Je remercie les personnes du forum Livraddict de m’avoir fait découvrir ce livre ! J’ai récemment fini L’Unité de Ninni Holmqvist, une auteure suédoise dont c’est le premier roman. J’avais tout de suite accroché au résumé qui posait des questions très pertinentes, qui ne dévoilait pas trop l’intrigue et qui mettait en avant un personnage de 50 ans très différente des jeunes femmes que nous suivons habituellement en dystopie Young Adult.
Synopsis de l’Unité de Ninni Holmqvist
Vous avez cinquante ans (soixante pour les hommes), vous n’avez ni conjoint ni enfants…
Bienvenue à l’Unité ! Vous y serez accueilli et pris en charge jusqu’à votre dernier souffle. Installations sportives luxueuses, jardins en perpétuelle floraison, nourriture fine à volonté, votre corps est choyé… mais ne vous appartient plus. A tout instant, vous êtes susceptible d’effectuer un » don » au bénéfice de ceux qui vivent à l’extérieur et sont encore » utiles « . À peine arrivée, Dorrit découvre son nouvel univers et l’appartement confortable qui lui a été réservé, sous l’œil froid de caméras partout disséminées qui surveillent ses moindres mouvements.
Tout semble prévu. Sauf une rencontre qui va tout changer.
Une dystopie adulte très réaliste
J’ai beaucoup aimé L’Unité pour beaucoup de raisons. J’ai apprécié le fait que ce soit de la dystopie pour adulte. Dorrit est une femme de 50 ans bien loin des jeunes femmes comme Katniss ou Trish. Ecrivaine, elle a vécu une vie assez solitaire, sans enfant ni époux. Elle a donc des pensées très réalistes car il ne s’agit d’une héroïne. C’est une juste femme à un tournant de sa vie qui revient sur les décisions qu’elle a prise pour finir à l’Unité, et comment elle s’habitue au nouvelle environnement où elle est envoyée, l’Unité. Car dans l’univers de Dorrit, à une époque proche de la nôtre sans que ce soit clairement indiqué, toute personne ayant atteint un certain âge sans avoir eu d’enfants est déclarée inutile par la société et est envoyé dans un centre spécialisé.
A première vue, la situation a l’air idyllique. Les « superflus » sont choyés : bibliothèques, salles de sport, repas prise en charge, activités libres… Tout est fait pour qu’ils se sentent bien. Premier bémol : ils sont privés de liberté. Dès leur anniversaire, ils sont envoyés là bas sans concession, contraints de quitter leurs amis, leurs familles pour exister dans cette bulle isolée de la société. Ensuite, ils sont constamment sous surveillance. caméras, micros, la notion de vie privée est inexistante. Enfin, les résidents de l’Unités sont régulièrement soumis à des tests médicaux plus ou moins dangereux, mais servent aussi de réserve d’organes pour les personnes utiles de la société. L’unité est une sorte de « panem et circenses ». Elle offre tout le confort possible aux résidents pour atténuer le fait qu’ils soient privés de liberté et considérés comme des rebuts déshumanisés.
Le livre pose ainsi des questions très intéressantes. Qu’est-ce que l’utilité ? L’être a-t-il vertu à être utile à la société ? Le but de l’humanité est-il l’épanouissement ou la reproduction ? Il est ainsi intéressant que de voir que beaucoup de résidents sont des artistes qui ont beaucoup consacré à leur art ou à leur indépendance. En somme, beaucoup de gens qui ne rentraient pas dans la norme, mais est-ce parce que vous ne rentrez pas dans la norme que vous êtes inutiles ? L’art a-t-il vertu à être utile ?
D’autant plus que la société fictive, avec son système, aboutit à certains travers. De peur de finir dans un Centre, les rapports non protégés se multiplient de même que les grossesses à l’adolescence de peur d’être mis au ban. Les hommes sont manipulés pour devenir de simples incubateurs et peuvent se retrouver dans des situations très problématiques.
L’auteure distille ces interrogations à travers le regard lucide de l’attachante Dorrit. A 50 ans, elle est pimpante, déterminée et pleine de vie. Sa personnalité est très bien construite, notamment à travers ses pensées et ses réflexions. La partie psychologique du roman est vraiment écrite avec une grande sensibilité et nous invite à nous interroger sur la manière dont nous aurions réagi à sa place, d’autant plus que la fin est plutôt douce-amère. Aurions-nous fait les mêmes choix à la place de Dorrit ?
Un livre sensible et mature
Donc L’Unité est une dystopie très réaliste et psychologique. Loin des fracas de l’opposition, avec psychologie et réalisme, elle nous emporte dans un possible et nous invite à réfléchir à plusieurs niveaux. Le seul défaut : des moments un peu trop lents qui cassent le rythme de l’œuvre, mais rien de dommageable si vous aimez les dystopies dont l’horreur est tapie discrètement sous un vernis d’utilité sociale.
Note : 16/20
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11 commentaires
Rhiannon Telvanni · 25 mars 2018 à 12 h 15 min
Je l’ai lu il y a un an à peu près, niveau dystopie il m’a bien plus choquée que la servante écarlate car je l’ai trouvé très réaliste et susceptible de se produire. Il n’y a qu’à voir le mépris ambiant envers les migrants, les chômeurs, les SDF… à quand une Unité pour tous les parquer sans que personne n’y trouve rien à redire ?
La Geekosophe · 25 mars 2018 à 12 h 34 min
Totalement ! Je l’ai trouvé très en phase avec un développement de la pensée utilitariste qui transforme les gens plus en moyens qu’en fins… C’est déjà un peu le cas avec beaucoup d’handicapés qui sont exclus de la société à cause de préjugés ou juste parce que beaucoup de transports et de bâtiments ne sont pas adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Rhiannon Telvanni · 25 mars 2018 à 12 h 51 min
Oui ça, en tant que personne handicapée je ne te raconte pas à quel point le renouvellement de la reconnaissance peut être violent verbalement entre la culpabilisation, les réflexions à la limite de l’insulte et compagnie… je ne serais pas étonnée que ce soit la prochaine étape pour nos puissants ce genre de structure, on sera encore plus à leur merci ! Avec la bénédiction de ceux qui seront contents d’y échapper…
Babitty Lapina · 25 mars 2018 à 14 h 55 min
J’ai vraiment adoré ce roman. C’est un univers glaçant et je pense que le plus terrible c’est la fin où l’héroïne finalement s’abandonne à la société. Souvent dans les dystopies young adult il y a de l’espoir. Souvent dans les dystopies en général même il y a de l’espoir, il y a guère qu’avec Orwell où j’ai retrouvé ce récit se termine mal et où il y a aucun espoir.
La Geekosophe · 25 mars 2018 à 20 h 23 min
J’ai beaucoup cet aspect réaliste. Nous n’avons affaire à des héros mais à des personnes normales. Certes, leurs réactions et leurs décisions ne sont pas forcément celles auxquelles on s’attend, mais aurions-nous fait différemment ?
audreypleynet · 4 avril 2018 à 12 h 06 min
ça donne vraiment envie de le lire ! et pour répondre à Babitty Lapina j’avais justement écrit un article sur mon blog qui comparait les dystopies young adult actuelles (Divergent, Hunger Games) et les dystopies classiques (type Orwell, Huxley, Bradbury etc) et justement il en ressortait que dans les Young Adult le message est que la révolte est possible (même menée par une ado un peu ingénue) alors que les dystopies classiques montrent qu’il n’y a pas d’espoir et qu’il faut tout faire pour empecher aujourd’hui qu’un tel système ne se mette en place car alors il sera trop tard.
Uranie · 25 mars 2018 à 17 h 27 min
Je ne connaissais pas du tout. Il pourrait me plaire, d’autant plus qu’il semble vraiment différent de ce qui existe (et plait tant) 🙂
La Geekosophe · 25 mars 2018 à 20 h 24 min
C’est vraiment de la dystopie adulte, donc pas de combats, d’effusions de sang et de grandes rebellions avec héros ou héroïnes christiques 😀
Uranie · 26 mars 2018 à 10 h 32 min
Tant mieux !
Caro Bleue Violette · 25 mars 2018 à 19 h 44 min
En tant que childfree par choix, j’espère bien que nous n’en arriverons jamais jusque-là ! Cela dit, ce postulat met le doigt sur le fait que les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont encore stigmatisées par la société (et je dis bien les femmes, parce que les hommes qui n’ont pas d’enfants ne sont pas considérés comme anormaux, eux).
Bref je note ce titre 🙂
La Geekosophe · 25 mars 2018 à 20 h 28 min
Oui, j’avais évoqué dans mon article le fait que la dystopie féministe traitait souvent de la crainte que l’aspect biologique des femmes (procréation notamment) ne soit utilisé comme prétexte pour les museler. J’ai aussi trouvé intéressant que contrairement à la réalité, les hommes soient autant stigmatisés dans le livre.