J’avais beaucoup aimé l’un des précédents romans de l’autrice : Le roi des Fauves. Il m’a donné envie de lire plus d’œuvres d’Aurélie Wellenstein qui propose des univers originaux, sombres et par moments dérangeants. Avec Mers Mortes, elle nous offre une dystopie post-apo écologique glaçante et spirituelle, mais aussi violente, crépusculaire.
Synopsis de Mers Mortes
Mers et océans ont disparu. L’eau s’est évaporée, tous les animaux marins sont morts. Des marées fantômes déferlent sur le monde et charrient des spectres avides de vengeance. Requins, dauphins, baleines…, arrachent l’âme des hommes et la dévorent. Seuls les exorcistes, protecteurs de l’humanité, peuvent les détruire.
Oural est l’un d’eux. Il est vénéré par les habitants de son bastion qu’il protège depuis la catastrophe. Jusqu’au jour où Bengale, un capitaine pirate tourmenté, le capture à bord de son vaisseau fantôme. Commence alors un voyage forcé à travers les mers mortes… De marée en marée, Oural apprend malgré lui à connaître son geôlier et l’objectif de ce dangereux périple.
Et si Bengale était finalement la clé de leur salut à tous ?
Un récit fort
Bienvenue dans un cauchemar
Comme dans ses romans précédents, Aurélie Wellenstein propose avec Mers Mortes un univers qui ne fait pas dans la dentelle. Si imaginer un monde où les océans auraient disparu à cause de l’activité humaine est déjà proche de l’enfer, l’autrice nous fait témoins d’attaques d’animaux marins vengeurs prêts à arracher les âmes des humains survivants. Elle a rendu les Hommes particulièrement vulnérables, puisque la seule défense face aux animaux maritimes est composée de sortes d’exorcistes capables de créer des protections face aux marées meurtrières. Autant vous dire que leur mortalité est remarquablement élevée.
Oural, notre personnage principal, est l’un d’eux. L’aspect horrifique est renforcer par le fait qu’il soit capable d’accéder aux souvenirs de certains animaux décédés. Nous assistons donc à certains tableaux très crus : requin découpé vivant, dauphin capturé et éloigné de sa famille pour mourir au fond d’une piscine, phoque avalant un sac en plastique dans une mer couverte de déchets… Si ce n’est pas plaisant, Aurélie Wellenstein nous met face à ce que nous refusons de voir. L’horreur en devient d’autant plus frappante qu’elle est réaliste, même plus, réelle.
Un monde créatif et original
L’univers de Mers Mortes est en effet très poussé. Les humains ont survécu dans des bastions protégés où leur survie est très difficile malgré tout. Certains humains ont développé des pouvoirs spécifiques qui leur permettent de répliquer lors des marées charriant des hordes de spectres avides d’âmes. S’il existe des exorcistes, il y a aussi d’autres types de pouvoirs comme des pyromanciens ou des êtres mutants entre l’humain et le spectre. Ces derniers sont l’occasion de présenter des passages horrifiques qui sont parfaitement maîtrisés et commencent à devenir significatifs des œuvres d’Aurélie Wellenstein. Le monde est une étendue sèche où l’eau a quasiment disparu, nous voyageons au travers de territoires déserts, avec de temps en temps une flaque s’apparentant à un cloaque. Nous avons de temps en temps des vues rapides sur un monde qui a connu des camps de réfugiés et la loi du plus fort.
Mais il est dommage que le roman ne s’étale jamais vraiment sur cet univers. L’univers est là en premier lieu pour accompagner l’action et l’aventure des personnages, et manquera parfois un peu de détails, d’approfondissement. L’autrice préfère se concentrer sur les pensées de son personnage principal. C’est un choix, mais j’aurais préféré un roman plus long pour que le monde post-apocalyptique violent que l’on aperçoit puisse atteindre l’ensemble de son potentiel. J’ai parfois eu l’impression de trop peu.
Une histoire menée tambour battant
On retrouve quelques éléments que l’on peut trouver dans des oeuvres comme Mad Max. Outre l’univers post-apo, on suit un voyage dangereux d’un groupe de personnes poussées par l’espoir ou le désespoir. L’histoire se passe surtout à bord d’un vaisseau fantôme peuplé de personnalités composites Le scénario s’autorise peu de pauses et de respirations. Je ne me suis que rarement ennuyée. Le rythme trépidant a fait passer le temps très vite. Course-poursuite contre la montre traversé de quelques péripéties, la recette est classique mais est magnifiquement efficace.
Le tout est porté par l’écriture d’Aurélie Wellenstein. Ce n’est le genre à faire dans la fioriture. Le texte est direct, c’est bien écrit, elle s’attarde aux bons moment. Je me répète, mais elle parvient à donner aux scènes horrifiques un aspect de terreur diffuse qui glace les os. C’est pour cela que j’apprécie particulièrement ses histoires de dark fantasy, ou comme ici de post-apo dystopique un peu vénère.
Mais des personnages un peu falots
Le point faible du récit s’incarne surtout dans les personnages. C’est très curieux car on s’attarde beaucoup sur le passé de ces derniers. Voire, dans le cas d’Oural, sur leurs conflits intérieurs. Aucun ne parvient malheureusement à devenir attachant. En fait, le seul personnage pour lequel j’ai eu de l’empathie était pour le spectre dauphin, Trellia, un comble ! Le premier problème est que l’équipage est nombreux et le roman n’est pas assez épais pour leur en donner, de l’épaisseur. On se retrouve face à un groupe de personnes avec des passés dramatiques mais que l’on identifie dans un premier temps comme des ennemis, non comme de potentiels alliés. Du coup, même lorsqu’ils sont sensés nous être sympathiques on garde nos distances, ou ils nous gardent à distance.
Le duo de tête est assez bancal dans leur relation censée nous toucher par son ambiguïté. Oural n’est pas forcément un personnage très dégourdi qui a tendance a beaucoup mettre en danger autrui. Le pire est qu’il s’excuse platement, la première fois passe mais au bout deux ou trois fois on se demande ce qu’il a de si particulier. D’autant qu’on s’appesantit souvent sur ses états d’âmes. En gros, il est un peu niais et n’évolue que très peu. Bengale se révèle également un peu cliché, avec son côté bad boy messianique charismatique, aussi sulfureux qu’un chef de culte perdu dans un univers Mad Max. Leur relation aurait pu être originale mais manque d’explicite, ce qui est surprenant. Finalement, on ne comprend pas trop ce qui les relie réellement.
Mers Mortes est un récit envoûtant qui vaut le coup d’œil
Le roman est de bonne facture. Il parvient à créer un univers qui génère un réel malaise chez son lecteur. Les tableaux glauques et horrifiques s’incarnent parfaitement à travers la plume d’Aurélie Wellenstein, construisant des moments très immersifs. L’histoire est également bien rythmée par choix de scénario classique mais qui a fait ses preuves, l’originalité venant d’un univers qui certes rappelle d’autres oeuvres passées mais avec assez de spécificité pour que ce soit une force. Dommage que les personnages ne soient pas réellement attachants, ce qui nuit un peu à notre implication dans les événements.
Note : 16/20
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4 commentaires
anaislemillefeuilles · 7 mai 2020 à 10 h 20 min
J’ai déjà lu « Blé noir » de la même autrice, un roman que j’avais bien aimé… Et celui-ci me tente beaucoup, notamment après avoir lu ton avis. Malgré les quelques bémols que tu soulèves, c’est un livre qui vaut le coup d’œil, je pense, et je suis pratiquement sûre de le lire un jour !
La Geekosophe · 8 mai 2020 à 9 h 57 min
Il reste très sympathique à lire, notamment grâce à son univers et certains passages très glaçants 🙂
Elhyandra · 18 mai 2020 à 9 h 21 min
Faut que je le lise, le pitch me touche beaucoup
La Geekosophe · 20 mai 2020 à 9 h 19 min
Les parties sur les animaux marins sont déchirantes