Le mois d’avril se clôture ! Ce mois fut vraiment porté par un grand nombre de lectures SF tournées vers le spatial. Extra-terrestres et planètes exotiques sont au programme de ce point lecture qui fait la part belle aux découvertes, mais nous entraîne aussi vers des auteur.ices classiques de la littérature de science-fiction. On plonge ?
La Niréide de Fabien Clavel
Troie brûle. Les guerriers grecs, vainqueurs, reprennent leurs navires.
Parmi eux se trouve le prince Niréus de Symé. Arrivé très jeune à la guerre, il en revient balafré et dégoûté par les combats. Il ne demande plus qu’à retrouver sa petite île, comme l’Ithaque d’Ulysse. Cependant, sa propre odyssée ne sera pas de tout repos. Sous l’œil des dieux olympiens, il va errer longtemps en Méditerranée, affrontant Amazones, Gorgones et Telchines, dans un périple qui l’emmènera jusqu’aux Enfers.
Fabien Clavel avait pris un pari risqué en se lançant dans le développement d’un personnage très secondaire de la Guerre de Troie. Il en fait un récit à la fois épique mais plus humain, traitant de la frustration, la quête du passé et la rédemption. Il crée une galerie de personnages variés et bien détaillés pour proposer des interactions approfondies. Niréus, anti-héros irascible et instable, est un bel exemple de protagoniste qui évolue grandement au fil des aventures tout en gardant ce qui fait les marqueurs de sa personnalité. La Niréide est donc une très belle œuvre qui explore les passions des mortels, proposant une lecture respectueuse des classiques de l’antiquité mais avec une touche plus moderne et humaine.
Tè Mawon de Michael Roch
Lanvil, mégapole caribéenne, vitrine rutilante des diversités culturelles, havre pour tous les migrants du monde, est au centre de tous les regards.
À la pointe de la technologie, constellée d’écrans, la ville s’élève de plus en plus haut mais elle oublie les trames qui se tissent en son sein. Pat et sa bande de débouya vivent de magouilles et de braquages. Joe et Patson courent de galère en galère, poursuivis par les flics. Ézie et sa sœur Lonia, traductrices, infiltrent les hautes sphères des corpolitiques. Toutes et tous rêvent en secret de retrouver la terre de leurs ancêtres, le Tout-monde, enseveli quelque part sous le béton. Pour y parvenir, un seul chemin : faire tomber les murs entre l’anba et l’anwo, et renverser l’ordre établi.
Tè Mawon est un roman exigeant qui ne plairait pas forcément à tout le monde ! L’auteur joue avec les langues et les registres pour créer une symphonie divergente qui cherche l’harmonie, faisant écho à plusieurs reprises à la quête du tout-monde d’Édouard Glissant. L’écriture est donc créative, proposant un texte aussi fin que complexe. Ainsi, l’un des premiers objectifs est de parler de traduction, que ce soit au niveau des codes, des langues ou que des émotions. Outre la communication, le roman aborde les mouvements sociaux dans les sociétés très stratifiées. Puisque Lanvil, qui se présente comme une métropole utopique, mais qui en réalité rejette une partie de sa population dans l’anba. Le roman propose donc une vision originale et unique qui vient renouveler le cyberpunk, tout en gardant les marqueurs forts du sous-genre.
Semiosis de Sue Burke
Ils sont cinquante des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d’un voyage interstellaire de cent soixante ans, s’établir sur une planète lointaine qu’ils ont baptisée Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l’argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Construire une Utopie. Mais très vite, des drames menacent leur idéal. Du matériel irremplaçable est détruit. Des morts surviennent et s’accumulent. La nature est par essence dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, ne fait pas exception à la règle. Pour survivre, les colons vont devoir affronter ce qu’ils ne comprennent pas et comprendre ce qu’ils affrontent.
Semiosis est un roman ambitieux. Planet opera végétal et écologique, le récit nous conduit à travers différentes générations de colons. Installés sur une planète peuplée principalement de végétaux intelligents. Ils doivent faire corps pour perdurer leurs valeurs et leur utopie pacifiste. L’autrice met sa communauté face à de nombreuses menaces qui viennent questionner leur positionnement. Comment agir face à des espèces complètement différentes ? Face à une population déclinante ? Face à des membres qui ne peuvent pas s’intégrer ? La construction narrative divisée en plusieurs points de vue séduit par sa progression. Les premières parties sont cependant un peu inférieures.
L’effet Churten d’Ursula Le Guin
Dans le vaste univers de l’Ekumen, tout voyage prend des années. Difficile de garder des relations avec sa famille et ses amis lorsque l’on doit passer d’une planète à l’autre. La galaxie est une mosaïque d’histoires humaines… Jusqu’au jour où on découvre par hasard l’effet Churten, une sorte de transport instantané, abolissant les distances comme jamais entre les mondes. Encore faut-il le maîtriser et l’utiliser à bon escient…S’inscrivant dans le cycle grandiose de l’Ekumen, ces trois histoires racontent la découverte de cette nouvelle technologie, ses premiers essais, ses premières réussites et ses premiers drames.
Une fois de plus, la plume délicate d’Ursula Le Guin frappe de sa magie. Avec une fausse simplicité, l’autrice déploie des thèmes universels : la famille, la culture, la compréhension, l’empathie… Elle le fait à travers trois textes qui traitent des problématiques autour du voyage instantané dans l’espace. Ce faisant, elle parle du choc de cultures entre des peuples différents, mais aussi de trajectoires de personnages d’une grande humanité. C’est une bonne porte d’entrée pour ceux qui souhaitent entrer dans le monde de l’Ekumen, car on retrouve des éléments de ces courtes histoires dans d’autres romans.
Chroniques martiennes de Ray Bradbury
« J’ai toujours voulu voir un Martien, dit Michael. Où ils sont, p’pa ? Tu avais promis. – Les voilà », dit papa. Il hissa Michael sur son épaule et pointa un doigt vers le bas. Les Martiens étaient là. Timothy se mit à frissonner. Les Martiens étaient là – dans le canal – réfléchis dans l’eau. Timothy, Michael, Robert, papa et maman. Les Martiens leur retournèrent leurs regards durant un long, long moment de silence dans les rides de l’eau… «
Inclassable, original et résolument moderne, Ray Bradbury nous entraîne dans un monde jadis sublime subissant les affres de la colonisation. L’œuvre surprend de par sa forme, un ensemble de nouvelles classées dans l’ordre chronologique qui nous fait avancer dans la conquête de Mars. On passe par tous les registres, du délicieusement absurde et comique jusqu’à l’amertume et la nostalgie. Comme les martiens sont télépathes, voire empathes, de nombreux jeux sont mis en place sur la perception de l’autre et l’altérité. Le livre laisse cependant un sentiment de tristesse tant dans son déroulement laisse entrevoir le tragique.
Planète à louer de Yoss
Dans un futur indéterminé, une guerre nucléaire totale est sur le point d’éclater. Afin de sauver la Terre, des extraterrestres en prennent possession. Ils y imposent des règles draconiennes visant à rétablir l’équilibre écologique. Un siècle plus tard, notre planète est redevenue un paradis, un « monde souvenir », où les riches xénoïdes viennent faire du tourisme. Mais derrière l’image d’Épinal, les conditions de vie des Terriens sont loin d’être idylliques. Buca, la prostituée, Moy, l’artiste métis ou Alex, le scientifique de génie, tous n’aspirent qu’à une seule chose : fuir… partir… s’exiler… quitter la Terre… par tous les moyens !
Souriez, vous êtes colonisés ! Dans ces nouvelles frappantes, Yoss construit un univers où l’humain est considéré comme une espèce sous-développée dans le vaste univers. On y retrouve toutes les violences liées. Il n’y a plus de gouvernance humaine, la Terre devient une attraction touristique écologique, les habitants connaissent toutes les violences possibles : prostitution, discrimination, racisme, pauvreté, addiction… Chaque nouvelle dresse un portrait d’un terrien en détresse, tentant avant tout de quitter la Terre. Mais le parcours est semé d’embûches ! L’auteur ne nous épargne rien et nous laisse souvent avec un profond sentiment d’injustice.
Vous vous en doutez, encore un mois sous l’influence du Challenge SFFF ! Et vous, des coups de cœur ce mois-ci ?
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Challenge de l’Imaginaire 10 : le suivi – Ma Lecturothèque · 15 août 2022 à 19 h 43 min
[…] Sue Burke * (écologie, renouveau, renaissance) 17. L’effet Churten, Ursula Le Guin 18. Chroniques martiennes, Ray Bradbury 19. Planète à louer, Yoss * (écologie, renouveau, renaissance) 20. Magic Charly, […]