Je fais assez rarement de critiques de films. Je trouve qu’il y en a beaucoup sur Internet et que je n’ai pas forcément une opinion assez approfondie pour en parler, contrairement à beaucoup d’autres. L’exception sera donc Titane de Julia Ducourneau, dont la singularité me donne envie d’écrire à ce sujet.

Synopsis de Titane

Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.

Un film dur et direct

Une œuvre résolument trans

Le film de Julia Ducourneau s’affirme comme une œuvre résolument fluide. On sent que la réalisatrice tente de repousser les limites pour délivrer son message. Dans un premier temps, l’aspect transgenre est transparent. C’est le cas à travers le personnage d’Alexia/Adrien, qui passe de jeune femme dansant dans un salon auto tuning à un jeune homme rasé qui flotte dans ses vêtements. Un parallèle intéressant se dessine entre l’aspect féminin, très stéréotypé, qu’elle porte au début du film, et l’aspect plus brut qu’elle emprunte. Ce décalage apparaît avec force lorsqu’iel danse sur le toit d’un camion de manière langoureuse. Ou bien lorsqu’elle se déshabille pour laisser apparaître sa grossesse, créant un visuel très contrasté et dérangeant entre la créature imberbe qu’elle joue dans son quotidien et ce ventre qui grossit de manière incontrôlée.

Julia Ducourneau choisit également la voie du transhumanisme à travers plusieurs symboliques. Dès le début du film, Alexia est victime d’un accident de voiture. Pour la sauver, les médecins lui mettent des plaques de titane dans le crâne, créant une fois de plus un visuel marquant. Elle devient alors femme-machine, étrangement détachée de l’humanité et machine à tuer. La réalisatrice confirme ce choix en la rendant attirée par les voiture, notamment lors d’une scène de sexe bien étrange avec une Cadillac. Et donc, oui, vous l’aurez deviner, Alexia/Adrien , tel une préquelle hard core de cars, est enceinte d’une voiture. La seule explication à ce choix scénaristique, au traitement maladroit, qui m’a satisfaite est la volonté de créer une esthétique frappante.

Une œuvre à la forme hypnotisante

La réalisatrice fait montre d’une maîtrise formelle d’une grande rigueur. De ce point de vue, Titane est une réussite. La première partie du film nous plonge dans une ambiance Jackie et Michel Tuning du plus mauvais goût, entre grosses bagnoles, femmes habillées léger qui se servent de leurs seins comme essuie-glaces (astucieux) et musique techno qui nous rappelle les heures sombres de l’eurobeat (j’avoue, j’extrapole). La scène de massacre dans la maison de plage est très bien rythmée, et m’a rappelé un peu Tarentino dans ce mélange entre dynamique de la violence très gore et un côté plus comique. Dans la deuxième partie, l’esthétique devient moins grandiloquente, plus sombre et plus intime, mais joue beaucoup sur le contraste entre l’aspect masculin d’Adrien/Alexia et son changement corporel.

La réalisatrice assume de plus totalement ses inspirations. Évidemment, le côté body horror rappelle largement Cronenberg. Dans Titane, Julia Ducourneau explore le mélange entre la chair et le métal, qui rappelle l’aspect transhumaniste déjà évoqué. Les scènes qui mettent en avant cet aspect sont particulièrement dérangeantes, notamment lorsqu’Alexia est enceinte, sue de l’huile de moteur, se gratte jusqu’à laisser apparaître une surface lisse et brillante sous la peau… Le film montre de manière très directe les corps qui se modifient, comme le personnage joué par Vincent Lindon, un pompier qui commence à prendre de l’âge mais se pique à la testostérone pour tenter d’incarner un idéal bodybuildé, ou quand Alexia traverse, nue et rasée, une étendue d’herbe, lors d’un plan qui m’est resté en tête. Mais outre les éléments visuels, le sound design est remarquablement travaillé et permet de s’immerger totalement dans les moments qui heurtent le plus.

Brutes d’émotions

La réalisatrice parvient à créer de réelles connexions entre ses personnages. C’est notamment le cas dans la seconde partie partie du film, quand Alexia devient Adrien auprès d’un homme prêt à tout pour retrouver son fils. Entre l’hybride élevée sans amour et le pompier qui tente de combler un vide par tous les moyens, un vrai lien se crée. La symbolique du feu et de la terre brûlée est importante : elle montre la possibilité de faire naître un amour absolu, platonique et total à partir des cendres. Julia Ducourneau n’hésite pas à jouer avec les registres, ce qui est traditionnel dans les films de genre, et alterne joyeusement horreur, violence, grotesque et burlesque. Voilà qui peut décontenancer certains spectateurs.

Ces émotions sont portée par les interprètes. Vincent Lindon confirme sa capacité à jouer le sentiment de manière brute, frontale, dans un rôle qui navigue entre amour sans boussole et virilisme exacerbé. Quant à Agathe Roussel, c’est une véritable révélation dans ce rôle mutique et asexué. Elle passe toutes les émotions à travers son regards et des expressions faciales subtiles. Le duo d’acteurs fonctionne très bien et a sans doute bénéficié d’une très bonne direction d’acteurs.

Une palme d’or mi-figue, mi-raisin pour titane

Vous l’autre compris, Titane est un film dense qui multiplie les impacts. On sent que la réalisatrice a des choses à dire, ce qui lui permet de jouer avec l’ensemble des outils permis par le cinéma : musique, montage, plan, sound design… Le film est donc très bon dans son expression formelle. L’émotion est également bien présente à travers les personnages portés par des interprètes poussés dans leur retranchement pour proposer un jeu brut et frontal. Julia Ducourneau fourmille d’idées, ce qui permet à Titane de repousser les limites en abordant de nombreuses problématiques. Mais peut-être trop ? J’ai parfois eu l’impression que certains éléments manquaient un peu d’intertextualité les uns avec les autres, notamment la grossesse surnaturelle, qui répète maladroitement le message lié au transhumanisme et au mélange de la chair et de la machine, mais de manière un déconnectée. Titane est donc un film puissant, mais dont quelques maladresses me rendent un peu sceptiques sur la palme d’or (mais compliqué, alors que Parasite a également été récompensé). Il vaut le coup d’œil malgré ses aspects chocs et dérangeants, car son foisonnement et son créativité promettent de belles choses pour le cinéma de genre français.

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Catégories : Pop-culture

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