Rares sont les oeuvres de Sanderson à ne pas être de généreux pavés. L’âme de l’empereur est un one-shot en plus. Bref, une anomalie dans la production de la superstar de la fantasy. Autant dire qu’il s’agissait du candidat idéal pour reprendre son souffle avec des romans bien dodus.
Synopsis de L’âme de l’empereur
La jeune Shai a été arrêtée alors qu’elle tentait de voler le Sceptre de Lune de l’Empereur. Mais au lieu d’être exécutée, ses geôliers concluent avec elle un marché : l’Empereur, resté inconscient après une tentative d’assassinat ratée, a besoin d’une nouvelle âme. Or, Shai est une jeune Forgeuse, une étrangère qui possède la capacité magique de modifier le passé d’un objet, et donc d’altérer le présent. Le destin de l’Empire repose sur une tâche impossible : comment forger le simulacre d’une âme qui serait meilleur que l’âme elle-même ? Shai doit agir vite si elle veut échapper au complot néfaste de ceux qui l’ont capturée.
Une nouvelle lecture riche et inventive de Sanderson
Un système de magie fascinant pour une histoire envoûtante
L’histoire se passe dans le même univers qu’Elantris, mais autre temps, autre pays. Autre magie surtout. Le lecteur s’attache à suivre la jeune Shai, faussaire de génie, trahie lors de son dernier coup d’éclat. En créant des sceaux précis, elle est capable de changer l’histoire d’un objet pour lui donner une autre apparence. Ainsi, elle peut copier l’existant ou créer une toute version d’un objet à partir d’une histoire fictive mais assez crédible pour que l’illusion tienne. Ce n’est cependant pas un objet qu’elle va devoir reconstituer à la demande des conseillers de l’Empereur, mais son âme. Vous vous en doutez, traficoter les âmes des vivants est une entreprise à la fois dangereuse, exigeante et interdite. Dangereuse car les dégâts occasionnés par les erreurs possibles sont incorrigibles. Exigeante car il s’agit de connaître les tenants et les aboutissants d’une personne jusqu’au coeur de l’intime. Interdite car l’Empire est tatillon.
Au moins, l’Empereur étant une personnalité publique, Shai dispose de beaucoup de documentation, y compris un journal. Témoignages, chroniques historiques… Elle passe tout au peigne fin. Mais est-ce suffisant pour connaître les motivations les plus secrètes d’un être humain ? Pour trouver ses failles les plus inavouables ? Très vite, l’auteur parvient à dessiner les contours du personnage principal : Shai est une personnalité empathique, cela lui sert avant tout à manipuler son entourage. Elle peut également cerner plus rapidement les personnes, ce qui les anime au quotidien, et l’utiliser à son avantage. Pour forger des âmes à partir de quelques archives et en testant ses sceaux sur un volontaire. Je suis admirative sur la capacité de Brandon Sanderson de créer un univers avec un système de magie aussi approfondi et cohérent, tout en étant capable de construire des personnages aussi humains et convaincants en moins de 200 pages.
Une exploration poussée de l’humain et de la sincérité
Brandon Sanderson propose un récit en huis-clos. Sans guerre ni gros conflit, c’est une fantasy qui diffère des standards habituels (y compris parmi les oeuvres de l’auteur) et qui s’inspire de l’orient plus que du Moyen-Âge occidental. Ainsi, nous voyons l’univers à travers l’oeil acéré de Shai. L’histoire porte avant tout sur des complots politiques. En effet, l’entourage de l’Empereur se compose de personnalités qui ne manquent pas d’ambition. Mais ces messes basses concernent surtout le travail de Shai, qui doit choisir si, oui ou non, elle doit se plier aux demandes de certains conseillers d’altérer l’âme de l’empereur pour sauver sa peau. D’autant plus qu’elle a très peu de temps pour trouver un moyen d’échapper à ses gardiens, elle doit donc réussir l’exercice de temporiser les attentes de l’entourage en usant de son talent pour lire les sentiments d’autrui.
En revanche, elle construit une relation de plus en plus forte avec un conseiller ayant connu l’empereur dans sa jeunesse : Gaotona. L’évolution du lien entre les deux est bien construite. Gaotona semble être le seul à sa soucier réellement de l’Empereur, et est donc le plus à même à accompagner Shai dans sa tâche comme cobaye. Le récit porte ainsi beaucoup sur la notion de sincérité, de ce qui est vrai ou non. La meilleure arme de Shai et Gaotona sera d’être honnête l’un envers l’autre alors que leurs fonctions, falsificatrice comme haut gradé à la cour, est justement de jouer avec les apparences et le factice. C’est un constraste intelligent que crée subtilement Brandon Sanderson. Il pose également la question au niveau de l’art : Gaotona ne considère par exemple pas les pratiques de Shai comme la création d’une oeuvre. La jeune femme considère au contraire que la minutie nécessaire pour créer des copies capables de tromper même les plus grands spécialistes tient du chef-d’oeuvre.
L’âme de l’empereur, tour de force disctinct qui joue avec la perception du Vrai
Brandon Sanderson est-il capable d’écrire un roman réellement mauvais ? Ici, il parvient à créer des personnages mémorables et un système de magie ingénieux en moins de 200 pages. Mêlant magie de modification de la réalité, intrigues à la cour et huis-clos avec compte à rebours, l’histoire parvient à créer de la tension à travers les échanges entre les protagonistes. Le roman interroge, à travers les jeux de la cour et la Falsification, la notion de ce qui est réel et sincère et de ce qui est factice. Evidemment, l’un et l’autre défient nos idées préconçues, notamment dans ce qui se cache derrière les motivations les plus viscérales et cachées.
Note : 17/20
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1 commentaire
tampopo24 · 11 mai 2025 à 21 h 27 min
Voici un Sanderson que je n’avais pas acheté pensant justement qu’il serait trop court. Mais tu déments parfaitement cela et me donne très envie désormais !