J’ai moins lu durant ce mois d’avril ! Après tout, j’ai attaqué le mois avec une sacrée pavasse mais qui a été une belle aventure, mais qui m’a pris pas mal de temps. Le reste du mois a été sous le signe du fantastique et du réalisme magique, alternant entre nouvelles plumes, auteurs bien installés ou moins connus en France.
Le bouffon de la couronne tome 1 de Thibault Lafargue
« Un bouffon est en dessous du peuple mais au-dessus du roi. Amuse le roi et tu amuseras la cour. Alors, tu seras l’être le mieux loti du château » Il en faut des hasards du destin pour que Sébrain, jeune homme dévoué à la religion du Triste, devienne Tirelangue, le bouffon du château de Belle-la-Ménure. Suite à une terrible maladresse commise lors d’un banquet diplomatique, il se voit nommé « bouffon » par le roi afin d’éviter un désastre. Ce mensonge le propulse au coeur des intrigues de la cour, où il découvrira à ses dépens la règle d’or du métier : un bouffon qui ne fait pas rire est un bouffon en danger…
Le bouffon de la couronne est un récit qui vient redorer la blason de la fantasy française. Avec un sens de la construction narrative qui rapelle Robin Hobb, Thibault Lafargue présente un roman riche. Il mêle l’histoire du jeune Sébrain avec talent, de son apprentissage jusqu’à son rôle de plus en plus central dans les intrigues du Château de Belle-La-Ménure. Avec des personnages bien travaillés, le récit avec finesse, nous ouvrant la porte à un univers foisonnant. Entre religion, complots à la Cour et Guerre avec un pays voisin, Sébrain navigue dans ce nouveau monde au milieu d’un danger permanent. Il fait usage de ses cartes maîtresses avec habileté, tout en payant grassement ses erreurs. Le bouffon de la couronne est un univers dangereux, mais avec de nombreux mystères qui donnent envie de l’explorer un peu plus.
L’orage qui vient de Louise Mey
Depuis la Rétraction, Mila, 15 ans, sa mère et les habitantes du Hameau vivent solidaires, en harmonie avec la nature et avec leurs besoins. Mais la menace rôde, et Mila va devoir laisser parler sa vraie nature pour protéger ses compagnes.
J’ai beaucoup apprécié mon immersion dans cette communauté de femmes qui fait face à l’arrivée d’un inconnu. Le point de fort de l’autrice est sa construction des personnages et leurs dynamiques. Mila est un très bon personnage d’adolescente, elle qui affronte des changements biologiques et psychologiques importants. Le récit construit une tension soujacente palpable entre Natan, l’inconnu, et elle. Le roman est assez court et se lit facilement. Cependant, il ne faut pas s’attendre à un concentré d’actions.
Le meurtre du commandeur, tome 1 de Haruki Murakami
Au Japon, de nos jours. Une maison en pleine montagne, totalement isolée, livrée à la nature, aux bruits de la pluie et des insectes la nuit. Dans cette maison, des livres et des disques. Beaucoup de disques, d’opéra surtout. Et un narrateur. Il est peintre. Ces dernières années, il a fait beaucoup de portraits, il cherche à retrouver l’inspiration. Cette maison n’est pas la sienne, elle appartient à Tomohiko Amada, un artiste de génie qui a vécu à Vienne avant l’Anschluss et qui, de retour au Japon, s’est mis à peindre des tableaux Nihonga. Il a 92 ans, il est sénile, il vit à l’hôpital. Cette maison, le narrateur y a trouvé refuge après un mois d’errance, quand sa femme lui a annoncé qu’elle voulait divorcer. Dans le grenier de la maison, le narrateur trouve un tableau, soigneusement caché, une peinture d’une grande violence, le meurtre d’un vieillard, une scène comme tirée du Don Giovanni de Mozart mais qui serait située au Japon du 7e siècle. C’est Le Meurtre du Commandeur. Un jour, le vieillard du tableau se manifeste. Il est en taille réduite, mais c’est bien lui, le Commandeur. Que veut-il ? Quel est son message ? Le narrateur retrouvera-t-il la voie de la création ?
L’essence du roman est la genèse de l’art. Avec un peintre en manque d’inspiration, Murakami décortique les liens entre les sentiments humains et cette magie qui s’appelle l’Idée. L’auteur nous donne à lire des analyses techniques, historiques et philosophiques de différentes oeuvres d’art, ce qui offre des passages passionnants. L’auteur prend également beaucoup de soin à construire ses personnages à travers une description précise du quotidien et de longues introspections. En effet, l’histoire met du temps à se mettre en place. L’auteur apprécie le détail, scruter les moindres sentiments de ses personnages. C’est un roman à l’atmosphère étrange, presque mystique. Dommage que ce long roman soit coupé en deux dans sa version française.
Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle
« En 2004, j’ouvrais mon recueil Serpentine sur cette dédicace : À Lisa Tuttle, dont les livres m’ont appris que les plus effrayants des fantômes sont ceux qu’on porte en soi. Ils étaient toujours là, ces fantômes : entre les pages des textes que je découvrais en cherchant la matière qui composerait ce recueil. » Mélanie Fazi.
Un recueil de nouvelles fascinantes que l’on sent assemblé avec passion. Lisa Tuttle présente un univers feutré et intime, dans lequel le fantastique révèle les failles personnelles de ses personnages. L’autrice explore les tourments des âmes de protagonistes féminines avec subtilité et talent : soif de liberté, de temps, de pouvoir, d’amour… Jusqu’à la place de la maternité et de l’amour filial. L’autrice met également souvent l’horreur de la chair mise à nue, métaphoriquement ou réellement. Il y a parfois quelque chose qui tient du body horror, le tout mêlé à une forme de fantastique classique, qui nous laisse en suspens.
Quelle a été votre lecture du mois ?
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