La fin du mois est synonyme de bilan ! Le mois de novembre a été riche en lectures de science-fiction écrites par des autrices françaises. Et je n’ai même pas fait exprès. Le thème principal du challenge SFFF du mois tournait autour du cyberpunk et de la dystopie, et je m’en suis donné à cœur joie.
Les flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert
Une folle odyssée sous des cieux aveuglants, sur des mers acides qui empruntent leurs couleurs à une délicieuse poignée de bonbons chimiques.
Tout commence par un naufrage. Ismaël, naturaliste de Rome, agonise sur un radeau de fortune quand il est repêché par le Player Killer, un sous-marin capable de naviguer dans les courants acides. Maintenant prisonnier des flibustiers de la mer chimique et de leur excentrique capitaine, Ismaël se demande comment réussir sa mission. Sur la terre ferme, la solitude n’a pas réussi à la graffeuse Alba – omnisciente ou presque. Bien qu’elle ait tendance à confondre les dates et les noms, elle est choisie pour incarner la mémoire des survivants. Dans une Rome assiégée par les flots toxiques de la Méditerranée, la jeune femme va apprendre à ses dépens que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.Et si, séparés par des milliers de kilomètres, ignorant tout l’un de l’autre, Ismaël et Alba cherchaient à percer la même énigme ?
Acide, surprenant et déjanté, le roman nous emmène dans son univers barré avec un grand sens de la formule. Entre personnages foutraques et monde qui se délite, l’autrice construit une humanité cynique qui se raccroche à ce qu’elle peut pour survivre. Les personnages sont profondément nihilistes et plongent dans la dérision : dialogues enlevés, références pop hallucinantes et comportements imprévisibles sont habituels chez Alba et Jonathan. Ismaël est plus le témoin du mode de vie foutraque du sous-marin le Player Killer. Ce qui est intéressant, c’est que chacun a un rapport différent à la connaissance et à la mémoire, qui est l’une des thématiques phares du livre. Parfois honnie, parfois sacralisée, elle est au cœur de l’action : qu’est-il arrivé à la terre ? Les humains vont-ils s’en sortir ? Le ton irrévérencieux mêlé d’amertume en fait une lecture détonante dans le paysage de la SF francophone.
Sang-de-lune de Charlotte Bousquet
Alta. Une cité où les femmes sont soumises à l’autorité des fils-du-soleil. Gia, comme toutes les sang-de-lune, doit docilement se plier aux règles édictées par le conseil des Sept, sous peine de réclusion, ou pire, de mort. Impossible d’échapper au joug de cette société où règne la terreur. Pourtant, le jour où sa petite sœur Arienn découvre la carte d’un monde inconnu, les deux jeunes filles se prennent à rêver à une possible liberté. Mais ce rêve est bientôt menacé par l’annonce du mariage de Gia. Le temps presse, elles doivent fuir. Or, pour atteindre ce monde mystérieux qui cristallise leurs espoirs, toutes deux doivent traverser les Régions Libres, un territoire effrayant où cohabitent hordes barbares et créatures monstrueuses, issues de la matière même de l’obscurité.
Sang-de-lune a une ambiance particulière qui permet de plonger dans la première partie aisément. La société est construite autour de la dichotomie homme/femme, avec tout un historique et une esthétique clair-obscur. L’histoire a des accents de conte gothique mêlé à la servante écarlate. Le personnage principal, Gia, est une réussite, et sa relation avec sa sœur est très bien mise en avant. La seconde partie est cependant moins bien gérée. L’ensemble manque de rythme et de cohésion, présentant les enjeux et la majorité des nouveaux personnages de manière trop succincte pour être captivante.
La mort du temps d’Aurélie Wellenstein
Un séisme temporel a dévasté la Terre, massacrant une large partie de la population et mélangeant les époques entre elles. Callista se retrouve seule survivante dans un Paris ravagé où s’amalgament deux-mille ans d’architecture. Tous ses repères chamboulés, la jeune fille n’a plus qu’un espoir : retrouver en vie sa meilleure amie, restée dans l’Est de la France. Callista part à pied pour un long périple, talonnée par la monstrueuse réplique du séisme qui semble la suivre pour l’anéantir. Si elle s’arrête, si elle ralentit, le cataclysme la dévorera. Au côté d’étranges compagnons, issus de siècles différents, elle va tout faire pour échapper au chaos.
Post-apo qui superpose les époques, c’est un one-shot au concept pleinement original. Dans une course-poursuite, plusieurs personnages survivent aux horreurs, séismes et violences qui secouent le monde. Le roman offre des passages horrifiques immersifs, grâce à des descriptions nerveuses et détaillées. Cependant, le personnage peine à convaincre, même si ses compagnons sont bien mis en scène. Le manque de maturité de l’héroïne et certaines éléments de scénario qui manquent de crédibilité ont nui au récit.
Carne de Julia Richard
Simon ne va pas bien. D’ailleurs, depuis qu’il s’est mis à vouloir manger de l’humain, les choses ne tournent pas bien rond dans sa tête.
Face à une société qui les traite, lui et ses congénères, comme des zombies, il fait de son mieux pour garder sa dignité, s’occuper de sa famille et être professionnel au bureau. Mais comment rester soi-même quand la faim frappe à la porte avec autant de délicatesse qu’un tank sur un champ de mines ?
Contraint à gérer son état parasite en maintenant l’illusion de la routine, il décide d’en faire une histoire de famille. Et vous savez ce qu’on dit sur les histoires de famille ?
C’est toujours un sacré bordel.
Et si on avait une bonne excuse pour croire à une apocalypse zombie ? Comment réagiraient les populations ? Les gouvernements ? Quel impact auraient nos médias ? Comment pourrions-nous être sûrs d’être dans le camp des héros ? Et que feraient ceux à qui on donne le mauvais rôle ? La culture de masse nous fait fantasmer les zombies, mais s’ils devenaient notre quotidien, qu’en ferions-nous ?
Carne joue volontairement avec les limites pour nous offrir une lecture entre gore et fun. L’originalité de nous mettre dans la peau du zombie lors d’une invasion permet de remettre en question la place dans la société : comment traiter ces meurtriers alors qu’ils toujours des familles et des moments de lucidité ? La chronologie erratique permet de bien comprendre le chemin mental vers la folie et la perte de contrôle. Entre humour noir et moment très violents, la lecture peut se révéler difficile pour certains publics sensibles. Le plume est cependant très humoristique et prenante. Il est vrai cependant que certains choix narratifs précipitent la fin et donnent peu d’éléments de contextes puisque nous sommes au niveau de Simon, le personnage principal.
Quelle est votre lecture marquante du mois ?
6 commentaires
Light And Smell · 30 novembre 2022 à 13 h 42 min
Les flibustiers de la mer chimique me tente bien.
Bon mois de décembre !
La Geekosophe · 2 décembre 2022 à 23 h 08 min
C’était une très chouette lecture, je recommande !
Lutin82 · 2 décembre 2022 à 23 h 25 min
Ah! J’ai désormais Les Flibustiers dans ma PAL, j’ai hâte de el commancer, mais j’ai quelques lectures programmées, un peu vanta.
Bon mois de décembre.
La Geekosophe · 8 décembre 2022 à 13 h 12 min
Bonne lecture ! J’espère que le roman te plaira autant qu’à moi 😛
Shaya · 11 décembre 2022 à 19 h 19 min
J’ai noté aussi Les flibustiers de la mer chimique ^^ Et bien joué pour le thème involontaire !
La Geekosophe · 30 décembre 2022 à 0 h 07 min
Très bon choix ! C’est une de mes lectures favorites de l’année !