Dernière incursion au Nouveau-Coronado. Merci à Emmanuel Chastellière et aux éditions Critic pour l’envoi du dernier tome de cette saga unique en son genre. Souveraine du Coronado se lit indépendamment des tomes précédents, mais ce serait dommage de ne pas profiter de la richesse de ce cycle. Le Nouveau-Coronado est plus que jamais au bord du précipice, le contexte parfait pour l’apparition des vieilles légendes autochtones.

Synopsis de Souveraine du Coronado

Carthagène, 1923. Dans la capitale du Nouveau-Coronado, la panique enfle. La Couronne s’apprête à organiser de grandes enchères pour céder sa colonie, lorsque d’horribles meurtres frappent soudain les élites de la ville. Les rumeurs imputent ces effusions de sang à la frénésie d’une « fée », un dieu des peuples autochtones. Mais Ferran, policier chargé de l’enquête, lui-même natif du Nouveau-Coronado, sait bien que les fées n’existent pas. Alors, qui sème le chaos ? Pendant ce temps, à l’autre bout de la péninsule, le juge-maje Ochozias n’obéit plus qu’à ses propres intérêts, ignorant depuis longtemps ses devoirs. Les promesses d’un étrange prisonnier l’entraînent pourtant dans une quête insensée. Car, au cœur de la cordillère, se trouveraient des filons d’un mythique minerai : l’orichalque. Voire quelque chose de plus précieux encore…

Retour en terres occupées

Entre troubles et légendes

Alors que les précédentes rebéllions ont échoué, le joug du Coronado sur sa colonie se fatigue. Loin de relâcher la poigne, elle ne sait comment exploiter ce vaste territoire difficile, aux populations éparses et en colère. Il sera donc mis aux enchères et Carthagène, la capitale, se devra de faire bonne figure. Ce qui s’annonce déjà plutôt mal : une série de meurtres ésotériques ravagent les familles bourgeoises du coin. Ferran, autochtone dans la police, se voit confier l’enquête. Ces assassinats rituels rappellent les légendes liées aux fées, les divinités de l’Empire déchu du Léopard. Il n’en faut pas plus pour ranimer les cendres qui brûlent natives chez les habitants locaux. En plus de cet arc narratif, l’auteur met en scène un juge-maje oeuvrant pour son propre intérêt, errant dans la jungle à la recherche d’une promesse liée aux anciennes croyances, cachée dans une cité à l’abandon.

Emmanuel Chastellière clôt la saga du Coronado en proposant un récit nerveux qui nous plonge dans les mythes des terres conquises. Entre enquête, aventure et exploration, Souveraine du Coronado nous entraîne dans les croyances les plus sombres de nouveau-Coronado. Les fées sont loins d’être les petites créatures sympathiques que nous connaissons. Celles évoquées sont des êtres puissants, liés à une magie sombre. Au fil du roman, d’autres légendes surviennent, comme celles sur les Sali’lu, des sortes de sorcières au sang chantant. Ainsi, le roman met en exergue une mythologie qui fait écho aux populations locales : des individus fatigués, désespérés, toujours discriminés, sans cesse appauvris. Même les colons sont au bord de la crise de nerf. L’auteur traduit très bien l’impression de parcourir une terre presque maudite, qui ne trouve son salut que dans les croyances impies d’une magie sensée être disparue depuis longtemps.

Des personnages multiples pour un scénario plein de surprises

Une fois de plus, nous sommes aux côtés de personnages multiples. Les portraits qui sont faits d’eux sont bien construits. Cependant, finis les rebelles, les héros militaires… Les protagonistes de Souveraine du Coronado ont perdu leurs idéaux, s’en remettant même au crime ou à l’isolement pour échapper à un passé qui pèse sur eux comme une chappe de plomb. Ce sont ainsi des personnages très gris qui sont mis en scène de manière approfondie et crédible. Sans tous les apprécier, Coré, Denna, Aitana… Ils sont tous quelque chose d’humain et de poignant qui fait que l’on s’inquiète pour eux. Et on a bien raison de le faire : personne n’est épargné par les événements violents du roman. Le déroulement sans concession donne une maturité sombre au récit, ce qui le rend parfaitement distinct dans le paysage de la fantasy française, d’autant plus qu’il s’agit, comme pour les autres opus, de fantasy à poudre.

Le récit est très bien rythmé grâce à l’alternance des points de vue. Dans un premier temps, nous suivons deux personnages qui évoluent dans des situations totalement différentes. Cet aspect permet de se poser la question du lien entre les deux histoires qui évoluent en parallèle. Il permet également de poser plusieurs mystères, aussi bien autour des personnages, que des fées et d’autres sujets soulevés au cours du récit. L’enquête menée par Ferran ajoute une touche de mystère et d’originalité supplémentaire au roman, sans être un roman policier à part entière. Son point de vue permet d’observer la vie des habitants de Carthagène, entre les serviteurs et laissés-pour-compte indigènes, les riches colons et le pouvoir fantôche du Nouveau-Coronado. Mais les dernières parties du récit prennent une toute autre tournure qui apportent beaucoup d’ésotérisme et de magie. Ceci dit, elles sont beaucoup plus courtes que les deux premières, ce qui est assez surprenant.

Souveraine du Coronado, un récit très satisfaisant et parfaitement maîtrisé

Souveraine du Coronado finit le cycle du Nouveau-Coronado avec un récit prenant et très bien mené. J’ai beaucoup apprécié les personnages variés, gris et bien construits, tous avec des motivations et des personnalités variées. Ils s’entrechoquent dans un récit violent. Celui de la fin d’une colonie à bout de souffle, étouffée par un pouvoir qui n’en a que faire et cherche à s’en débarrasser. Le terreau parfait pour faire renaître la flamme d’une population désespérée par les échecs des rébellions précédentes. L’ambiance est sombre, poisseuse, avec une touche d’ésotérisme sombre. L’auteur rend très bien la sensation que seule la violence finira par mettre fin à la situation, qu’importe comment. Le destin des personnages est donc d’une fragilité confondante, ce qui donne la vive impression de regarder une tragédie se jouer sous nos yeux. Le tout est porté par une écriture nerveuse, qui équilibre très bien action et passages de description.

Note 16/20

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Catégories : Chroniques

2 commentaires

tampopo24 · 10 novembre 2024 à 23 h 08 min

Comme toi, je me suis passionnée pour ce dernier volet d’un univers que j’ai adoré de bout en bout. Le fait de mélanger enquête, politique, critique du colonialisme était parfait pour dynamiser ma lecture, de même que la richesse des personnages et des situations qui les attendent.
J’espère que d’autres auteurs nous proposeront de telles fantasy, ça manque !

Emmanuel Chastellière · 11 novembre 2024 à 12 h 10 min

Merci pour la chronique ! 🙂

« J’espère que d’autres auteurs nous proposeront de telles fantasy, ça manque ! »

Il suffit d’acheter celui-ci en masse. ^^

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