Merci aux éditions Mnémos et au label Mü pour l’envoi. J’aime beaucoup découvrir des primo-romans de l’imaginaire francophone. Sous la lune brisée d’Anne-Claire Doly nous entraîne dans les derniers atermoiements d’une société à bout de souffle. Qu’en ai-je pensé ?
Synopsis de Sous la lune brisée
Au cœur de la tourmente insurrectionnelle.
Sous les fragments jumeaux de la lune brisée, la République des Neuf Cités tente de survivre sur un continent convalescent, menacée par la corruption grandissante du pouvoir et une guerre aux frontières qui ébranlent le régime des Gardiens.
Des usines métallurgiques où la gronde est plus forte chaque jour aux montagnes ocres où se massent les réfugiés, chacun devra faire face à ses choix, ses secrets et ses désirs pour échapper au chaos, et tenter de dessiner un autre avenir.
Un roman intrigant au propos riche
Un univers détonnant
Ce qui surprend en premier dans ce roman, c’est que nous sommes dans une société bien étrange. Le lecteur aura du mal à se situer : nous semblons être dans un futur lointain, la technologie est présente. Cependant, l’organisation sociale et politique s’inspire de de la Rome et de la Grèce Antique. Le structure sociétale est stricte. Les étrangers n’ont pas de statut propre, comme ce fut le cas dans la Grèce de l’Antiquité. La politique est menée par des groupes de notables, rythmés par des familles de haute noblesse. Il y a même des indices culturels très clairs, comme la présence d’hétaïres, compagnes de luxe des riches et prostituées.
Entre la lune brisée et les problématiques de fertilité, la société semble avoir subi de nombreux revers et tente de récupérer via des règles contraignantes. Disons-le clairement, on frôle la dystopie. Les classes populaires sont condamnées à un travail ingrat et dangereux, dans lequel elles ont toutes les chances de mourir. Pire, ils ne sont pas éduqués, ce qui rend l’ascension sociale impossible, à moins de briller particulièrement en bataille, car les conflits avec les pays limitrophes semblent nombreux. Même dans ce cas-là, le népotisme est tellement ancré que ça semble peu probable.
Une narration à plusieurs points de vue
Pour aborder la fin de cette société, l’autrice choisit d’aborder plusieurs angles. C’est un procédé habituel mais particulièrement périlleux pour un premier roman. Anne-Claire Doly s’en sort bien, en proposant des personnages très variés. Allant du fils de l’hétaïre, laborieux et rustre, la femme médecin, qui exerce son activité car noble mais à la marge malgré tout, ou le soldat désabusé qui prend des décisions dangereuses. J’ai trouvé qu’ils étaient globalement bien construits, bien que certains soient peu attachants. En particulier Aulis, qui est le plus cohérent dans sa pensée et son évolution.
Le problème de cette narration apparaît cependant en milieu d’ouvrage. Certains chapitres sont assez longs et on perd en dynamisme. D’autant plus que ceux consacrés à Ariane se concentrent sur des aspects sentimentaux qui trainent en longueur. S’il n’est pas inintéressant de lire comment les vies sont broyées par le cours de l’Histoire, on perd de vue l’essence du récit. De plus, j’ai trouvé parfois que les motivations des personnages étaient eu explicites. Hadrian prend par exemple énormément de risques, même s’il fait partie d’une famille proéminente, et j’ai eu du mal à comprendre réellement pourquoi.
Un rythme inégal malgré une profondeur indéniable
Si vous me liez depuis un bout de temps, vous savez que je reproche souvent à ce type de récit un rythme irrégulier. C’est le cas également ici. Le début du roman nous plonge immédiatement dans cette atmosphère de fin de règne, cette culture spécifique. Mais le milieu du roman s’étale beaucoup sur les sentiments des personnages, ce qui casse le rythme. Heureusement, la fin du roman gagne en vitesse, notamment grâce à l’insurrection dont on entrevoit la construction. J’ai même trouvé la fin, avec sa violence et ses retournements de situation.
On sent en effet un vrai travail de recherche derrière le roman. Le récit met en scène des thématiques approfondies : xénophobie, racisme, violences sociales… L’autrice ne fait preuve d’aucune complaisance quand elle met en scène les conflits et ses extrémités. Il y a également un travail de mise en scène et de progressivité dans la façon dont la lutte insurrectionnelle est représentée. Elle prend soin de bien détailler la corruption des élites, qui crée des inégalités et des frustrations.
Sous la lune brisée est un récit prometteur bien que perfectible
Anne-Claire Doly nous livre une histoire sur la fin d’une société. Elle met en scène un univers qui respire le post-apo, mais reconstruit de façon à combler les failles connues. Inspirée par les sociétés antiques, les nombreuses inégalités et violences fatiguent la population. L’autrice donne la parole à plusieurs personnages qui vivent de façon différente ces temps changeants. Le procédé donne vie à des personnages variés, mais il a tendance à ralentir beaucoup l’action. Le milieu du roman est ainsi très centré sur des aspects sentimentaux. On sent cependant un vrai travail de construction du récit malgré un rythme inégal. D’autant plus que les thèmes traités, autour des inégalités sociales, sont bien mis en avant. C’est donc très prometteur pour un premier roman !
Note : 15/20
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5 commentaires
Shaya · 25 mai 2022 à 22 h 10 min
Une autrice à surveiller donc ! Pas trop envie de post-apo pour l’instant, mais je note.
La Geekosophe · 28 mai 2022 à 10 h 57 min
L’aspect post apo est une interprétation de ma part, ce n’est pas très explicite et pas le thème principal je pense !
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