J’avais acheté Fragile/s de Nicolas Martin lors des Utopiales de l’année dernière. J’avais bien aimé les interventions de l’auteur et son énergie. De plus, le récit entrait dans la catégorie des dystopies au discours féministe, une thématique que j’adore.

Synopsis de Fragile/s

Dans une France où la fertilité s’effondre et la majorité des naissances sont touchées par le syndrome de I’X fragile, Typhaine, élue par le très sélectif Programme expérimental de génoembryologie grâce à la position de son mari, accouche d’un garçon sain. Mais l’étonnante progression cognitive de son fils est bien vite aussi inquiétante que le contrôle dont font l’objet les mères, alors que le pays bascule dans la dictature…

Naissances suspectes dans une France en dérive fasciste

Un futur proche dystopique

Le récit se passe dans une France proche de la nôtre. Le monde est cependant bouleversé par un trouble profond des naissances, fragilisant les naissances des petits garçons et donnant vie à des fillettes avec des retards de développement importants. L’urgence crée toujours de bonnes raisons de durcir les règles. Typhaine, mariée à Gauthier, profite d’un programme expérimental pour donner naissance à un enfant sain. Elle y entre car Gauthier est haut placé dans la hiérarchie du gouvernement. Le roman construit habilement une descente en enfer du point d’une femme qui se retrouve prisonnière de ses propres choix, dans une société qui cherche à lui retirer son autonomie. Entre le thriller et la dystopie, Nicolas Martin met en place un récit qui rend paranoïaque.

Fragile/s mélange l’histoire intime de Typhaine à l’histoire d’une Nation qui sombre dans l’extrême. Certaines technologies comme l’assistant IA de la famille peuvent être utilisées pour espionner, enregistrer des éléments… On apprend assez rapidement que l’immigration est fortement réprimée, quitte à séparer des familles déjà sur place. Le régime sévère est justifié par une politique nataliste censée sauver la France d’un déclin démographique brutal. Mais ces belles promesses cachent la volonté de créer une population eugéniste. Et Typhaine en fait petit à petit les frais quand elle constate que son fils apprend bien plus vite que la moyenne.

Parentalité dans une société policière

La famille est une pierre angulaire du récit : Nicolas Martin pose la question de l’impact des mesures politiques liberticides sur le droit des individus. Et quel est le droit le plus immuable que celui d’une mère à pouvoir voir ses enfants ? Typhaine risque dans un premier temps de perdre sa fille aînée, la fragile Madeleine, à cause du programme grâce auquel est né son fils. De même, Aïssatou, l’aide-ménagère étrangère, risque de perdre son fils. Lorsque les enfants sains deviennent uen denrée rare, de même que les mères capables de leur donner naissance, ils et elles deviennent presque propriété étatique. Ainsi, la vie de Typhaine devient de plus en plus monitorée : nouvelle aide ménagère, médicaments lourds… Le récit construit une intrigue policière basée sur un contexte politico-social plus vaste.

Fragile/s met en scène cette complexité à travers différents formats : enregistrements, coupures de presse… Ce qui offre à la récit une densité narrative bien construite. Cependant, le scénario ne se déroule pas toujours dans l’ordre chrnologique. Ce choix peut rendre l’histoire difficile à suivre par moments, et est renforcé par la multiplicité des formats. La fin du récit s’accélère de manière assez brutale, avec des aspects science-fictionnels plus présents mais pas toujours très bien installés. Cela ne gâche en rien le récit mais aurait sans doute mérité un peu plus d’approfondissement pour que le roman soit plus marquant, que l’on sente certaines parties du récits mieux travaillées.

Fragile/s est un récit dystopique prenant qui manque de finitions

Fragile/s est un roman dérangeant, parfois oppressant, qui réussit à faire dialoguer l’intime et le politique avec une efficacité redoutable. En plaçant la parentalité au cœur d’un projet autoritaire obsédé par le contrôle des corps et des naissances, Nicolas Martin met en lumière la manière dont les régimes liberticides s’infiltrent d’abord dans le quotidien, sous couvert de protection et de nécessité. Si certains choix narratifs (fragmentation temporelle, accélération finale, éléments de science-fiction plus abrupts…) peuvent désarçonner, ils n’enlèvent rien à la force du propos.

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Catégories : Chroniques

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