Encore un roman qui me tentait depuis bien longtemps ! J’aime la dystopie, surtout quand elle parle féminisme. « Avec joie et docilité » de Johanna Sinisalo laissait entrevoir beaucoup de potentiel à travers cette société où les femmes sont élevées pour être de parfaites ménagères.

Synopsis d’Avec joie et docilité

République de Finlande, XXIe siècle. La nation a pris en compte ses erreurs historiques. La stabilité sociale et la santé publique sont désormais les valeurs prédominantes. Tout ce qui procure du plaisir est formellement interdit. À une exception près – le sexe.
Afin que sa distribution soit aussi efficace que possible, le corps scientifique gouvernemental a généré une nouvelle sous-espèce humaine réceptive et soumise.
Autrefois, on les appelait les femmes.

Les éléments de la population féminine jugés trop indépendants et difficilement domesticables sont stérilisés dès leur plus jeune âge et constituent un réservoir de main-d’œuvre.
Vanna en fait partie. Elle est cependant parvenue, au prix de mille efforts, à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas.
Mais pour combien de temps encore ?

La Finlande lance un élevage de femmes dociles

Être blonde, serviable, et surtout vivre pour les hommes

Johanni Sinisalo propose une dystopie dans laquelle la Finlande a trouvé un moyen discutable de maintenir la paix sociale. L’autrice s’est basée sur des théories liées à l’élevage : en quelques générations, les hommes ont créé une race de femmes obéissantes : les Eloï. Il se trouve qu’elles ont souvent les mêmes caractéristiques physiques, des blondes au visage fin. L’idée est simple : les femmes qui montrent les caractéristiques psychologiques recherchées ont le droit de se reproduire, ce qui donne une génération de créatures prêtes à servir les hommes. Le nom de cette déviation génétique vient d’un roman de H.G. Wells, la machine à explorer le temps, qui raconte comment des espèces post-humaines ont évolué selon leurs rôles dans la société. Ici, les femmes sont tenus à leur rôle social le plus traditionnel.

L’histoire suit Vanna / Vera, qui supporte mal la disparition de sa soeur Manna. Vanna a l’apparence d’une Eloï mais n’en a pas le caractère. Elle est ce que la société appelle une Morlock, et aurait dû être stérilisée au moindre signe de divergence. Mais Vanna a suivi tous les enseignements pour imiter une Eloï. Elle est allée à l’école ménagère, est capable de gazouiller pour attirer l’attention des hommes, de se tortiller en marchant. La société finlandaise condamne fermement les femmes qui n’entrent pas dans ce moule étroit. On sent la fatigue de Vanna, passionnée par des sujets intellectuels, qui ne tient pas à passer sa journée à plaire aux hommes ou à se rendre désirable. On sent le danger à sortir du conformisme, à faire preuve du moindre esprit, d’indépendance, qui pourrait éveiller les soupçons. L’autrice construit un récit efficace, qui fonctionne aussi grâce à la variété des matériaux qu’elle offre aux lecteurs.

Une étude d’une autre société

Johanna Sinisalo raconte la vie de Vanna. Mais pas que. Elle utilise des chansons, des contes, des extraits d’ouvrages scientifiques… pour mieux montrer comment la Finlande est structurée, comment sont élevées les Eloïs, traitées les Morlocks. Le récit nous montre toutes les nuances de l’oppression d’un groupe social pour le rendre parfaitement docile. En parallèle, l’autrice décrit également l’interdiction de nombreux produits : alcool, sucre… Mais aussi tous les piments, renfermant la précieuse Capsaïcine, aux effets euphorisants. Nous sommes dans une société du contrôle absolu. Les Eloïs allient une génétique friable à une éducation limitée, posant la question de l’inné et de l’acquis. J’ai beaucoup aimé suivre le personnage de Vanna, partagée entre plusieurs mondes, entre l’amour pour sa soeur et celui d’être une femme libre dans un pays qui cherche à l’aliéner.

Cette nouvelle société a ainsi mis en place de nouveaux genres. Les virilos. Alias les hommes, les vrais. Hétérosexuels. Face aux infras, qui préfèrent les hommes au femmes. Les Eloïs sont de genre Fémine. Les Morlocks sont considérées comme neutres et réduites aux travaux et à la servitude. Nous sommes dans une structure sociale simple et rigide, de laquelle il est impossible de s’échapper. L’univers est réaliste et glaçant? La plume est froide et directe. Un style qui ne plaira pas à tout le monde car assez peu romanesque mais parfois franchement crue. Le récit nous raconte aussi les échappatoires psychotiques via les moments de transe, le dépassement des interdits. Enfin, j’ai beaucoup aimé la relation entre Vanna et Manna, montrant la fidélité de la première malgré les différences et les diffécultés.

Avec joie et docilité : Finlande glaçante et femme en quête de liberté

C’est une dystopie détaillée, fouillée et intéressante. Nous suivons principalement une femme qi se fait passer pour ce quelle n’est pas. Elle ressemble à une femme de maison convenable, mais est réalité indépendante et d’une grande curiosité intellectuelle. Vanna est une Morlock, elle n’entre pas dans les cases de la société dans laquelle elle a grandi, contrairement à ses soeur, Eloï jusqu’au bout des ongles. Une Eloï optimisée par l’élevage et l’éducation, mais disparue. L’autrice présente de nombreux bouts de textes, des extraits de manuels, des chansons, pour montrer à quel point les femmes sont devenues conditionnées, à quelle point cette société finlandaise est devenue brutale et policière. J’ai apprécié ce récit à la fois sans concession et hallucinatoire, qui montre le refuge dans les psychotropes et les dangers d’être hors normes dans une société limitante.

Vous pouvez acheter le livre par ici. Toutes les chroniques sont par là.

Catégories : Chroniques

0 commentaire

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.