Il est là, le tant attendu article sur les coups de cœur de 2022 ! L’année a été rythmée par beaucoup de bonnes lectures, mais assez peu de livres ont finalement réussi à me marquer de manière durable, contrairement à mon parcours côté séries. Finalement, cinq œuvres font la liste pour 2022 et je suis assez contente du résultat : des récits variés et venant de différents pays, chacun avec sa propre personnalité et sa propre puissance narrative.

Sacra : Parfums d’Isenne et d’Ailleurs, tome 1 : Aucun cœur inhumain de Léa Silhol

Sacra parfums d'isenne et d'ailleurs

Ex-stasis… L’extase… l’ivresse, le ravissement, l’intoxication d’un instant ou d’une ère… Encapsulée dans le rituel, la forme, et les parfums du monde… Dans les sens… dans l’encens… Au travers d’une boîte de palissandre que les écrivains se transmettent secrètement depuis des siècles des calligraphies du roi des Djinn, même sur un parchemin frauduleux, et de la dialectique des céramistes Satsuma dans le salon de Klimt des bouquets de fleurs blanches envoyées par un père à sa fille, et des visages du Green Man dans des bois interdits des voiles des navires qui filent vers le port, enflées par les chants des passagers, et de la voix de tous ceux que – aimés jadis – nous pensions avoir perdus pour toujours. D’un bout à l’autre des horizons et hors des cartes, sur le fil d’une errance rythmée du pas des voyageurs inlassables, et des esprits affamés de splendeur, les traces des mortels et immortels se doublent, se croisent, se frôlent. Au centre du compas, la cité légendaire d’Isenne, carrefour hybride entre l’Orient et l’Occident, hantée de fantômes, de rumeurs, de contes et de codes ; dépliant ses mystères autour du Labyrinthe des verriers. Marché gobelin où l’art et la démesure s’échangent, s’offrent, s’achètent et se perdent, entre les ombres vibrantes d’Irshem et les esquisses de Venise.

C’était mon premier coup de cœur de l’année ! J’avais cru qu’il ne viendrait jamais. Vous aimez la poésie, les univers d’une grande sensibilité et le format nouvelle ? Sacra, parfums d’Isenne et d’ailleurs de Léa Silhol est une œuvre aussi distincte qu’hypnotique. L’autrice a un style travaillé, jamais lourd, mais toujours dans le mystère et la délicatesse. Le livre transpire une sensibilité communicative et un sens profond du symbole. Le recueil nous entraîne dans des univers fantastiques qui lorgnent du côté de l’art et de l’artisanat, avec une influence très mythologique et historique. L’autrice pose la question du processus créatif, de l’art et de la magie dans le quotidien, et comment les trois s’intriquent pour influencer les destins. S’il y a une nouvelle à laquelle je n’ai pas accrochée, pour le reste, j’ai trouvé les écrits immersifs et singuliers.

Only Ever Yours de Louise O’Neill

Only Ever yours de Louise O'Neill

eves are designed, not made.
The School trains them to be pretty
The School trains them to be good.
The School trains them to Always be Willing.

All their lives, the eves have been waiting. Now, they are ready for the outside world.
companion . . . concubine . . . or chastity
Only the best will be chosen.
And only the Men decide.

Louise O’Neill est une autrice irlandaise qui est encore trop peu traduite. Du coup, si vous lisez en anglais et que vous aimez les dystopies féministes glaçantes, c’est pour vous ! Nous sommes dans un univers où les femmes naissent de manière artificielle et sont élevées pour être de parfaites poupées. Surveillés pour leur poids, leur tenue, illettrées et en constante compétition, les « Eves » sont conditionnées pour vivre une existence de soumission totale pour être mariée, pour les plus belles et les plus conformes, aux fils des dignitaires. L’autrice aborde la question de la distinction, de la liberté, mais aussi des problèmes de troubles de comportement alimentaire avec lucidité et cruauté. Avec ce premier roman, Louise O’Neill dessine déjà son intérêt pour les héroïnes ambigües, la place de la femme face aux injonctions sociales et les histoires presque tragiques.

Dune, tome 1 de Frank Herbert

Dune de Frank Herbert

Voici l’épopée prodigieuse de Paul Atréides, connu comme prophète sous le nom de Paul Muad’Dib, seigneur d’Arrakis et empereur appelé à devenir le messie de Dune.
Avec le cycle de Dune, Frank Herbert a brossé une fresque immense, digne, par l’intensité dramatique et le foisonnement des personnages, des plus grands chefs-d’oeuvre du roman historique classique.
On y perçoit aussi le bruit et la fureur des drames shakespeariens. Mais cette fresque ne se situe pas dans le passé. Elle se déploie dans l’avenir. Un avenir où les hommes naviguent entre les étoiles et peuplent un milliard de mondes. Parmi ces mondes, Dune, planète désertique où l’eau est plus précieuse que l’or et pour laquelle se battent les deux grandes familles des Atréides et des Harkonnen.
Car Dune produit l’Épice, drogue miracle, source de longévité et de prescience.

Riche, ésotérique et distinctif, Dune nous entraîne dans un univers dépaysant. Même si l’histoire se concentre sur Arrakis, on sent la vastitude du monde créé à travers les inspirations. Dune contient des références multiples : tragédie antique, empires romain et ottoman, monde arabe… Mais Arrakis elle-même est un environnement fascinant ! Herbert met en place qui un monde qui obéit à ses propres règles, avec son propre vocabulaire et ses propres croyances. La planète met les personnages à rude épreuve, et ils sont appelés à grandir et à changer, parfois très vite. Et l’auteur, en choisissant un point de vue omniscient, nous met aux premières loges. Le roman dégage un charme suranné, parfois ésotérique, qui ne plaira cependant pas à tous les publics.

La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan

La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan

Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.

La maison dans laquelle, c’est l’histoire de l’enfance et de son étrangeté. La maison est une pension pour enfants atteints de handicaps, ou serait-elle bien plus ? Les pensionnaires sont divisés en bandes répartis dans leur chambre. Ils vivent selon leurs propres lois et leurs propres règles, et font bien peu de cas des adultes. Rites de transmission, guerres intestines entre les clans, la Maison regorge de dangers. Nous suivons en particulier le groupe 4, composé de personnalités hétéroclites mais marquantes. Le livre alterne entre plusieurs points de vues pour présenter une réalité multiple qui se recoupe, et rend parfois la lecture ardue. L’ambiance est indescriptible. On a l’impression d’entrer dans un monde ancien et sacré, entre violence et poésie. C’est vraiment un indispensable si vous aimez les romans qui nous entraînent dans des mondes dominés par des ados et des enfants, avec leur propre logique, à la fois cruelle et enivrante.

Le livre de l’intranquilité de Fernando Pessoa

Le livre de l'intranquilité de Fernando Pessoa

« En ces heures où le paysage est une auréole de vie, j’ai élevé, mon amour, dans le silence de mon intranquillité, ce livre étrange… » qui alterne chronique du quotidien et méditation transcendante. Le livre de l’intranquillité est le journal que Pessoa a tenu pendant presque toute sa vie, en l’attribuant à un modeste employé de bureau de Lisbonne , Bernardo Soares. Sans ambition terrestre, mais affamé de grandeur spirituelle, réunissant esprit critique et imagination déréglée, attentif aux formes et aux couleurs du monde extérieur mais aussi observateur de « l’infiniment petit de l’espace du dedans », Bernardo Soares, assume son « intranquillité » pour mieux la dépasser et, grâce à l’art, aller à l’extrémité de lui-même, à cette frontière de notre condition ou les mystiques atteignent la plénitude « parce qu’ils sont vidés de tout le vide du monde ». Il se construit un univers personnel vertigineusement irréel, et pourtant plus vrai en un sens que le monde réel.

Le livre de l’intranquilité est vraiment un livre spécifique. Il s’agit de pensées déconnectées les unes des autres, à première vue, issues d’un des alter egos de l’auteur. Je pense que ces réflexions résonneront plus ou moins selon les lecteurs, mais elles étaient souvent en miroir des miennes. Assez pour que je considère Fernando Pessoa comme un frère d’âme ! Son écriture est précise, intense, d’une grande poésie. C’est le genre de livre dont on surligne et annote plusieurs pages pour les garder en tête. Car les pensées de Bernardo Soares ont quelque chose d’universel. C’est une âme qui se sent trop grande pour le quotidien banal dont elle est affligée, mais trop passive pour atteindre son potentiel. Il vit dans le rêve et le rêve le nourrit, déconnecté des individus et pourtant universel dans sa prose. Entre frustrations et moments de grâce, l’écriture est ponctuée de citations marquantes que l’on a envie de retenir pour toujours. C’est le genre de livre qui se picore plutôt qu’à lire d’une traite.

Les mentions honorables – des livres qui sont passés très près du coup de cœur !

Sœur des cygnes de Juliet Marilier : un beau roman qui ravira les amateurs de culture celtique et de réécritures de contes

Symphonie atomique d’Etienne Cunge : une œuvre de SF au message écologique fort, réaliste et déchirant

L’héritage de l’esprit-roi de Claire Krust : un joli texte, bien ciselé, qui met très bien en scène les légendes nippones

L’incivilité des fantômes de Rivers Solomon : un récit dur, âpre et sombre qui aborde le racisme systémique dans un contexte spatial

Les flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert : Acide, surprenant et déjanté, le roman nous emmène dans son univers barré avec un grand sens de la formule

Quelle est votre lecture la plus marquante de l’année ? Vous avez déjà lu un de mes coups de cœur ?

Catégories : Littérature

9 commentaires

Zina · 12 janvier 2023 à 7 h 29 min

Je n’ai lu que Dune et Les flibustiers

    La Geekosophe · 15 janvier 2023 à 12 h 24 min

    ça en fait trois autres à découvrir :p

Yuyine · 13 janvier 2023 à 11 h 54 min

Cet article me remet Sacra, parfums d’Isenne et d’ailleurs à l’esprit! Très très tentée par ce titre!

    La Geekosophe · 14 janvier 2023 à 13 h 54 min

    C’était mon premier coup de coeur de l’année et je commençais à désespérer 😀 Il mérite d’être plus connu !

L'ourse bibliophile · 13 janvier 2023 à 21 h 32 min

J’ai adoré La maison dans laquelle qui avait été un immense coup de coeur. Sinon j’aimerais découvrir Louise O’Neill et Dune.
Je te rejoins sur L’héritage de l’esprit-roi : il a manqué quelque chose pour qu’il fasse partie de mes lectures les plus marquantes de l’année, mais il n’en reste pas moins une excellente lecture.

    La Geekosophe · 15 janvier 2023 à 12 h 26 min

    J’ai gagné en exigence au niveau de la sélection des coups de coeur ! Maintenant il faut vraiment qu’ils me marquent durablement pour entrer dans la liste.

      L'ourse bibliophile · 16 janvier 2023 à 11 h 18 min

      Je comprends totalement, j’ai eu le même ressenti cette année, ce qui fait que je n’ai pas pu trouver dix titres comme les années précédentes.

Parlons fiction · 22 janvier 2023 à 11 h 00 min

J’adore lorsque tu fais ce genre d’articles. C’est parfait pour y piocher des idées avec des livres que je vois rarement ailleurs que sur ton blog ☺️

    La Geekosophe · 29 janvier 2023 à 11 h 56 min

    Je trouve les coups de coeur variés cette année ! Bonne pioche à toi 😉

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