Après le coup de cœur qu’a été L’aube d’Octavia Butler, je voulais continuer à découvrir les œuvres de cette autrice culte de la SF qui commence tout juste à regagner en popularité en France. Liens de sang est l’un de ses romans les plus connus. Il est sans doute celui qui aborde de manière la plus frontale les rapports entre noirs et blancs. J’ai eu l’occasion de découvrir ce roman en VO.
Synopsis de Liens de sang
Dana est noire, Kévin est blanc. Mariés depuis peu, ils emménagent dans une nouvelle maison en Californie. Le jour de ses vingt-six ans, la jeune femme, prise d’un malaise, perd connaissance. Elle disparaît du salon, puis réapparaît quelques instants plus tard, couverte de boue.
Sans contrôler ni ses départs ni ses retours, Dana est propulsée au temps de l’esclavage et partage la vie de ses ancêtres dans une plantation du Sud.
Hallucination ? Cauchemar ? Le couple survivra-t-il à ces épreuves ?
Marquant et éprouvant
Les liens de sang plus forts que le temps
Ce qui frappe rapidement, c’est l’usage intelligent du trope du retour dans le temps, mais pour présenter une histoire intime où la filiation joue un rôle central. Octavia Butler n’explique pas le fonctionnement des retours dans le temps de Dana, ce qui ajoute une ambiance anxiogène. Quand va-t-elle apparaître ? On sait juste que le déclencheur a de fortes chances de mettre le personnage principal en grand danger. Un danger immédiat. Mais Dana étant noire, elle doit également prêter une intention démultipliée à son comportement pour éviter les punitions qui échouent aux esclaves jugés comme désobéissants.
Loin d’édulcorer l’horreur de l’esclavage, les voyages de Dana permettent d’éprouver avec elle la vie des esclaves. Et encore, son lien avec Rufus Weylin, fils unique du chef de la plantation, lui permet d’échapper à la plupart des traitements brutaux que reçoivent les noirs. Ce lien met également à rude épreuve la moralité de la jeune femme, qui se retrouve tiraillée entre deux mondes, comme lui rappellent certains personnages. Mais sa couleur de peau fait qu’elle est en danger de manière permanente. Ainsi, elle doit prendre mille précautions pour éviter de déchaîner les foudres des Weylin, notamment de Margaret Weylin, femme profondément instable émotionnellement.
Un roman fin et immersif
Octavia Butler est définitivement une autrice que j’adore. Elle met en scène ici des personnages d’une grande subtilité. Comme Dana est mariée à un blanc et qu’elle a un lien avec Rufus, les rapports entre personnes noires et blanches apparaissent comme très complexes et donnent beaucoup de nuances dans les réflexions. En effet, les personnages sont rarement totalement bons ou mauvais. L’écriture d’Octavia Butler les rend vivants, haïssables comme touchants selon les moments, avec une fin qui laisse planer le doute.
Liens de sang nous permet cependant d’en apprendre plus sur le contexte historique. Les réflexions de Rufus, notamment plus jeune, montrent à quel point il est difficile de sortir des carcans dans lesquels on a été élevés. De la même façon, Dana relève en regardant de jeunes enfants noirs jouer à quel point ils sont conditionnés à devenir des esclaves. Même la situation des personnes de couleur libres est fragile, puisqu’elles sont harcelées et que la plupart des Maîtres n’attendent que la première occasion pour les entraver.
Liens de sang : un récit juste et mémorable
L’autrice aborde avec finesse les relations complexes entre noirs et blancs à travers les voyages temporels de l’héroïne, Dana. L’usage astucieux du retour dans le temps crée une tension palpable, renforcée par l’absence d’explications détaillées, ajoutant une dimension anxiogène à l’histoire. La subtilité des personnages, confrontés aux horreurs de l’esclavage et pris entre deux mondes, offre une profondeur et des nuances qui contribuent à la richesse narrative. Octavia Butler excelle dans la représentation de la complexité humaine, évitant la simplification des personnages en bons ou mauvais.
Note : 18/20
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7 commentaires
Love & Bloom · 12 février 2024 à 22 h 09 min
Je participe avec toi au bookclub sur Livr’addict. C’est ainsi que j’ai entendu parler de ton blog. Je viendrai le lire de temps en temps. Je ne lirai pas ton article complet pour ne pas me spoiler mais on se retrouve, si je ne me trompe pas, ce week-end pour en parler. Au plaisir
La Geekosophe · 12 février 2024 à 22 h 16 min
Oh ravie ! C’était ma proposition et je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit choisie. Hâte d’échanger dessus ce weekend 🙂
Love & Bloom · 12 février 2024 à 22 h 20 min
Très bonne proposition à mes yeux! Je ne l’ai pas encore fini mais c’est très sympa et original. Bonne soirée
Shaya · 23 février 2024 à 22 h 39 min
Encore un Octavia E. Butler à rattraper. Je viens juste de finir Imago, le dernier tome de Xenogenesis, et j’ai franchement envie de continuer à la découvrir !
La Geekosophe · 1 avril 2024 à 18 h 15 min
Il faut vraiment que je glisse le deuxième tome de la saga dans mon programme de lectures 😀
C’est l’premier, j’balance tout Janvier -Février – Mars 2024 (#24) – Alberte Bly · 1 avril 2024 à 11 h 08 min
[…] De son côté, la Geekosophe avec son article sur Liens de sang d’Octavia E. Butler m’a permis de confirmer que c’est bien avec ce texte que ma découverte de […]
30 livres pour mes 30 ans – Alberte Bly · 30 avril 2024 à 10 h 42 min
[…] • Liens de sang d’Octavia E. Butler car c’est une autrice dont j’ai apprécié découvrir l’œuvre ces dernières années et que la Geekosophe m’a donné envie de poursuivre ma découverte de l’autrice avec ce one sho…. […]