Himilce ne sera pas resté très longtemps en PAL ! J’ai lu quasiment tous les romans d’Emmanuel Chastellière, et je le remercie de sa confiance renouvelée pour découvrir de roman de fantasy historique. Je suis fascinée par les cultures antiques, donc autant vous dire que j’avais hâte de me plonger dedans (et notons la beauté de la couverture. Alors qu’en ai-je pensé ?

Synopsis d’Himilce

241 avant J.-C. Aux larges des îles Égates, la flotte romaine intercepte et met en déroute une centaine de navires carthaginois. Aux premiers la victoire ; aux seconds la perte de la Sicile et un traité de paix défavorable et humiliant.
Près de vingt ans plus tard, Himilce, princesse ibère libre, voit sa destinée liée à celle du jeune général Hannibal Barca. Celui-ci ne brûle que de se venger et lève déjà une expédition à destination de l’Italie.
En quête d’une place dans cette société d’hommes, la jeune femme se retrouve emportée au cœur d’intrigues politiques en passe de transformer radicalement l’avenir du bassin méditerranéen. Pour préserver la paix, ne devra-t-elle pas forcer son destin, quitte à se créer des inimitiés parmi les siens ?

Guerres et paix puniques

Loin du conflit, la guerre affecte tous les habitants

Emmanuel Chastellière nous entraine pendant les guerres puniques, dans les complots et de Carthage. Ce n’est pas forcément un contexte très courant en fantasy et il ne me semble pas connaître de roman historique qui traite de la même période du point de vue des carthaginois. C’est un très bon point, car c’est passionnant et dépaysant d’en découvrir un peu plus sur cette culture rivale du grand Empire romain que l’on connaît assez peu finalement. On sent que l’auteur a énormément travaillé sur l’histoire et la culture de cette civilisation antique. Tenues, traditions, cultes religieux très présents… L’arrivée d’Himilce permet d’en savoir plus à travers les yeux d’une étrangère. L’auteur parle en détail des différents éléments culturels structurants de Carthage, et il a pour cela été aidé de Justine Breton, une historienne férue de pop culture. Le résultat est très immersif grâce à une plume fluide, soignée et précise. Les éléments de fantasy sont légers et se retrouvent dans les cultes et croyances, mais aussi dans la présence d’une étrange créature qui semble suivre la protagoniste.

A travers le regard critique d’Himilce, le lecteur découvre que le peuple de Carthage et ses dirigeants sont véritablement fascinés par la guerre. Ainsi, le rêve de nombreux jeunes enfants et hommes est de partir combattre les chevaliers romains. Les généraux sont élevés au rang d’idoles quasi divines. Cette dimension offre au roman un rythme particulier. Certains pourront reprocher au roman des moments de lenteur, mais pour moi, ce la fait partie de la volonté de créer un contraste entre deux vision de qu’est une « bonne » vie. En effet, Himilce est envoyée par son époux, Hannibal, vivre dans sa famille, loin du conflit. Un conflit paradoxal, à la fois omniprésent dans la bouche des carthaginois mois lointain car, évidemment, peu d’informations parviennent de l’autre côté de la Méditerranée. La Princesse Ibère n’est cependant pas hors de danger, car d’étranges événements ont lieu et une lutte des pouvoirs s’installe, mais elle profite également de moments de paix et de calme, des moments qui lui donnent l’occasion d’être elle-même plus que jamais. Car la guerre et ses adeptes n’apportent que la mort, la soif de vengeance et la violence. Le roman met en avant l’ombre d’une vie simple en comparaison avec l’éclat d’une mort violente et glorieuse dans le conflit et la violence.

Des femmes puissantes

Himilce est un très beau personnage. Princesse ibère proche de la nature, contrainte dans une société qu’elle connaît plus, au milieu d’individus qui cherchent à l’instrumentalité, le récit est aussi une quête d’elle-même. En tant que membre de la famille royale, elle a un rôle qu’elle doit tenir. Enfanter, rester digne et discrète, soutenir les choix du pouvoir… Autant de rôles intenables pour une jeune femme que l’on découvre passionnée, mais surtout animée par une volonté d’apporter la justice. Himilce est donc une antithèse de Carthage à cette époque, avide de paix et d’honnêteté. Il y a dans le roman des scènes où l’on peint son portrait. Elle est à peine présente pour ces sessions, ce qui aboutit à un portrait au sourire faux et lisse, comme ce qu’on lui demande d’être aux soirées et rites auxquels elle doit assister pour faire bonne figure. Himilce refusera tous les rôles préconçus qu’on lui impose, Mère, Princesse… Elle reste avant tout elle-même malgré les forces qui tentent de la contrôler.

Himilce est loin d’être le seul personnage marquant du roman. Pendant la guerre, nombreuses sont les femmes qui restent à l’arrière. Emmanuel Chastellière construit des personnages subtils. La mère d’Hannibal, Bastilhem, semble avoir abandonné tout ce qui fait d’elle un individu pour embrasser son rôle de Reine toute entière. Il faudra du temps pour voir la mère à travers les fêlures, ce qui en fait un personnage marquant par sa sévérité, mais aussi par le rôle politique important qu’elle emprunte en l’absence de ses fils. Himilce croise d’autres femmes qui ont des rôles jugés comme déviants dans la société, comme une prêtresse d’Astarté, dont le culte est lié à une forme de prostitution, mais aussi guérisseuse et guide pour les femmes, adoptant de nombreux rôles tabous socialement.

Un portrait d’Himilce marquant qui célèbre la paix et l’affirmation de soi

Le roman d’Emmanuel Chastellière marque par son personnage principal. Himilce, oubliée de l’histoire, devient ici une femme indépendante qui n’aspire qu’à une vie calme proche de la nature. Peu politique, artistique et compatissante, elle se dédie à aider le peuple, peu intéressée par les affres de la guerre. Mais sa naissance et son statut la ramènent au centre de complots aux guerres puniques, qui la rattrapent sans cesse. L’auteur propose un texte détaillé qui nous plonge dans la sensibilité complexe de la jeune femme. Il met également en scène une Carthage immersive, avec ses croyances, ses mythes, son obsession pour la gloire guerrière et ses jeux de pouvoir où les apparences sont toujours centrales. Himilce, étrangère qui tente de s’intégrer sans jamais pleinement parvenir à s’effacer dans le rôle qu’on lui impose, offre un regard parfait.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

3 commentaires

Emmanuel Chastellière · 7 août 2023 à 9 h 50 min

Merci encore pour ce retour !

    La Geekosophe · 21 août 2023 à 23 h 24 min

    Un plaisir !

Himilce - Emmanuel Chastellière - RSF Blog · 24 novembre 2023 à 17 h 31 min

[…] les avis de Au Pays des Cave Trolls, Le Nocher des livres,  Les blablas de Tachan , La Geekosophe, Le Bibliocosme , […]

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