Le mois de mars se termine et le temps est venu de faire le point ! Comment s’est passé votre mois ? Vous avez eu de belles lectures ? Pour ma part, j’ai lu beaucoup de romans très variés, entre le fantastique, la fantasy historique, le thriller… Et j’ai même eu deux coups de cœur. Prêts à les découvrir ?
STALKER de Boris et Arkadi Strougatski
Des Visiteurs sont venus sur terre. Sortis d’on ne sait où, ils sont repartis sans crier gare. Dans la Zone qu’ils ont occupée pendant des années sans jamais correspondre avec les hommes, ils ont abandonné des objets de toutes sortes. Objets-pièges. Objets-bombes. Objets-miracles. Objets que les stalkers viennent piller au risque de leur vie, comme une bande de fourmis coloniserait sans rien y comprendre les détritus abandonnés par des pique-niqueurs au bord d’un chemin.
OVNI littéraire, Stalker est définitivement un classique étrange et inventif. Reposant sur un concept curieux, il nous offre la vision de personnages happés dans une quête dangereuses pour tenter d’avoir une vie meilleure, mais aussi dans la profonde solitude de ceux qui restent dans des zones ravagées. Comme La Zone, indéfinie, indescriptible, mais aux effets aussi aléatoires que délétères. La lecture est cependant rendue ardue par une opacité volontaire dans les dialogues ou dans la réalité de la Zone. Il y a donc des passages un peu obscurs qui cassent le rythme. De même, on est un peu laissé sur notre faim arrivé au bout.
Enfants de la terre et du ciel de Guy Gavriel Kay
Ils sont quatre, et font route vers Dubrava et Asharias, comme jadis on faisait « voile vers Sarance »…
Péro Villani, jeune peintre de Séressa, a accepté de réaliser le portrait du Grand Calife. Il devra donc se rendre au cœur de l’empire ennemi et pénétrer dans les appartements de Gurçu le Ravageur. Il sait pourtant que personne n’y est admis et que le seul fait d’y ouvrir la bouche pourrait lui valoir la mort. Léonora Valéri a reçu elle aussi une proposition alléchante : enfermée dans un couvent par son père en raison d’une grossesse « inadéquate », elle recouvrera sa liberté si elle espionne pour le compte de la république de Séressa. Quant à Marin Djivo, issu d’une riche famille marchande de Dubrava, il a reçu le mandat d’escorter le peintre et Léonora.
Or, le vaisseau qui les amène de l’autre côté de la mer Séressinienne est abordé par un groupe de raiders senjan au sein duquel se trouve Danica Gradek, dont le destin se liera à celui du trio après la mort du médecin qui servait de couverture à Léonora, et une tentative de meurtre qui, cette fois, vise Marin.
Ils sont quatre, et aucun d’eux ne sait encore que leur quête personnelle changera à jamais le futur de tous les enfants de la Terre et du Ciel…
Je ne suis pas déçue de ma plongée dans les affres politiques d’Enfants de la terre et du ciel ! En se concentrant sur le destin de quelques figures qui n’ont pas de pouvoir, Guy Gavriel Kay nous livre un roman émouvant et délicat qui nous conte la fin des empires du point de vue des gens du commun. Ainsi, nous suivons un groupe de personnages qui poursuivent des objectifs personnels, mais qui essuient des revers ou au contraire encouragés par les bouleversements politiques et culturels de l’époque. Ce point de vue permet de donner au récit une teinte profondément humaniste, notamment dans les échanges entre les puissants et ces derniers. Le seul bémol à signaler vient d’un rythme que j’ai trouvé parfois haché.
Car je suis légion de Xavier Mauméjean
― 585 av. J.-C.
Sarban n’est qu’un enfant lorsqu’il quitte la ferme familiale pour rejoindre l’immense cité de Babylone. Il y entame son noviciat dans le fameux ordre des accusateurs, chargé de faire respecter la loi. Quinze ans plus tard, devenu un membre estimé et redouté de cet ordre, Sarban va être confronté à la plus extraordinaire enquête de sa carrière.
De funestes présages annoncent l’épuisement des dieux. Les hommes doivent verser leur sang. Alors le temps et la loi suspendent leur cours et, les habitants de Babylone s’enfoncent dans la folie. Le chaos s’installe dans la mère de toutes les villes. Crimes, viols, pillages… tout devient permis. Dans la fureur générale, Sarban est témoin d’un meurtre étrange qui semble avoir été commandité avant l’irruption de ces temps troublés…
Des Jardins suspendus à la tour de Babel, malgré la haine des hommes et la colère des dieux, l’accusateur décide de mener l’enquête. Pour le pire.
J’ai beaucoup apprécié le contexte. Je suis fascinée par la mythologie mésopotamienne. Le roman allie enquête, mythes et histoire, ce qui est rarement vu. J’ai beaucoup apprécié en apprendre plus sur les accusateurs ainsi que sur le système de justice et d’enquête. Les éléments mythologiques s’imbriquent bien bien dans le roman. J’ai cependant moins accroché au style de l’auteur, mais aussi à l’enchaînement des événements que j’ai trouvé parfois confus. Cela nuit à l’aspect enquête qui où j’ai plusieurs fois été un peu perdue.
Sacra, parfums d’Isenne et d’ailleurs de Léa Silhol
Ex-stasis… L’extase… l’ivresse, le ravissement, l’intoxication d’un instant ou d’une ère… Encapsulée dans le rituel, la forme, et les parfums du monde… Dans les sens… dans l’encens… Au travers d’une boîte de palissandre que les écrivains se transmettent secrètement depuis des siècles des calligraphies du roi des Djinn, même sur un parchemin frauduleux, et de la dialectique des céramistes Satsuma dans le salon de Klimt des bouquets de fleurs blanches envoyées par un père à sa fille, et des visages du Green Man dans des bois interdits des voiles des navires qui filent vers le port, enflées par les chants des passagers, et de la voix de tous ceux que – aimés jadis – nous pensions avoir perdus pour toujours. D’un bout à l’autre des horizons et hors des cartes, sur le fil d’une errance rythmée du pas des voyageurs inlassables, et des esprits affamés de splendeur, les traces des mortels et immortels se doublent, se croisent, se frôlent. Au centre du compas, la cité légendaire d’Isenne, carrefour hybride entre l’Orient et l’Occident, hantée de fantômes, de rumeurs, de contes et de codes ; dépliant ses mystères autour du Labyrinthe des verriers. Marché gobelin où l’art et la démesure s’échangent, s’offrent, s’achètent et se perdent, entre les ombres vibrantes d’Irshem et les esquisses de Venise.
C’est mon premier coup de cœur de l’année ! J’ai cru qu’il ne viendrait jamais. Vous aimez la poésie, les univers d’une grande sensibilité et le format nouvelle ? Sacra, parfums d’Isenne et d’ailleurs de Léa Silhol est une œuvre aussi distincte qu’hypnotique. L’autrice a un style travaillé, jamais lourd, mais toujours dans le mystère et la délicatesse. Le livre transpire une sensibilité communicative et un sens profond du symbole. Le recueil nous entraîne dans des univers fantastiques qui lorgnent du côté de l’art et de l’artisanat, avec une influence très mythologique et historique. L’autrice pose la question du processus créatif, de l’art et de la magie dans le quotidien, et comment les trois s’intriquent pour influencer les destins. S’il y a une nouvelle à laquelle je n’ai pas accrochée, pour le reste, j’ai trouvé les écrits immersifs et singuliers.
Le Jardin de Hye-Young Pyun
Oghi, paralysé après un accident de voiture ayant causé la mort de sa femme, se retrouve enfermé chez lui sous la tutelle d’une belle-mère étrange. Cette dernière s’obstine à creuser un immense trou dans le jardin entretenu autrefois par sa fille, afin, dit-elle, de terminer ce qu’elle avait commencé.
A la fois thriller domestique, étude de caractère et huis-clos, Le Jardin est un court et intrigant récit. On nous emmène dans l’esprit d’Oghi, un homme à première vue banal et moyen. Cependant, les indices s’écoule sur qu’il est en réalité lorsqu’il devient un malade complètement dépendant de sa belle-mère. Isolé, personne ne semble vouloir l’aider alors que sa « gardienne » a un comportement de plus en plus étrange. Car Oghi ne semble pas être aussi innocent qu’il l’imagine… Hye-Young Pyun construit un récit étouffant avec une grande finesse psychologique. Si au début, on a pitié du pauvre Oghi, on finit par se demander si au fond, il n’est pas en partie responsable de sa situation. La fin, assez ouverte, pourra décontenancer les lecteurs qui s’attendaient à un thriller plus classique.
Le temps fut de Ian McDonald
Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d’un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s’avère vite d’une qualité littéraire au mieux médiocre… En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c’est la lettre manuscrite qu’il découvre glissée entre les pages de l’ouvrage. Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d’une lettre d’amour qu’un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre – et vieux papiers – afin d’identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques. Or, la date présumée des photos et l’âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas..
Le temps fut est un court roman qui ne semble pas spécialement original au premier coup d’oeil. La fin est assez prévisible. Mais j’ai apprécié suivre les péripéties d’Emmett, en quête de mystérieux voyageurs temporels. L’Angleterre rurale crée une ambiance très spécifique et sympathique, avec sa foule de personnalités hautes en couleurs. Le rythme est plutôt bien mené. Le point fort de cette courte lecture est sans doute les personnages, variés et attachants.
Only Ever Yours de Louise O’Neill
eves are designed, not made.
The School trains them to be pretty
The School trains them to be good.
The School trains them to Always be Willing.
All their lives, the eves have been waiting. Now, they are ready for the outside world.
companion . . . concubine . . . or chastity
Only the best will be chosen.
And only the Men decide.
Louise O’Neill est une autrice irlandaise qui est encore trop peu traduite. Du coup, si vous lisez en anglais et que vous aimez les dystopies féministes glaçantes, c’est pour vous ! Nous sommes dans un univers où les femmes naissent de manière artificielle et sont élevées pour être de parfaites poupées. Surveillés pour leur poids, leur tenue, illettrées et en constante compétition, les « Eves » sont conditionnées pour vivre une existence de soumission totale pour être mariée, pour les plus belles et les plus conformes, aux fils des dignitaires. L’autrice aborde la question de la distinction, de la liberté, mais aussi des problèmes de troubles de comportement alimentaire avec lucidité et cruauté. Avec ce premier roman, Louise O’Neill dessine déjà son intérêt pour les héroïnes ambigües, la place de la femme face aux injonctions sociales et les histoires presque tragiques.
Quelle est votre lecture préférée du mois ?
3 commentaires
Shaya · 3 avril 2022 à 18 h 44 min
Chouette mois, et hourra au coup de coeur ! Je t’en souhaite d’autres pour avril 🙂
La Geekosophe · 9 avril 2022 à 0 h 23 min
Avril est pour l’instant très bon aussi !
Challenge de l’Imaginaire 10 : le suivi – Ma Lecturothèque · 17 août 2022 à 9 h 01 min
[…] ciel, Guy Gavriel Kay 9. STALKER : pique-nique au bord du chemin, Boris et Arkadi Strougatski 10. Car je suis légion, Xavier Mauméjean 11. Sacra : Parfums d’Isenne et d’Ailleurs, tome 1 : Aucun coeur […]