Souvenez-vous, je n’avais pas été convaincue par Déracinée, un précédent roman de l’autrice ! C’était notamment la romance un peu malsaine qui pêchait. Mais j’avais reçu La fileuse d’argent dans une box. Le challenge SFFF m’a donné l’occasion de le sortir de la PAL, d’autant plus qu’on me l’avait beaucoup recommandé. Qu’en ai-je pensé ?

Synopsis de La fileuse d’argent

Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l’échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite… jusqu’à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son cœur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l’argent en or. Mais, lorsque son talent attire l’attention du roi des Staryk – un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril…

Enchanteur et bien fait

Trois femmes pour trois trajectoires

L’autrice choisit de mettre en avant trois points de vue différents. Myriem, jeune femme juive dont les talents de négociatrice attire l’attention du roi Staryk (une sorte de fée des glaces un brin teigneuse aimant bien trop l’or, passer des pactes douteux et les hivers longs et rigoureux qui tuent des gens). Wanda fille de fermier victime d’un père alcoolique et violent. Et enfin Irina, dont le père la destine à un mariage avec le Tsar, aussi beau que cruel. Naomi Novik leur construit des personnalités et des histoires très spécifiques. Ce qui particulièrement brillant, c’est qu’elle n’a pas à préciser qui est la narratrice pour savoir quel point de vue l’on suit. Par exemple, les parties de Wanda sont écrits dans un style plus simple et moins travaillé que celles des deux jeunes femmes qui sont issues d’un milieu plus éduquée.

De plus, l’évolution des trois héroïnes est très perceptible au fil des pages. On sent qu’elles sont vraiment éprouvées par les événements. Irina est au début du roman une jeune femme effacée mais gagne en confiance en elle quand elle se révèle être une tacticienne redoutable. Wanda gagne également en confiance en elle, et cela se voit grâce au style de ces parties qui gagnent en fluidité une fois qu’elle quitte son milieu familial toxique pour entrer dans un monde qui la considère comme une personnage de valeur. Irina, Miryem et Wanda sont donc trois beaux portraits de personnages complexes, à la psychologie poussée et aux caractères cohérents. Même les romances, qui pêchaient dans Déracinée, semblent mieux travaillées alors qu’elles suivent un schéma similaires, grâce à une plus grande maturité et une plus grande retenue dans leur déroulé.

Une réécriture de conte dans une ambiance slave

Un autre point fort de la Fileuse d’argent est son atmosphère glaciale envoûtante. La neige et le froid sont des éléments significatifs, entre danger et protection. C’est visible à travers la personnalité des Staryks, qui rappellent le petit peuple des fées. Des êtres dont la logique échappe aux humains, cruels mais loyaux, et qui ne faillissent pas à leur parole. L’ambiance de conte est très bien retranscrite. J’ai beaucoup apprécié l’histoire du pacte entre Miryem et le roi Staryk, le miroir qui amène aux pays des glaces, les parures d’argent qui fascinent ceux qui côtoient Irina… Le merveilleux apparaît par petites touches, avec originalité, et apporte vraiment aux personnages.

La culture slave est par ailleurs très présente et on sent que l’autrice a fait un gros travail de recherche pour proposer un univers cohérent. Les références sont ainsi multiples : un tsar, Czernobog, des kopeks en voulez-vous en voilà… De même pour la culture du Moyen-Âge. En effet, à cette époque, seuls les juifs étaient autorisés à effectuer la profession de prêteur sur gage, comme c’est le cas de la famille de Miryem. Cette ambiance est dépaysante et très agréable, est notamment posée un rythme qui se précipite pas et prend son temps pour poser les étapes de son histoire, sans pour autant qu’il y est de lenteurs.

La fileuse d’argent est un roman envoûtant maîtrisé

Quelle évolution comparativement à Déracinée (qui était déjà une belle lecture malgré ses défauts). Ici, on retrouve une vraie maturité dans la construction des personnages, qui évoluent de manière cohérente le long des récits, ont des psychologies complexes et des caractéristiques propres. Mais l’autrice démontre également un vrai talent pour une narration à plusieurs voix ! Mais contrairement à beaucoup d’autres romans s’y étant risqué, elle parvient à trouver le bon rythme pour poser son histoire, ses jalons tout en caractérisant son ambiance et ses personnages sans pour autant qu’il y ait de lenteurs. La culture slave est ainsi bien représentée, dans un merveilleux fascinant, créant un récit dépaysant et magnétique.

Note : 17/20

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Catégories : Chroniques

9 commentaires

Parlons fiction · 25 février 2022 à 21 h 00 min

J’ai eu l’occasion de découvrir récemment cette autrice avec son roman Education Meurtrière, que j’avais beaucoup aimé malgré un début assez difficile à suivre. Je me demandais par quel livre continuer la découverte de son œuvre et je pense qu’en passant sur ton blog, j’ai réussi à trouver ! Je suis curieuse de découvrir ce que peut donner ce roman, le côté « conte slave » que tu évoques me tente beaucoup, je pense avoir rarement lu quelque chose sur le sujet. A voir donc ! Comme toujours, une très belle chronique qui donne envie de découvrir le livre dont tu parles

    La Geekosophe · 1 mars 2022 à 21 h 44 min

    Je pense que « La fileuse d’argent » est un très bon choix, même s’il a l’air différent d' »Education meurtière » ! J’ai entendu du bien de Téméraire aussi 🙂 Mais ça a l’air très jeunesse !

zoelucaccini · 26 février 2022 à 10 h 19 min

Je suis contente que tu aies aimé ce titre. A lire les chroniques qui viennent après la mienne, je n’arrête pas de me dire que mon avis sur ce titre était assez dur, je n’ai pas été très objective sur ce bouquin – qui ne m’a pas plu du tout et que j’ai lu en diagonale. Je l’ai lu au mauvais moment, c’est dommage, car tu en dévoiles de très belles choses ! Je lui redonnerai peut-être une chance un jour !

    La Geekosophe · 2 mars 2022 à 19 h 24 min

    J’ai d’autres personnes qui n’ont pas accroché non plus ! Il faut apprécier la plume et l’ambiance, c’est vrai que le rythme peut sembler un peu lent comme c’est très introspectif

moonlightsymphony · 4 mars 2022 à 17 h 15 min

J’avais le même reproche que toi concernant Déracinée, résultat j’ai davantage apprécié La fileuse d’argent, que je qualifierai même de coup de coeur ! Je suis fascinée par le développement de la magie, le peuple Staryk et Miryem, le genre de personnage féminin que je rêverai de voir plus souvent

    La Geekosophe · 5 mars 2022 à 17 h 29 min

    Je l’ai trouvé globalement plus subtil et mieux équilibré, notamment dans la construction des personnages, dont le développement permet de mieux accrocher aux romances (qui pourtant se basent sur les mêmes mécanismes que « Déracinée »)

La Fileuse d’argent – Naomi Novik : les destins de trois femmes au coeur des tourments de l’hiver – Moonlight Symphony · 9 mars 2022 à 10 h 00 min

[…] D’autres avis sur La Fileuse d’argent : Alice Neverland, Livresque78, Navigatrice de l’imaginaire, Le sentier des mots, Sometimes a book, Ibidouu, Les blablas de Tachan, Zoé prend la plume, La Geekosophe. […]

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