Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee fait partie de ces livres difficiles à chroniquer. Classique indétrônable de la littérature américaine, le roman a déjà bénéficié de nombreux commentaires, des adaptations… Longtemps, il a été l’unique roman de cette autrice avant qu’elle ne sorte une suite suprise : Va et poste une sentinelle.
Synopsis de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
Dans une petite ville d’Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort.
A hauteur d’enfants
Chronique d’une vie libre dans l’Amérique profonde
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur a tout le charme des petites villes. Scout et son frère Jem Finch connaissent quasiment tous les voisins. Chaque été, ils font les 400 coups avec leur ami Dill dans les rues tranquilles de Maycomb, Alabama. Leurs jeux respirent l’insouciance, comme quand ils s’amusent à s’approcher le plus possible de la maison de Boo Radley, un voisin qui ne sort jamais… Le récit est porté par la voix de Scout, gamine débrouillarde et pleine de vie. Ce choix narratif donne beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Scout et son frère forment un duo inséparable, soutenu par leur père, Atticus, et leur gouvernante Calpurnia. Les personnages secondaires sont également très bien construits.
La première partie du roman traite surtout de la vie dans une petite ville comme Maycomb. La plume de l’autrice donne un ton doux et ironique pour décrire les habitants de ce village du Sud. Chaque famille a ses habitudes, bien entretenues depuis des générations. L’ensemble des voisins se connaissent, échangent souvent. Mais tout n’est pas rose. Certaines familles comme les Ewell sont miséreux depuis des dizaines d’années. Nous sommes également dans un monde très raciste où la ségrégation est vue comme naturelle. On sent les fantômes des fédérés et du KKK à travers des discussions captées par notre jeune narratrice. Ensuite, les femmes sont soumises à un jugement sévère. L’époque a des idées très arrêtées sur ce à quoi doit ressembler une jeune fille. Et Jean Louise « Scout » Finch n’entre pas dans ces carcans avec ses salopettes, son caractère aventureux et impertinent. On comprend alors d’autant plus à quel point Atticus est en avance sur son temps, ce qui l’isole du reste de la ville.
Un message de justice et de passage à l’âge adulte
C’est un procès retentissant qui bouleverse la petite ville de Maycomb. Tim Robinson, un jeune noir, est accusé d’avoir violé Mayella Ewell, une jeune fille blanche de 19 ans. Défendu par Atticus, on sent à travers le regard de Scout la nervosité de ce dernier grandir à l’approche du procès, ainsi que sa crainte pour ses enfants. Son choix d’être l’avocat du jeune homme fait de lui un quasi paria dans cette époque ségragationniste. Si le regard de Scout est souvent candide, l’autrice parvient astucieusement à faire passer des messages à travers les dialogues entre adultes. Cet aspect montre que la frontière entre le monde de l’enfance de Scout et Jem et celui des adultes s’amincit. Ils entrent petit à petit dans un univers plus âpre.
C’est d’autant plus souligné dans la partie du récit dédiée au procès. Atticus se lance dans une défense solide de son client, traitant avec bienveillance la défense comme les accusés. Mais la force des arguments, l’habileté des interrogatoires qui permettent de mettre à nue une vérité aussi simple, touchante que glaçante, peuvent-elles suffire à sauver Robinson de l’échaffaud ? Le passage concernant le contre-interrogatoire de Mayella est particulièrement tocuhant, surtout la bienveillance et la maturité de Scout pour cette jeune femme. Le roman éclaire la force des préjugés, la volonté de préserver un ordre moral rassurant même face aux preuves les plus criantes. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur évoque avec puissance mais simplicité les moments de vie plein d’innocence de Maycomb, tout comme les relents de noirceur qui se cachent derrière le vernis bien comme il faut des habitants.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur chronique avec un grand talent l’enfance et la vie dans les petites villes des Etats-Unis
Le roman repose sur le point de vue d’un enfant, ce qui lui donne un style accessible, fantaisiste et emprunt d’une fausse candeur. La vie de Scout et de son frère aîné montre leur grande liberté dans Maycomb, une ville où tout le monde connaît tout le monde depuis des générations. Mais la vie tranquille des habitants est bouleversé par un procès retentissant qui va mettre en exergue les tensions de l’époque, le racisme en tête. Ainsi, les conversations d’adultes qu’entend Scout permet de comprendre à quel point cette affaire est sensible. C’est aussi l’occasion de mettre en avant le travail titanesque d’Atticus, en avance sur son temps, qui fait toujours preuve de bienveillance dans un procès éprouvant pour toutes les parties. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est une remarquable oeuvre qui montre que simple ne rime pas avec simpliste, sa jeune protagoniste mettant en lumière les nuances de caractères et d’actes de son entourage avec sagacité et audace.
Note : 18/20
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