J’ai enfin lu Les chants de Nüying d’Emilie Querbalec. J’avais beaucoup aimé les romans précédents de l’autrice. Bien que perfectibles, ces derniers offraient un coup d’œil sur des univers d’une grande sensibilité et d’une grande délicatesse. Cette publication est dans la lignée, mais elle offre de belles surprise dans le fond comme dans la forme.
Synopsis de « Les chants de Nüying »
La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, partage de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie. La sonde Mariner a transmis des enregistrements sonores de Nüying : des chants qui évoquent par analogie ceux des baleines. Quand elle était enfant, Brume a entendu cet appel. Désormais adulte, spécialisée dans le domaine de la bioacoustique marine, elle s’apprête à participer à la plus grande aventure dans laquelle se soit jamais lancée l’Humanité : rejoindre Nüying au terme d’un voyage spatial de vingt-sept années. Que va-t-elle découvrir là-bas ? Une civilisation extraterrestre ou une remise en cause totale de ses certitudes.
Un roman poétique et bien ficelé
Une science-fiction qui questionne notre humanité
Le roman d’Emilie Querbalec nous entraîne dans un futur où les humains voyagent dans l’espace. Mais l’originalité est qu’elle nous propose une société qui a évolué tout en restant similaire à la nôtre. Le roman tient donc plus du cyberpunk spatial que du space opera à proprement parler. Des modifications synthétiques permettent d’explorer les pensées d’autres personnes. Jonathan Wei se prépare à devenir immortel en passant ses souvenirs dans d’autres corps. La cryostase permet de se mettre pendant des années en pause avant de se réveiller désorienté, mais toujours au même âge. Tous ces éléments ne sont pas originaux mais c’est surtout la façon dont l’autrice les imbrique et construit son message autour qui a de l’importance. Nous suivons avant tout des humains. L’écriture de l’autrice, particulièrement poétique et travaillée, permet de porter totalement cet esprit.
Emilie Querbalec met en avant un monde dans lequel spiritualité et science sont intriqués. Cela s’explique notamment par le fait que Les chants de Nüying s’inscrit également dans une mouvance uchronique. Dans cet univers, c’est la Chine qui domine culturellement et économiquement le monde. Le premier homme ayant marché sur la Lune était chinois. la plupart des grandes entreprises sont chinoises. Comme celle de Jonathan Wei, à la tête du projet. Il y a donc des notions très importante autour de la réincarnation. Une réincarnation rendue possible par la technologie. Que se passe-t-il dans un monde dans lequel les croyances deviennent réalité ? D’autant plus dans un microcosme comme un vaisseau. Le roman semble nous mettre en garde face aux croyances que l’on croit supérieur. Même un plus beau rêve né de la science peut aboutir au drame.
Quand les trajectoires individuelles forment un tout
Le récit se divise entre plusieurs personnages qui apportent une pierre à l’édifice. Brume est jeune femme franco-vietnamienne qui a participé à un programme durant lequel elle a partagé la conscience d’un dauphin. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle est présente lors de la préparation au voyage et à la fin, comme si elle était un chaînon manquant. Brume est capable d’une grande forme d’empathie. Jonathan Wei, que j’ai déjà évoqué, est un riche homme d’affaires sino-américain qui est très proche des pensées bouddhistes. William, un scientifique québécois, apporte de l’équilibre. Enfin, Dana est une chercheuse rationnelle et rigoureuse. Elle entre cependant en conflit avec sa fille, qui a des croyances bien différentes. Tous ont leur propre passé et histoire. Chaque point de vue permet de saisir une partie des événements pour comprendre l’ampleur de ce qu’il se passe, comme de multiples pièces à assembler. Et, souvent, ils mettent en lumière la place de l’individu face à la grande Histoire.
La narration est également éclatée au niveau temporel. Le roman est divisé en trois parties qui retracent les étapes importante du voyage vers Nüying : départ, voyage, arrivée. Entre chaque, il y a des ellipses importantes qui pourront déboussoler certains lecteurs. Mais le plus étrange, c’est que le procédé permet de bien faire sentir le poids du temps qui passe sur les personnages, mais aussi sur le vaisseau. Au fil des années, on a l’impression qu’un grain de sable est venu gripper une horloge bien réglée, emportant dans la tourmente le groupe de personnages, les mettant face à leurs limites et à leur rêve. Mon bémol vient d’une fin un peu précipité, en décalage avec le soin qu’a mis l’autrice dans la définition de ses personnages.
Les chants de Nüying est un roman singulier dans le paysage de la SF francophone
Une belle œuvre ! Les chants de Nüying n’est pas un roman de premier contact à proprement parler, mais un roman aux thèmes amples qui parle de l’humain. Nous suivons un groupe partant à la découverte d’une planète lointaine, en trois actes. Préparation, voyage et arrivée. Mais rien ne se passe comme prévu, car le mélange entre spiritualité et technologie est détonnant. Le roman présente une vision du futur qui mêle voyage spatial et transhumanisme. Mais ce qui caractérise la plume et le déroulé de l’autrice, c’est sa délicatesse. Le récit est écrit avec poésie et finesse, de la psychologie des personnages jusqu’aux événements. Le bémol vient cependant de la narration, parfois trop elliptique et qui met en scène un final trop rapide. Mais c’est un très beau roman de science-fiction, sensible et délicat.
Note : 17/20
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4 commentaires
Shaya · 14 octobre 2022 à 8 h 33 min
Ca n’est pas dans le même univers que Quitter les monts d’Automne du coup, avec cette composante asiatique dominante ? J’ai noté celui-ci dans un coin, mais pour l’instant je suis dans les monts d’Automne ^^
La Geekosophe · 15 octobre 2022 à 23 h 45 min
Non, même si les influences asiatiques sont présentes dans les deux cas ! Quitter les monts d’automne est plutôt planet et space opera et Les chants de Nüying du cyberpunk !
Emilie Querbalec - Les chants de Nüying - #PLIB2023 - Zoé prend la plume · 8 novembre 2022 à 7 h 01 min
[…] « hymne à la survie et à la beauté des mondes »; un roman de SF très humain, pour La Geekosophe, qui a apprécié le mélange SF et spiritualité. Enfin, vous retrouverez une analyse très […]
Les Chants de Nüying - Émilie Querbalec - RSF Blog · 23 septembre 2023 à 11 h 31 min
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