroits. Les noms sont ainsi assez… particuliers, composés d’un nombre ou d’un chiffre, parfois suivi d’un nom naturel. Il y a donc Trois Posidonie, Douze Azalée, Dix Perle… Où on se dit pourquoi pas, c’est poétique. Mais quand on passe aux éléments non naturels et qu’on se retrouve face à Six Hélicoptère ou Dix Moteur, disons qu’il est plus difficile de leur accorder de la crédibilité.
De surprenantes maladresses
J’ai sûrement oublié de préciser qu' »un souvenir nommé Empire » avait remporté un prix prestigieux : le Prix Hugo. Ce qui m’a un peu surprise car j’ai trouvé qu’il y a avait quelques maladresses qui auraient mérité d’être corrigées. Par exemple, j’ai évoqué au passage précédent que Mahit avait parfois du mal avec l’extrême subtilité du langage Teixcalaani. Mais il me semble tout de même surprenant qu’elle soit ambassadrice. Certes, elle est censée avoir reçu la mémoire et une partie de la personnalité de son prédécesseur grâce à une technologie spécifique à la station qui lui aurait permis de bénéficier d’une grande expérience sans l’avoir vécue, il semble peu probable qu’un ambassadeur ne soit pas plus expérimenté et entraîné à naviguer dans une culture extérieure. Mahit semble parfois naïve, ce qui n’est pas amélioré par une tendance de l’auteur à sur-expliquer.
En effet, nous sommes dans un roman proche d’une intrigue de cours, qui est censé mettre en place des intrigues complexes entre des personnages de pouvoir. Du coup, l’autrice est parfois très prodigue quand il s’agit d’expliquer certains retournements de situation. Il y a certains passages assez lourds ou des répétitions qui allongent une lecture qui aurait gagné en rythme en réduisant un peu certaines parties. Par exemple, Mahit se plaint à de nombreuses reprises de sa technologie Imago qui ne lui donne pas accès à la mémoire d’Yksandr, ce qui lui aurait été fort utile. Et quand j’écris à de nombreuses reprises, c’est que c’est arrivé deux fois à trois pages d’intervalle. Le reste du style est assez direct et efficace mais avec peu de moments vraiment marquants.
Un univers intéressant mais jamais totalement exploité
J’apprécie beaucoup certains des éléments que l’autrice met en place. L’Empire qu’elle décrit semble beaucoup s’inspirer des empires aztèques de par les noms et l’apparence des autochtones. L’atmosphère de danger de la cours est assez bien retranscrite et j’aime l’idée que cela se passe dans un univers de space opera. L’idée de faire voyager un personnage dans un milieu inconnu n’est pas nouvelle mais est tout de même bien décrite et bien exploitée se lit bien. Il y a un vrai effort dans la description d’une technologie originale, comme les imagos évoqués plus tôt ou le fait que la Cité soit contrôlée par une IA gérant l’ensemble des problèmes du quotidien.
Mais le principal souci est que la plupart de ces éléments ne sont jamais réellement approfondis. On en sait finalement assez peu sur l’Empire et ses possessions, ses relations avec les autres entités sont évoquées rapidement. Cela aurait pu donner un aspect de huis-clos angoissant, mais ce n’est jamais vraiment le cas. L’IA de la cité intervient une ou deux fois. Les intrigues de cour sont bien loin d’un Game of Thrones, la faute à des personnages un peu falots et un manque d’enjeux d’ampleur. Tout est trop centré sur Mahit, qui finalement n’offre qu’un point de vue trop étriqué. Dommage, car Yksandr aurait pu être, paradoxalement, un protagoniste plus agréable à suivre.
Jamais vraiment désagréable mais pas indispensable
Même si la critique semble tiède, j’ai tout de même passé un assez bon moment pour lire jusqu’au bout. Dommage que la qualité globale soit assez bancale. Beaucoup d’idées intéressantes sont mises en place, avec tout un propos autour de la culture, du langage et de l’altérité construits avec une vraie connaissance des mécanismes de domination induits (même si parfois peu subtilement amené). Il y a cependant une impression de survoler des éléments de contexte et d’intrigue qui m’ont un peu déconnectés par moments, notamment un manque d’approfondissement qui réduisent l’implication lors de la lecture.
Note : 13/20
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2 commentaires
Lianne - De livres en livres · 8 avril 2021 à 13 h 17 min
Je pense que tout le monde semble oublier que le territoire d’ou vient Mahit est composé de très nombreuses micro stations du genre entités familiales qui à elles entières ne comptent pas plus de 30k habitants répartis sur plusieurs planètes et autres zones d’exploitation minières.
Du coup il n’est pas étonnant que le nombre de personnes susceptibles d’être ambassadeur soit extrêmement réduit. Sans parler du manque de ressource pour former ledit ambassadeur, surtout si on sait que l’imago remplace la mémoire et que normalement la personne n’aura pas besoin d’étudier par elle même, celui ci lui donnant tout ce qu’elle désire savoir.
Personnellement ça ne m’étais pas choqué, il suffit de voir l'(in)efficacité de certains maires de petites villes de province (parce que même si ce n’est pas dit ça m’étonnerais que la « capitale » ai plus de quelques centaines de personnes dedans) pour se rendre compte que dans ce genre de population réduite on fait avec ce qu’on a et que déjà trouver une personne motivée pour y aller est déjà bien xD
La Geekosophe · 9 avril 2021 à 21 h 38 min
J’ai bien compris cet aspect de l’histoire, mais Mahit reste un peu trop passive pendant une grande partie des événements à mon goût (mais peut-être que je suis un peu dure envers cette brave Mahit, j’ai bien aimé la suivre malgré cela X) ) . Je trouve qu’on tombe trop dans le cliché du personnage nouveau auquel on doit tout expliquer pour cacher une exposition un peu maladroite.