Je me suis enfin lancée dans l’anthologie 2022 des Imaginales, une année dédiée à l’afrofuturisme. Vous le savez sûrement, mais c’est un courant de SF que j’apprécie beaucoup. Je l’ai découvert à travers des auteurs comme Nnedi Okorafor, Michael Roch ou Octavia Butler. J’avais hésité à l’acheter suite aux polémiques à sa sortie, mais j’avais trouvé dommage de passer à côté pour me faire un propre avis. On y va ?

Synopsis d’Afrofuturisme

L’anthologie des Imaginales 2022 fête les vingt ans du festival en vous offrant vingt textes : un avant-propos et dix-neuf nouvelles, dont les récits saisissants de deux des autrices afro-américaines les plus passionnantes du moment, Sofia Samatar (Demande de prolongation de contrat de travail à bord du Clarity) et Rivers Solomon (Soif de sang).
Les auteurs, dont beaucoup sont afrodescendants, nous entraînent dans des mondes qui ont déjà changé de base (Blanche Neige et le triangle quelconque, Dans les matongo de coton et de polymère, Miss Washington, La Paraphrase du Masque). D’autres évoquent le moment où tout bascule (Les Ciseaux de sang, De l’autre côté de la nuit, Nine Inch Man, Twati an vè-a). D’autres encore nous emmènent dans l’espace (La Tête d’Olokun, Venus Requiem, Itinéraire d’une migrante martienne, Plus que la terre encore) ou dans les arcanes du temps (Reine égarée) ; ils évoquent aussi une utopie (Le Nombril du monde), une alternative au renoncement (L’Amour est source de vie), la façon de sortir d’un piège (Souvenir organique) ou Patrice Lumumba, héros de la décolonisation (Léopard cha-cha).

Inégale, comme beaucoup d’anthologies

Une sélection variée avec des auteurs confirmés ou prometteurs

L’anthologie réunit des plumes parmi les plus connues ou prometteuses de la littérature de l’imaginaire du moment. Je n’ai trouvé aucune nouvelle mal écrite. J’ai particulièrement apprécié La tête d’Olokun, qui nous entraîne dans une enquête autour d’une vente d’œuvres d’art terriennes, dans l’espace. L’univers était intéressant et bien décrit. J’ai également bien apprécié Blanche-Neige et le triangle quelconque, de Ketty Steward. L’alternance entre deux points de vue apporte un jeu dans l’écriture qui permet de garder un certain dynamisme. Même si c’était sans doute un peu éloigné du thème de l’afrofuturisme. L’ensemble des textes a le mérite de nous faire sortir de notre zone de confort.

Ceci dit, certaines nouvelles apportent un éclairage sur certains points de la société. Dans le texte de Rivers Solomon, Soif de sang, une femme accouche mystérieusement de personnes qui semblent être ses ancêtres. La place du passé et du lien de sang est souvent représenté dans la littérature des afrodescendants, notamment le lien avec l’esclavage et la domination. Le fantastique permet de donner une nouvelle texture à cette notion d’héritage. Dans le texte de Corinne Guitteaud, la reine égarée, j’ai beaucoup comment le récit nous projetait alors que le Bénin était dirigée par une reine, posant la question de la mémoire et de la place des femme en archéologie avec un twist original.

Des récits qui reprennent parfois des lieux communs

Cependant beaucoup des textes continuent de présenter les personnes racisées comme des victimes, parfois de manière un peu maladroite. C’est notamment le cas des femmes racisées, comme dans la nouvelle de Floriane Soulas ou celle de Ciseaux de sang de Sylvia Saeba, qui mettent en scène des femmes réifiées, dans la première utilisées comme cobayes, dans l’autre comme reproductrice même après la mort. Le corps est vue comme objet, ce qui à mes yeux pointe une vision qui a du mal à sortir les femmes noires du rôle de victime. Il y a finalement assez peu d’utopies, hormis Le nombril du monde, un très beau texte. C’est à la fois intéressant à analyser, mais j’aurais aimé des textes qui proposent une mise en avant des cultures du continent africain dans sa richesse et sa pluralité.

Cela avait fait polémique au festival, mais il y a beaucoup d’auteurs blancs dans cette sélection. Pour moi, ce n’est pas tant le cœur du problème. En effet, beaucoup de textes ne tiennent pas vraiment de l’afrofuturisme, même s’ils sont parfois bien écrits et captivants. Il y a peut-être un trouble qui demeure quant à ce qu’est l’afrofuturisme, ou peut-être qu’il aurait fallu changer de titre pour offrir plus de latitude aux auteurs. On sent parfois que le thème imposé n’a pas permis de traiter autant de thématiques que l’afrofuturisme peut permettre en réalité.

Afrofuturisme, exploration d’un genre en évolution

L’anthologie des Imaginales 2022, dédiée à l’afrofuturisme, offre une plongée dans des mondes où le changement est inévitable. La diversité des auteurs, confirmés ou émergents, apporte une richesse d’idées et de perspectives. Certains récits captivent par leur originalité, comme « La tête d’Olokun » et « Blanche-Neige et le triangle quelconque », mais l’inégale représentation des cultures africaines et la tendance à présenter les personnages racisés comme des victimes soulèvent des questionnements légitimes. Malgré les polémiques liées à la sélection, la véritable problématique semble résider dans la compréhension de l’afrofuturisme, laissant place à une réflexion sur la nécessité d’une approche plus nuancée et inclusive. En fin de compte, l’anthologie offre une exploration, parfois hésitante, d’un courant littéraire en constante évolution.

Note : 15/20

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Catégories : Chroniques

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