Un point lecture dont je suis assez satisfaite ! Comme toujours il y a beaucoup d’imaginaire, avec de la mythologie sombre, de la boucle temporelle ou la chute des Empires. J’ai même pu lire la suite d’une saga qui me tient à cœur et qui se compose de bons gros pavés. On y va ?
L’obscure clarté de l’air de David Vann
« Née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n’être jamais effacée. Hécate-Médée, plus qu’une déesse et plus qu’une femme, désormais vivante, aux temps des origines”. Ainsi est Médée, femme libre et enchanteresse, qui bravera tous les interdits pour maîtriser son destin. Magicienne impitoyable assoiffée de pouvoir ou princesse amoureuse trahie par son mari Jason ? Animée par un insatiable désir de vengeance, Médée est l’incarnation même, dans la littérature occidentale, de la prise de conscience de soi, de ses actes et de sa responsabilité.
Dans une langue sublime et féroce, David Vann fait une relecture moderne du mythe de Médée dans toute sa complexe et terrifiante beauté. Le portrait d’une femme exceptionnelle qui allie noirceur et passion dévorante.
l’Obscure clarté de l’air enchaîne le lecteur grâce à sa proposition qui ne laisse pas indifférent, alternant entre passages de violences et de contemplation introspective. Le récit est traversé d’une violence crue et cruelle, reprenant les principaux jalons d’un mythe controversé. Médée est un personnage parfait pour l’auteur, David Vann nous en offre une version incandescente et puissante, oscillant constamment entre la femme blessée et humiliée, l’enchanteresse captivante et la créature monstrueuse. Le personnage brille par son ambivalence, mais c’est sa radicale volonté d’assumer ses choix et de contrôler son destin qui domine. D’autant plus que l’ensemble est porté par une écriture vibrante, capable de partager la violence comme la poésie des instants avec une grande clarté. Vous vous en doutez, c’est une lecture difficile, qu’il faut lire l’esprit peu encombré pour bien apprécier.
Les quinze première vies d’Harry August de Claire North
Harry August se trouve sur son lit de mort. Une fois de plus.
Chaque fois qu’il décède, il naît de nouveau, au lieu et à la date exacts auxquels il est venu au monde la première fois, possédant tous les souvenirs des vies qu’il a déjà vécues. Au crépuscule de sa onzième vie, une petite fille apparaît à son chevet. « J’ai bien failli vous rater, docteur August, dit-elle. Je dois vous transmettre un message, passé d’enfant à adulte, d’enfant à adulte, remontant de génération en génération depuis un millénaire dans le futur. Le voici : la fin du monde approche, et nous ne pouvons pas l’empêcher. À vous de jouer. »
Les quinze premières vies d’Harry August est un roman prenant qui ne manque pas d’accrocher son lecteur. Le concept est très intéressant, notamment l’idée que certains humains revivent leur vie à l’infini. Claire North en profite pour développer un univers riche et cohérent, entre sociétés secrètes, modifications du temps et multiples expériences. Le narrateur est attachant, bien qu’un peu détaché, mais on apprécie son ironie par rapport à sa situation. Dommage cependant que le rythme pâtisse d’un choix narratif qui opte pour des digressions qui coupent l’action. Mais globalement, c’est un roman de SF parfait si vous aimez les intrications temporelles, l’histoire et les ambiances british.
Les dieux sauvages, tome 3 : la fureur de la terre de Lionel Davoust
La ville de Loered, Le Verrou du Fleuve, est en train de ployer sous la pression des armées démoniaques, mi-chair, mi-machine, du dieu Aska. Affamée, malade, désespérée, la population ne tient plus que par sa foi envers Mériane, l’envoyée du dieu Wer.
Alors qu’au plus hauts échelons du royaume, la reine régente Izara s’efforce de sauvegarder de qu’elle peut encore, le prince Erwel se lance dans un appel désespéré à l’union des provinces pour aider Loered. Pour espérer survivre, Mériane et les siens n’ont d’autre choix que de risquer d’encourir la colère divine. Car dans le passé du monde, dans les vestiges anéantis de l’Empire d’Asrethia, repose peut-être une puissance capable de rivaliser avec celle d’Aska.
Tandis que le passé du monde émerge, la réelle nature du conflit qui oppose les dieux rivaux se dessine, et les Rhovelliens affrontent leurs plus terribles sacrifices. Quand la mort frappe tous les jours, il n’y a pas de héros, pas d’épopée – seulement la nécessité de survivre jusqu’au lendemain.
Un troisième tome qui nous plonge dans le côté obscur de la guerre ! Loin de nous mettre en scène un conflit épique, Lionel Davoust nous montre la noirceur et la violence d’un siège. Violence, sang , maladie, désespoir… Des éléments qui viennent soutenir l’importance de la croyance, symbolisée par Mériane, qui prend de plus en plus la mesure de son rôle de Prophète de Wer. Tous les personnages sont poussés dans leur retranchement face à des ennemis qui semblent toujours avoir une longueur d’avance. Mais le passé de l’Empire, l’origine de la technologie Askalite et la nature des Dieux sont au cœur de certaines révélations qui apportent une nouvelle ampleur à un récit qui pouvait paraître parfois bien manichéen.
Les seigneurs de Bohen d’Estelle Faye
Je vais vous raconter comment l’Empire est mort. L’Empire de Bohen, le plus puissant jamais connu, qui tirait sa richesse du lirium, ce métal aux reflets d’étoile, que les nomades de ma steppe appellent le sang blanc du monde. Un Empire fort de dix siècles d’existence, qui dans son aveuglement se croyait éternel. J’évoquerai pour vous les héros qui provoquèrent sa chute. Vous ne trouverez parmi eux ni grands seigneurs, ni sages conseillers, ni splendides princesses, ni nobles chevaliers… Non, je vais vous narrer les hauts faits de Sainte-Étoile, l’escrimeur errant au passé trouble, persuadé de porter un monstre dans son crâne. De Maëve la morguenne, la sorcière des ports des Havres, qui voulait libérer les océans. De Wens, le clerc de notaire, condamné à l’enfer des mines et qui dans les ténèbres découvrit une nouvelle voie… Et de tant d’autres encore, de ceux dont le monde n’attendait rien, mais qui malgré cela y laissèrent leur empreinte. Et le vent emportera mes mots sur la steppe. Le vent, au-delà, les murmurera dans Bohen. Avec un peu de chance, le monde se souviendra.
Il ne manquait pas grand chose pour que le roman me conquiert pleinement ! C’est un plaisir de retrouver la plume fluide et poétique d’Estelle Faye, qui parvient une fois de plus à bâtir des personnages convaincants et approfondis. L’univers est un point fort qui aurait mérité d’être accentué : les ambiances slaves et bretonnes sont envoûtantes, le tout dans un contexte de changement technologique et culturel majeur. Elles permettent au roman de trouver une identité bien à lui dans de la fantasy souvent marquée par le médiéval d’Europe de l’Ouest. J’ai cependant trouvé que le récit perdait son histoire originelle et son rythme dans des romances un peu falotes qui contrastent étrangement avec la volonté de créer un monde sombre et violent. Le livre a cependant trouvé son public, du coup n’hésitez pas à lire plus de chroniques si vous pensez qu’il pourrait vous plaire.
Ada ou la beauté des nombres de Catherine Dufour
Ada Lovelace, fille du poète Lord Byron, est une lady anglaise perdue dans les brumes du xixe siècle. Nous voilà cent ans avant le premier ordinateur, et personne ne se doute que cette jeune femme maladive, emprisonnée dans un corset, étouffant entre un mari maltraitant et une mère abusive, s’apprête à écrire le premier programme informatique au monde.
À 25 ans, déjà mère de trois enfants, Ada Lovelace se prend de passion pour les mathématiques. Elle rencontre Charles Babbage, qui vient de concevoir une machine à calculer révolutionnaire pour l’époque. C’est en la voyant qu’Ada a soudain l’intuition de ce qui deviendra l’informatique.
Sans elle, pas d’Internet, pas de réseaux sociaux, pas de conquête de l’espace.
La plume truculente de Catherine Dufour nous entraîne à la découverte de la vie méconnue d’Ada Lovelace. A travers la vie de cette mathématicienne douée, l’autrice montre l’étroit corset dans lequel les femmes de l’époque doivent se glisser. Ainsi, Ada apprendra les sciences grâce à une mère elle-même talentueuse dont le mari, le fameux lord Byron, aura disparu bien rapidement de leur vie, et en justifiant le fait que les maths lui permettent de garder son utérus sauteur en place. C’est aussi la bonne société anglaise qui en prend pour son grade ! Cette société imbue d’elle-même et engoncée dans ces principes, aboutissant à des hommes et des femmes brisés en série. Ada connaîtra les addictions, étouffera dans l’étreinte d’une mère abusive, mais rencontrera aussi des mentors capables d’exacerber son talent. Si la biographie est un peu courte par moments, j’ai bien aimé le ton incisif et la mise en lumière de la femme.
Quelles lectures avez-vous fait ce mois-ci ? Vous participez à des challenges ?
4 commentaires
Ophélie Slow Books · 5 février 2022 à 14 h 55 min
Je suis bien tentée par le roman des Quinze premières vies d’Harry August ! Le côté boucle temporelle, etc. A voir 🙂
La Geekosophe · 5 février 2022 à 22 h 26 min
Je conseille, il est très chouette 🙂
Shaya · 13 février 2022 à 20 h 37 min
Joli bilan ! Ca me rappelle qu’il faut que je lise la biographie d’Ada Lovelace un jour !
La Geekosophe · 18 février 2022 à 22 h 48 min
La biographie est facile d’accès et drôle ! C’est une bonne porte d’entrée 🙂